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29 juillet 2013 1 29 /07 /juillet /2013 15:41



Brás de Oliva Domingos est un daytripper : il voyage dans le temps et réalise le fantasme le plus cher de Milan Kundera en empruntant différentes voies qui mènent sur autant de destins différents. O joie de pouvoir mener plusieurs vies ! Oui mais… là où Milan Kundera lui-même ne serait pas d’accord c’est que 1) Brás n’a pas conscience de la pluralité de ses existences ; 2) chacune d’entre elles est marquée par la mort. Volonté scénaristique permettant peut-être de conclure dignement chacune des étapes que Brás aura eu l’occasion de franchir… Vraie obsession également puisque non content de mourir dix fois dans cet ouvrage, Brás écrit pour les nécrologies d’un journal et se laisse hanter par les voix des défunts auxquels il rend hommage.



Chaque chapitre de Daytripper s’ouvre à des moments différents de l’existence du personnage. A 33 ans, à 11 ans, à 21 ans ou à 76 ans, nous retrouvons la même personne mais à des étapes différentes et indépendantes. Le Brás de 33 ans n’est pas celui qui succède logiquement à celui que nous découvrirons à 11 ans, mais l’ensemble reste globalement cohérent, comme si certaines constantes ne pouvaient pas être exclues de l’infinité des univers que nous soupçonnons. Ces constantes restent l’ambition de devenir écrivain, le poids de la famille et l’attachement à certaines amitiés ou à certains amours. Brás de Oliva Domingos devient alors un personnage crédible malgré le fantastique de sa situation. On oublie même que ce qu’il vit est atypique. Sa psychologie fouillée rend ses sentiments limpides et le travail effectué sur l’expression des visages ainsi que sur les atmosphères des lieux nous donnent l’impression d’assister à des scènes d’un réalisme troublant.



On le savait déjà : la bande dessinée n’est pas une technique artistique et narrative de bas niveau. Elle permet même d’éprouver les limites du genre plus noble du roman –ici, il n’aurait pas pu réaliser aussi efficacement le travail de voyage temporel effectué à travers la synergie du dessin et du texte.


Daytripper est une belle œuvre mélancolique qui nous étreint des centaines de pages durant et qui nous laisse hagard. On ressort de cette lecture avec des interrogations nouvelles, meurtris par les fins monadiques mais aussi –et surtout-, impressionnés par les miracles de l’existence.


Citation:
Des gens meurent tous les jours. C’était la pensée la plus réconfortante effleurant Bras pendant que défilaient devant lui toutes les nécrologies qu’il avait écrites pour le journal. Il venait de le comprendre : même lorsqu’il n’écrivait pas, les gens continuaient de mourir.


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commentaires

L
Je n'avais pas forcément vu ces étapes comme des voyages temporels (et indépendants de la volonté de Brás) mais plus comme des moments clefs de l'existence et des fins de vie fantasmées qu'il<br /> aurait pu subir à tout moment.<br /> C'est en tout cas un bel album et je partage ton enthousiasme.
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C
<br /> <br /> Et d'autant plus bel album qu'il est visiblement capable de susciter bien des interprétations différentes !<br /> <br /> <br /> <br />
M
Rien à ajouter ! Tu as tout dit, très belle chronique que tu partages et dans laquelle je me retrouve tout à fait !
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C
<br /> <br /> Heurese de cette unanimité ;)<br /> <br /> <br /> <br />