Synopsis :
En août 1957, à Hiroshima. Dans la pénombre d'une chambre, un couple nu, enlacé. Elle, une jeune actrice francaise d'une trentaine d'années venue pour jouer dans un film sur la paix. Lui, un
architecte japonais. C'est l'histoire de leur impossible amour.
Film sur l’oubli, sur le devoir de mémoire, sur la bombe atomique, sur la seconde guerre mondiale… Difficile de ne pas se laisser écraser par tous les grands termes qui qualifient
Hiroshima mon amour. Forcément inquiétant, lorsqu’on entre dans ce film, on se sent tout petit, obligé de s’écraser… Après tout, qui sommes nous pour oser souiller de nos yeux
cette grande réalisation à visée humanitaire ?
Dès les premières images, nous voilà pris d’assauts par les figures des revenants d’Hiroshima, grands mutilés comparés à ces plantes qui ont ressurgi de sous terre quelques jours après le grand
rasage nucléaire… Sur les banderoles ils défilent, dans la mémoire aussi, ils font leur apparition, comme des visions qu’il faudrait ne jamais laisser s’estomper.
Les premières scènes sont belles. Tournées dans une atmosphère ouateuse qui tranche avec les images de la mort à Hiroshima, les phrases tournent en boucle, donnent un rythme martial à l’histoire,
et évoquent l’impossibilité de communiquer les horreurs de la Seconde Guerre Mondiale.
Le film résume parfaitement bien cette difficulté. Souhaitant aborder le sujet de la bombe atomique, il réussit à ne jamais en parler pendant une heure et demie, préférant y faire allusion par
des métaphores, des images détournées, et un jeu d’acteur parfois douteux, souvent grossier.
Hiroshima mon amour évoque le sujet de la bombe atomique avec une extrême finesse, mais aussi avec tant de précautions que le film donne l’impression de n’être qu’un exercice
stylistique, une façon de recycler une tragédie pour en faire un film que l’on regarde confortablement, assis chez soi, sur son canapé ou au cinéma. Et c’est long, long, long. La première
demi-heure retient l’attention, mais les deux autres qui suivent n’en sont qu’une redite littéraire. Et la difficulté, avec un film abordant un sujet tel qu’Hiroshima, c’est de dire qu’on ne l’a
pas apprécié. Et pourtant, c’est mon cas… Non pas que le sujet ne soit pas à la hauteur de mes attentes, mais parce que le réalisateur a cru bon de le réduire à un pur sujet d’abstraction
artistique.
Pour ceux qui veulent lire le scénario complet de Marguerite Duras, c’est possible : link
Et Alain Resnais a donné une explication de son film dans une interview consultable link
Je n’ai pas eu le courage d’en lire la totalité. Trop de paroles obscures. Un film qui doit s’accompagner d’une grille de lecture pour être compris dans sa globalité ne peut pas être
fondamentalement réussi. Cela signifie que le réalisateur n’est pas parvenu à s’exprimer de manière limpide, ou qu’il se plaît à cheminer dans les hautes strates de la pensée intellectuelle. Dans
un cas comme dans un autre, je considère cela comme un désavantage.
« Ce qui frappe le spectateur, c’est la multiplicité des strates temporelles présentées ensemble dans le film. Lorsque l’héroïne parle du passé, il ne s’agit pas de raconter une histoire d’il
y a quatorze ans, mais de recréer à l’écran sa mémoire présente. C’est pourquoi, de plus en plus fréquemment dans le film, des plans de Nevers vont s’immiscer entre des plans d’Hiroshima. […]Le
film est donc construit sur deux axes :
– l’interpénétration du passé et du présent dans la mémoire, qui se manifeste ici à l’occasion de l’aveu fait au Japonais, sans doute parce que l’aventure avec lui – un étranger, parlant français
avec accent, etc. – correspond pour la femme exactement à ce qui lui est arrivé à Nevers ;
– l’interpénétration de l’individuel et de l’histoire universelle. Le drame de Nevers vient faire écho au cataclysme nucléaire mondial, à l’occasion du hasard de cette rencontre avec un Japonais
à Hiroshima ; et on apprend vers la fin, lorsqu’elle achève de se raconter, que pour elle Hiroshima a coïncidé exactement avec son arrivée à Paris, c’est-à-dire au fond la sortie de sa réclusion
à Nevers et le deuil de son premier amour, moment où elle comprit qu’« on ne meurt pas d’amour ». […]La forme singulière du film est justifiée très exactement par cette structure : l’irruption de
plans sans lien narratif immédiat avec les précédents montre simplement le surgissement du passé dans la conscience, dans un ordre qui n’est pas celui d’une narration faite pour un autre, mais
celui des évocations ressenties par une conscience. […]C’est pourquoi, à la toute fin, en écho à ce début de film, elle dira : « Hiroshima, c’est ton nom » ; à quoi il répondra : « Ton nom, c’est
Nevers ». Ces deux phrases marquent la clôture du film selon ses deux dimensions, l’interpénétration du passé et du présent, la correspondance du drame individuel et du cataclysme universel. Le
film peut s’achever ainsi, alors que selon une logique narrative objective il reste en suspens, puisque la Française n’a pas encore pris son avion. »