1656 : Issue d’une terre vierge, la Maison prend forme et s’installe entre les arbres de la forêt voisine.
1900 : Les premiers habitants de la Maison ont disparu depuis longtemps. La Maison n’a pas bougé. Seulement décrépie par le temps, elle retrouve une seconde vie : une nouvelle
famille la retape grossièrement pour s’installer.
De 1900 à 1999, un siècle s’écoule, et pas n’importe quel siècle. Alors que la Maison avait à peine subi le temps qui passe de 1656 à 1900, son érosion semble précipitée au cours
du 20e siècle. Mais la vie n’est jamais loin, qui tente de reprendre ses droits avec une conscience plus ou moins accrue de son rôle de sujet fugitif. L’album est ainsi découpé
qu’il souligne avec puissance la tragédie de notre condition mortelle. Chaque scène se joue en deux double-pages. La première nous annonce l’année de narration et nous présente
quatre lignes de prose poétique permettant à la Maison de s’exprimer. On reste songeur, en suspens devant un haïku édifiant, imaginant déjà une scène dans laquelle la Maison
conserve son rôle principal. La deuxième double-page viendra compléter ou corriger notre imagination en étalant sous nos yeux un panorama au centre duquel la Maison et son
environnement sont des constantes immuables. Les illustrations de Roberto Innocenti fourmillent de détails qui ne se révèlent pas forcément au premier aperçu. On revient plusieurs
fois sur ces pages merveilleuses. De multiples histoires anodines s’ébauchent et se conjuguent, se répondent et se comprennent dans le silence des mots. Les personnages parlaient
et vivaient de toute la force de leur énergie vitale mais le temps a passé et nous sommes témoins silencieux de leur existence.
L’alliance mélancolique des textes de J. Patrick Lewis et des illustrations de Roberto Innocenti parviennent à synthétiser en quelques lignes et en quelques images le sentiment
tragique de la vie. Le temps passe, les hommes meublent l’espace d’une vie puissante qui s’évanouit totalement quelques décennies plus tard, d’autres hommes les remplacent, qui
disparaissent à leur tour sans jamais sembler conscient de leur fugacité. La Maison observe et paraît d’abord immuable avant de révéler à son tour la précarité de son édifice de
pierres. Cet album terriblement mélancolique s’achève sur une vision de la modernité ambivalente, où la renaissance se conjugue à l’inhumanité d’une conscience sans âme.
Glaçant.
"Que les adieux sur moi tombent comme des pleurs :
Le décès de la veuve est mon funèbre automne,
Sans cœur, une maison ressemble à une fleur
Dépourvue de rosée. Doucement, le glass sonne."
Détails...
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1901
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1915
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1918
"Mon âtre brûle, et l’école attend les enfants,
Pleins de vertus, de livres, dans la chaleur des classes,
Leur innocence est belle et si brève pourtant.
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1929
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1944
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1958
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1993
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1999