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29 janvier 2013 2 29 /01 /janvier /2013 19:15






Quel soulagement de voir la maison familiale prendre feu ! Ce n’est pas que cette belle demeure qui fait le centre des scènes du Sacrifice me déplaise mais enfin ! il se passe quelque chose de décisif et la fin du film approche ! Mais pour cela, il aura fallu traverser 2h30 arides et austères…





Le Sacrifice est un objet qui ne semble pas avoir d’autre projet que celui d’illustrer certaines des idées d’Andrei Tarkovski en scènes filmées. On pourrait dire qu’il s’agit là de la règle en cinéma…mais ici, les images ne semblent absolument pas nécessaires et n’apportent rien aux réflexions d’Alexander, ancien acteur démissionnaire, pauvre bougre torturé par des idées « nietzschéennes ». Au contraire, elles nuisent à leur compréhension : ne serait-on pas mieux au calme pour lire et s’imprégner tranquillement des pensées de Tarkovski ? Avec le Sacrifice, on croit sans cesse qu’il va se passer quelque chose de crucial à l’écran et l’attention se détache parfois du propos pour porter l’œil sur les scènes et les personnages alors qu’en définitive, l’illustration ne se fera que vaguement, sous forme d’une parodie grossière du propos littéral. A la limite pourra-t-on apprécier les atmosphères lugubres et terrifiées que Tarkovski parvient à mettre en place dès lors que l’annonce d’une nouvelle guerre mondiale s’infiltre à travers les murs de la maison. Même si là encore, n’importe quel cerveau de lecteur aurait pu se figurer lui-même cette obscure terreur.




Avant le Sacrifice, je ne connaissais pas Tarkovski. Lui, cinéaste ? Pourquoi pas… mais pour moi, il est avant toute chose un écrivain et idéologue, bien meilleur à l’écrit lorsqu’il s’agit de s’expliquer à propos de son film, que derrière la caméra lorsqu’il s’agit de le tourner…


Citation:
« C’est à partir de ces réflexions que j’ai décidé de réaliser le Sacrifice. Le moyen de revenir à un rapport normal avec la vie est de restaurer un rapport avec soi-même. Il faut pour cela trouver son indépendance face au style de vie matériel et vérifier par là même sa propre essence spirituelle. Dans ce film, je montre un des aspects de cette lutte si on vit en société et qui est la conception chrétienne du sacrifice de soi. Celui qui n’a pas connu ce sentiment-là, de désir, cesse, de mon point de vue, d’être un homme, se rapproche de l’animal et devient un mécanisme étrange, un objet expérimental dans les mains de la société et du gouvernement. Par contre, s’il acquiert son autonomie morale, il trouve en lui la capacité de s’offrir en sacrifice à quelqu’un d’autre. »





Citation:
« Cet homme a compris que, pour se sauver, il est indispensable de s’oublier soi-même. Même sur le plan physique, il faut passer à un autre niveau d’existence. Quand on a faim, on va au magasin et on s’achète à manger, mais quand vraiment on se sent très mal, en crise spirituelle, il n’y a nulle part où aller, sauf chez les sexologues et les psychanalystes qui ne comprennent rien à ce qui se passe. Ce sont des bavards, des voyeurs, qui vous consolent, vous calment et vous font payer cher. Ce sont des charlatans, mais ils sont terriblement à la mode. Mon héros ne peut plus vivre comme avant et il accomplit un acte, peut-être désespéré mais qui lui montre qu’il est libre. De tels actes peuvent avoir une résonance absurde sur le plan matériel, mais sur le plan spirituel ils sont magnifiques car ils ouvrent la voie d’une renaissance. »






Citation:
« Ce qu’on appelle l’information dont on prétend avoir tellement besoin - voyez la télévision et la radio - les commentaires permanents, infinis des joumaux, tout cela est vide et dépourvu de sens d’un point de vue fondamental. On s’imagine que l’homme doit savoir toutes sortes de choses dont en fait il n’a pas besoin, dont la connaissance lui est strictement inutile. Nous mourrons sous les tonnes de cette information bavarde. En fait, il vaut mieux agir que bavarder. Quant aux mots, aux paroles avec lesquels nous communiquons - et ceci concerne l’art- ils doivent être dépourvus de passion. C’est la nostalgie que nous éprouvons envers le principe olympien, cette froideur, cette réserve classique, qui fait la magie, le secret des grandes oeuvres à résonance métaphysique. »




(extrait d’un entretien avec Annie Epelboin à Paris, le 15 mars 1986 et paru dans la revue Positif, mai 1986)

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