Superbe décor, superbe toile de fond (Midas et Bacchus de Nicolas Poussin), superbes actrices, superbes tenues... Un aménagement des pièces qui change subtilement au cours du film, des
entassements de mannequin significatifs, des coiffures et des maquillages étonnants qui renouvellent sans cesse l’identité de Petra von Kant -par ailleurs bien difficile à cerner, entre ironie et
désespoir bien réel… Des plans qui jouent avec les émotions des personnages, des ellipses qui stimulent l’imagination du spectateur…
Et de la monotonie ! Parce que tout a beau être superbe, baroque et rempli de classe, on ne peut pas dire qu’on s’amuse follement à regarder ce film. On se laisse engluer dans de longues
discussions mettant en rapport Petra von Kant avec sa mère, sa fille, ses amies et surtout Karin, jeune demoiselle à peine arriviste de 23 ans, sur qui elle jette son dévolu. Témoin mystérieux de
tous ces va-et-vient, Marlène contemple et écoute sans rien dire, personnage intermédiaire entre ces femmes et les mannequins inertes qui jonchent le sol.
Il est essentiellement question de rapports amoureux, considérés sous l’angle peu enthousiasmant de la domination et des rapports de force. Les larmes de Petra sont amères car lucides : une fois
vécue la première grande désillusion de l’existence, difficile de retrouver une innocence et d’envisager avec sérénité tout renouvellement du rapport amoureux. Karin est là pour le lui rappeler,
si jamais elle avait cru pouvoir oublier cette vérité à travers elle. L’homosexualité comme l’hétérosexualité ne lui apporteront pas le bonheur total que chacun feint généralement de ressentir
comme preuve incontestable de la réussite d’une existence.
Si le discours a pu être déconcertant à l’époque où le film est sorti, il n’a aujourd’hui rien de révolutionnaire. L’écouter pendant deux heures ne provoquera aucune révélation bouleversante. Il
s’agit tout au plus d’une gentille piqûre de rappel, qu’on aurait peut-être aimé un peu moins figée.
L’interview de Fassbinder, longue de 50 minutes, est presque plus stimulante que le film en lui-même. Pourtant, Les larmes amères de Petra von Kant est loin d’être mauvais ; il
est simplement dispensable.