Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
2 octobre 2012 2 02 /10 /octobre /2012 18:32

 







La musique de Francis Ponge possède une résonnance particulière, qui s’explique sans doute par ses grandes similitudes avec la prose que des expressions, tournures grammaticales, rythmiques ou termes lexicaux viennent subtilement détourner de leur ancrage dans la banalité de l’expression.


Les Lyres, publiées en 1961, regroupent des extraits des Grand et Petit Recueil, composés de pièces courtes et de réflexions « poétiques », en ce sens qu’elles cherchent avant tout à redéfinir les visions ternes de notre quotidien en ballades métaphysiques (« Texte sur l’électricité ») ou en variations musicales (« Le quartier des affaires », « L’allumette », « Soir d’août »…). Le recueil est ponctué d’hommages et de références explicites (« Jules Romain peintre de Paris », « Trois impromptus sur L.-P. Fargue »…) qui nécessitent une connivence culturelle sans laquelle l’appréciation risque d’être compliquée.


D’une manière générale, le recueil des Lyres n’est pas un hymne à la joie, sans tomber non plus dans son versant opposé. Le ton est souvent désabusé. La déchéance physique et la fatigue mentale se complètent pour achever le portrait d’une humanité malade de ne pas trouver les mots justes pour s’exprimer.


On comprend tout le désarroi de Francis Ponge. Ses intentions trouvent des fulgurances d’expression au détour de l’une ou de l’autre des pages de son recueil, tandis que le reste s’efface, en veilleuse, et que la lecture laisse doucement assoupi, en attente de la prochaine déflagration. Pour ma part, je n’ai pas réussi à me passionner pour la lecture de ces Lyres. La qualité et l’originalité de l’écriture sont indéniables mais restent d’une beauté superficielle qui n’a pas réussi à me nourrir, passé le terme de la lecture immédiate.


Un texte surtout a suscité mon enthousiasme, celui sur L'électricité Quelques extraits....


Citation:
« Pour nous conformer au style de vie qui est le nôtre depuis que le courant électrique est à notre disposition, nous établirons le contact sans plus attendre et jetterons brusquement la lumière sur nos intentions. »




Citation:
« Finalement, me dis-je, car je me sentais fatigué, je crois que l’électricité a agi sur la poésie et l’art plutôt négativement. Son influence, nous l’éprouvons dans une modification générale du goût. Je veux dire qu’elle a contribué à faire préférer la clarté à la pénombre, peut-être les couleurs pures aux couleurs nuancées, peut-être la rapidité aux lentes manières et peut-être un certain cynisme à l’effusion. »




Citation:
« Je dirais même que l’orgueil de la supériorité, voilà ce qui me semblerait non seulement un peu ridicule, mais aussi un peu dangereux. Peut-être, après tout, n’est-il pas bon pour la santé d’un rouage, qu’il se figure être le rouage principal ? Peut-être risque-t-il alors de s’emballer, de tourner à un régime trop rapide, usant et fatigant pour lui ? Enfin, nous les connaissons, n’est-ce pas ? ces dépressions qui suivent les exaltations ? Pourquoi nous mettrions-nous en ce cas ? Pourquoi risquerions-nous, chantant trop fort notre supériorité et notre gloire, de devoir un jour déchanter, nous placer trop bas, nous jeter dans le sentiment de notre impuissance ; et descendre, un peu trop vite sans doute, l’escalier des caves… »



Citation:

« Un porc doit-il vivre dans les forêts, il lui faut devenir tout à fait autre, que ses défenses s’allongent, etc. Qu’un cheval doive se nourrir dans une région où il y a moins d’herbe à brouter que de feuilles haut placées sur les arbres ou de régimes de bananes ou de dattes, et le voilà obligé de perdre beaucoup des qualités du cheval afin de devenir girafe. Ailleurs, mais je n’en finirais pas… Eh bien, remarquons que l’homme peut être amené à vivre sous telle ou telle latitude, il n’aura besoin de perdre aucune de ses qualités. Il inventera les outils et les armes convenant à sa nouvelle situation dans le monde et aux dangers ou aux ressources que cette situation comporte. »



Qui me plaît peut-être d'ailleurs parce qu'il s'agit plus de prose que de poésie. Quant à savoir s'il s'agit de prose poétique ou non... je ne me lancerais pas dans le débat...

Partager cet article
Repost0

commentaires