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2 mars 2012 5 02 /03 /mars /2012 10:16



Immobilisée en 1972 après s’être cassé le pied, Aline Kominsky se morfond. En plein rêve hippie, la vie lui semble soudainement moins reluisante, clouée sur un fauteuil. Pour la réconforter, Robert Crumb, son compagnon, lui propose de réaliser une bande dessinée avec lui. Et c’est le début d’une collaboration à quatre mains qui s’étendra sur trente-cinq ans et près de 260 pages. Projet qui aurait pu tomber à plat si l’histoire entre Aline et Robert avait été un feu de paille, mais ces deux là se sont bien trouvés et l’entente qui sévit sur le papier se retrouve également dans les évènements de leur vie quotidienne.



Trente-cinq ans ne s’écoulent pas sans changements, et suivre l’évolution d’un couple sur cette période permet de mettre en relief les caractéristiques de leur entente, base solide d’un bon « Manuel à l’usage des couples qui durent ». On y retrouve ainsi deux personnalités qui se complètent avec Robert, le bédéphile introverti et dominé, et Aline, la femme robuste et extravertie. Bien conscients de ce que chacun s’apporte mutuellement, ils savent aussi s’éloigner l’un de l’autre pour se pas s’entredévorer. Leur humour et leurs références culturelles s’abreuvent à la même source et se retrouvent dans des dialogues clinquants bourrés de bons mots et d’idées saugrenues. Surtout, Aline et Robert sont honnêtes et ne cachent pas les exaspérations qu’ils ressentent l’un envers l’autre ou les infidélités qui ont pu être commises…



Cette honnêteté se retrouve également dans le texte adressé au lecteur. La pudeur n’est pas de mise et l’introspection est poussée encore plus loin que dans un journal intime, puisque les pensées de l’un sont confrontées à celles de l’autre mais aussi à celles qu’ils s’imaginent naître dans les esprits des lecteurs. Mais plutôt que de craindre les conséquences d’un tel étalage de vie privée, qui passe par la mise en scène de spectacles sexuels rarement valorisants, de préoccupations futiles ou de pensées désespérées lors de la naissance de leur fille, Sophie, Aline et Robert Crumb font le pari d’assumer entièrement ce qui pourrait parfois s’apparenter à de l’obscénité si leur esprit d’insouciance et d’innocence presque enfantine ne surplombait pas le tout.




L’évolution est également intéressante sur le plan artistique puisqu’en trente-cinq ans, il apparaît clairement que les styles d’Aline et de Robert ont évolué. Les premières planches cherchent avant tout à répondre à des exigences d’ordre dramatique et les représentations des auteurs se font dans le cadre d’une histoire rythmée par un début, des péripéties et un final. Mais les années passent et, la notoriété et la confiance aidant peut-être, ils arrivent à se détacher de cette habitude et n’hésitent pas à dessiner des planches dans lesquelles ils ne font que parler, évoluant paisiblement dans leur microcosme. Le ton est alors davantage tourné à l’introspection. C’est dans ces moments-là que les dialogues sont les plus savoureux.



Pas besoin d’être passionné par l’œuvre de Robert Crumb pour se plonger dans cet album. Au contraire, ce seront peut-être ses plus fervents admirateurs qui seront déçus de découvrir un homme finalement pas aussi déséquilibré qu’on pourrait le croire à la lecture de ses autres œuvres. Un mythe qui s’éteint ? Finalement, dans la vie privée comme dans l’œuvre, Aline Crumb arrivera peut-être une nouvelle fois à prendre le dessus…



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