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3 septembre 2013 2 03 /09 /septembre /2013 09:24



C’est d’abord une hypothèse invraisemblable, si hénaurme qu’elle nous fera sourire. C’est ensuite une proposition que l’on finira par prendre en compte un peu plus sérieusement –que l’on rejettera en tout cas avec moins d’intransigeance- lorsque l’on lira les piques endiablées que s’envoient les personnages de ce Péplum à propos du miracle de Pompéi. Miracle ? La destruction de cette cité antique ? Miracle. Car pourquoi fut-ce cette cité en particulier, une des plus belles, des plus opulentes et des plus chatoyantes de son temps, qui fut embaumée par les cendres et qui put ainsi se frayer jusqu’à nous pour nous livrer un témoignage sans équivoque des mœurs de son époque ? On croirait assister à un rêve d’historien… et c’en est un ! Mais un rêve d’historien du XXVIe siècle…




Pour avoir découvert ce secret par la seule force de ses cellules grises, et par crainte qu’elle n’ébruite ses spéculations à tort et à travers, A. N., romancière de notre siècle, est capturée par Celsius, un des savants du XXVIe siècle qui permit la réhabilitation de Pompéi. Tout ceci se passe en quelques pages et le reste de Péplum s’apparente à un dialogue en huis-clos. Ce n’est même pas une pièce de théâtre. Action : néant. A. N. et Celsius se contentent de se faire face et de se livrer à une conversation comme à une joute verbale. L’imagination de la véritable Amélie Nothomb se déchaîne et si, déjà, l’idée que Pompéi puisse être une construction humaine et non pas une catastrophe naturelle était tordue, on découvrira que le déferlement de bizarreries ne se contente pas de cet embaumement rétrospectif et s’arrange de nombreuses autres conceptions en vogue au XXVIe siècle. Le terme atteint par cette société est sans cesse confronté à l’étonnement et à l’ironie d’une A. N. plus crédible que jamais, qu’il s’agisse de considérer avec intérêt l’utilité d’une source d’énergie orgasmique ou de contester la traite des baleines comme source de production laitière.


Les valeurs, les us et coutumes se confrontent et conduisent à des débats brefs mais qui soulèvent néanmoins des questions intéressantes. Péplum nous parle de moralité, confronte différentes définitions du bien et du mal et s’embourbe parfois dans des luttes ethniques qui n’ont toujours pas été résolues au XXVIe siècle. Cela n’équivaut bien sûr pas un ouvrage de philosophie mais telle n’est pas la prétention d’Amélie Nothomb –ni ce que cherche généralement son lecteur. En revanche, on trouvera de l’émulation, de l’inventivité et du loufoque, caractéristiques qui conviennent ici parfaitement à ce Péplum. Quoiqu’on en dise, Amélie Nothomb a un talent fou pour donner la vie à ses dialogues et lorsqu’on se souvient que l’action de son roman est réduite à néant, on s’étonne d’avoir eu si souvent l’impression d’être balloté sans cesse de l’imperfection du XXIe siècle à la mégalomanie du XXVIe siècle.


Entre deux considérations sociétales et scientifiques, Amélie Nothomb se permet de glisser une pointe d’amertume littéraire en prévenant déjà les critiques qui de tout temps s’attachent à sa notoriété :


« - Moi, j’aurais voulu être un écrivain entonnoir.
- Les entonnoirs ne lisent pas.
- Précisément.
- Menteuse ; vous aimiez qu’on vous lise.
- De mon temps, oui. Mais être réservée à une couche intellectuelle bien déterminée –que ce soit la plus basse ou la plus haute- me dégoûte. »



Attaque à peine voilée adressée à ses contempteurs…
Outre sa folie débridée et sa douce inventivité, ce Péplum est une illustration convaincante de la diversité du lectorat qu’il pourra atteindre. Lisible à plusieurs niveaux possibles, entraînant pour ses audaces lexicales, pour ses joutes verbales ou pour ses inventions conceptuelles, ce roman léger et facile à lire saura toutefois contenter les exigences d’un enrichissant dépaysement.




Citation:
[…] les scientifiques du futur, qui auront les moyens de voyager dans le passé, sont les responsables de l’éruption du Vésuve en 79 après Jésus-Christ. Mobile du crime : préserver, sous les cendres et les laves, le plus bel exemple de cité antique –mieux : le joyau historique de l’art de vivre ! Qu’est-ce que vous en pensez ?


*peintures de Pierre-Jacques Volaire

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