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12 janvier 2013 6 12 /01 /janvier /2013 19:05






La Vitesse moderne dont parle Blutch est multiforme…
Serait-elle cette ivresse qui caractérisa l’existence de la duchesse de Berry lors de la Régence ? Il s’agirait alors de se consumer dans une frénésie d’expériences inédites dont la seule évocation effrayerait ceux qui préfèrent se laisser porter calmement par le temps… De se laisser porter par une vitesse qui n’a de « moderne » que la conception démystifiée d’une mort qui semble meilleure qu’une éternité terne.
Le Commandatore a une autre hypothèse : la Vitesse Moderne naît de l’ivresse provoquée par l’Art –obsession qui retire du monde réel et qui enferme dans une sphère de beauté salvatrice :


« Je bondissais si loin, si haut, qu’on me disait possédé. En vérité, je l’étais, possédé… Oui, possédé par une puissance divine qui dépassait le provincial mal dégrossi que j’étais… Cette puissance, c’était l’Art ! Je n’avais pas le choix… C’était danser ou crever. La danse a fait de moi un être d’exception, un surhomme, en un mot, un artiste. Pourquoi es-tu étrangère à la beauté du monde ? »




Pour Lola, danseuse bien trop indolente de l’avis du Commandatore, le passage de la Vitesse Moderne commencera lors de sa rencontre avec Renée. Ecrivain médiocre, tout juste bonne à écrire des manuels de dressage sur les huskys, cette dernière a choisi de suivre Lola et d’en faire le sujet central de son prochain roman. L’existence des deux femmes se lie, Renée ne quittant plus Lola qui l’emmène de vagabondage en vagabondage, sans pouvoir anticiper le nouveau cours baroque que prend son existence -comme si, à son tour, la présence de Renée donnait une nouvelle dimension à celle de Lola. Deux existences ternes deviennent alors une existence fantasmagorique…




Les scènes s’enchaînent dans une apparence de logique d’autant plus déstabilisante que Blutch l’enrichit d’éléments absurdes, de personnages grotesques, de scènes oniriques et d’incohérences poétiques. On se croit souvent en plein rêve –les couleurs nous le rappellent- et alors que tout semble se dérouler de manière rationnelle, un détail vient subjuguer la totalité d’une scène afin de mettre à jour l’irréalité qui était sienne depuis le début.




Vitesse Moderne est une expérience poétique intéressante à poursuivre ; un bon moyen, lorsque la nuit se termine, de retrouver la mécanique propre au monde des rêves. Ultime moyen d’accéder à la Vitesse Moderne ?


Citation:
Dans son grand âge, Victor Hugo se levait la nuit et sortait… Il sortait pour se rendre dans les quartiers chauds de la capitale qu’il arpentait de long en large. Naturellement, il ne montait jamais avec l’une de ces dames… Non, s’il se donnait cette peine, c’était pour se montrer. Il voulait que le peuple de la nuit le voie et reconnaisse en lui le prestigieux homme de lettres qu’il était. Il désirait offrir à la pègre une vision grandeur nature du génie français. Ce génie prodigieux qu’il incarnait pleinement. Et rien qu’en le voyant passer devant eux, qu’ils ressentent confusément au tréfonds de leur âme perdue le besoin de devenir meilleurs. Bref, il voulait les inspirer. Pour les sauver, ma petite ! Ne serait-ce qu’un minimum !




En supplément, Blutch nous présente un dossier permettant de prendre conscience du travail effectué au cours de la réalisation de l'album...


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