« - Tu causes, tu causes, c'est tout ce que tu sais faire. »
Remarque la plus pertinente du livre. Remarque qui s’adresse à tous les personnages de Zazie dans le métro. A part causer, ils ne font pas grand-chose. L’intrigue est réduite à
peau de chagrin, rythmée uniquement par les rencontres de Zazie, petite provinciale venue passer quelques jours chez son oncle à Paris, et par le spectre fascinant du métro.
Ce n’est évidemment pas la légèreté de l’intrigue qui définit ou non la qualité d’un roman. Un livre peut être excellent, même s’il est bâti autour du néant. En réalité, Zazie dans le
métro peut se targuer d’aligner quelques aventures (insignifiantes), mais tout bien résumé, les personnages se contentent surtout de brasser de l’air et de parler dans le vide.
Se souviendrait-t-on encore de ce roman s’il n’avait pas été adapté en version cinématographique par Louis Malle ? Qu’est-ce qui justifie le succès de ce livre, sinon cette adaptation ? Les
engouements sont parfois injustifiés, et tiennent plus de la liesse populaire que de la véritable révélation littéraire.
Bien que Raymond Queneau soit membre de l’Oulipo, prolifique et passionné des mots, il faut avouer que sa capacité à donner un intérêt dramatique à Zazie dans le métro est nulle,
de même pour sa capacité à susciter la réflexion. Tout l’étonnement du livre surgit de la manipulation originale des mots. Se glissant dans la peau d’une provinciale perdue dans la capitale,
Raymond Queneau joue avec les mots et leur phonétique, n’hésitant pas à se faire l’auteur de néologismes inventifs qui traduisent toute la naïveté de Zazie. Les dialogues, à tonalité orale,
bénéficient d’une dynamique parfois presque épuisante, mais qui traduisent la passion communicative de Queneau pour les échanges verbaux considérés comme une joute oratoire.
Pour autant, cette inventivité littéraire ne mérite pas à elle seule de justifier l’attrait immodéré que peut susciter Zazie dans le métro. Dans le même registre, Orange
mécanique de Burguess mériterait tout autant (voire davantage) qu’on parle de lui. Alors ? Alors Raymond Queneau a su trouver le bon dosage des ingrédients constitutifs de son livre :
quelques aventures pas trop casse-tête, de l’humour légèrement vache mais surtout bon enfant et deux-trois trouvailles stylistiques qui rassurent quant au caractère intellectuel de la lecture.
Malheureusement, le dosage ne permet pas au livre de s’inscrire définitivement dans le cerveau de son lecteur. Place au film peut-être ?
Il y a des blagues marrantes, c'est sûr (en tout cas, on comprend qu'elles avaient l'intention d'être marrantes), mais surtout très éculées :
Citation: |
- Qu’est-ce que c’est un hormosessuel ? demanda Zazie. - C’est un homme qui met des bloudjinnzes, dit doucement Marceline. |
Citation: |
« - Fameuse hein, […] cette soupe à l’oignon. On dirait que toi (geste) tu y as mis des semelles de bottes et toi (geste) que tu leur as refilé ton eau de vaisselle. Mais c’est ça que j’aime : la bonne franquette, le naturel. La pureté, quoi. » |