David Wozniak risque de prendre le surnom d’ « El Masturbator » s’il révèle au grand jour son passé de donneur de sperme… Contributeur frénétique, il se vida de sa substance vitale au cours de
deux années consécutives de ce qu’on imagine être une jeunesse exaltante... Boulot pas plus con qu’un autre, qui permit également à David de se forger une solide culture pornographique en
feuilletant les pages de magazines sans doute poisseux…
Petit David a grandi. On le retrouve alors qu’il a 42 ans : livreur pour la boucherie familiale, il apprend qu’il va être père, mais son amie Valérie refuse de lui accorder ce statut, jugeant
qu’il est trop immature pour assurer correctement son rôle. Oh, miracle ! au même moment, David apprend que son sperme a été utilisé pour mettre au monde quelques 533 enfants. Heureusement, seuls
142 d’entre eux désirent découvrir sa véritable identité. On comprend pourquoi David se montre réticent. Que va-t-il faire de tous ces gosses ? Et puis, surtout, comment assumer ce que tous les
personnages de ce film semblent considérer comme une tare –voire un vice- : avoir été donneur de sperme ? Déjà, les plaisanteries grasses et couillues fusent à travers le film et se propagent
jusque dans la salle de cinéma. Où se trouve la virilité là-dedans ? Comment peut-on réussir sa vie après s’être soumis à une activité aussi dégradante ? D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si
David a la gueule d’un loser. Ceci étant dit, avançons sans préjugés dans le développement de cette intrigue formellement découpée.
Phase initiale : David refuse en bloc de révéler son identité et de connaître ses enfants.
Renversement de situation : David se fait chier dans sa vie et, un jour de grand ennui, il décide tout de même de jeter un œil à une des fiches présentant un de ses 142 enfants. David est ému.
Miracle de la paternité : l’amour aveugle surgit de sa carcasse balourde. Ne pouvant en contenir les débordements, il décide d’approcher son rejeton et de l’observer de loin, sans se faire
connaître. Pas difficile puisque l’enfant en question est un footballeur professionnel. Bonne pioche : David est ravi de découvrir qu’il est le père d’un gamin pas foiré, capable de marquer des
buts et de faire gagner son équipe. Revigoré par cette bonne nouvelle, David continue de mener son enquête paternelle…
Le train-train du film se met en place… Sans grande surprise, David se glisse dans la peau d’un super-héros (identité à peine suggérée par son tee-shirt « Avengers ») et intervient à chaque fois
lorsque ses enfants se trouvent en situation critique. Il permet à un de ses fils-acteurs de se présenter à une audition et d’empocher le rôle de sa vie ; il épargne le centre de sevrage à sa
fille-toxico, et tout cela le plus naturellement du monde, sans que jamais personne ne se demande qui est ce bonhomme bizarre qui prodigue billets et bisous sans demander son reste.
Après ces réussites éclatantes, un nouveau rebondissement se met en place : David tombe sur les ratés de sa progéniture. A peine stéréotypé, on découvre le gothique mal dans sa peau ou, plus
gênant, on fait la rencontre d’un tétraplégique pour qui David se découvre des dons de compréhension. Avec ce dernier, le papa-modèle passe des journées comme il effectuerait la rédemption de ses
anciens péchés (« Bravo, vous avez réussi », lui dit-on lorsqu’il sort de l’hôpital où il est enfermé). Le gothique est plus difficile à remettre dans le droit chemin, mais après une partie de
foot et un barbeuque avec les 141 autres frères et sœurs, il le transforme en un tendre et affectueux petit chaton.
Comment ça, Starbuck promettait au spectateur de traiter de la paternité sous un angle décalé et mordant ? Bof, on retrouve surtout un remake de Joséphine
Ange-gardien, ni moins niais, ni plus drôle. Pour que cette histoire ne se termine pas en queue de poisson, des obligations financières poussent David dans ses derniers retranchements et
l’obligent à révéler sa carrière passée de donneur de sperme. Un petit nœud dramatique se met en place : comment va se dérouler la révélation ? Que va-t-il se passer après cela ? David joue gros
jeu : il risque de se faire appeler « El Masturbator » jusqu’à la fin de sa vie, et sa bonne femme, qui considère que tous les donneurs de sperme sont des pervers, risque de le lâcher à quelques
jours de la mise au monde de leur enfant. Qu’à cela ne tienne : nous sommes dans un feel-good movie et tout est bien qui finit bien. La révélation permettra à David d’empocher le pactole, de
faire un gros câlin à ses gosses et de prouver la supériorité de ses valeurs morales sur ses proches bourrés d’idées préconçues. Et pour nous : la gerbe provoquée par le débordement des bons
sentiments.
Bouh ! Après ça, l’envie de regarder un film de Judd Appatow se fait cruellement ressentir !