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7 juillet 2012 6 07 /07 /juillet /2012 11:09




David Wozniak risque de prendre le surnom d’ « El Masturbator » s’il révèle au grand jour son passé de donneur de sperme… Contributeur frénétique, il se vida de sa substance vitale au cours de deux années consécutives de ce qu’on imagine être une jeunesse exaltante... Boulot pas plus con qu’un autre, qui permit également à David de se forger une solide culture pornographique en feuilletant les pages de magazines sans doute poisseux…

Petit David a grandi. On le retrouve alors qu’il a 42 ans : livreur pour la boucherie familiale, il apprend qu’il va être père, mais son amie Valérie refuse de lui accorder ce statut, jugeant qu’il est trop immature pour assurer correctement son rôle. Oh, miracle ! au même moment, David apprend que son sperme a été utilisé pour mettre au monde quelques 533 enfants. Heureusement, seuls 142 d’entre eux désirent découvrir sa véritable identité. On comprend pourquoi David se montre réticent. Que va-t-il faire de tous ces gosses ? Et puis, surtout, comment assumer ce que tous les personnages de ce film semblent considérer comme une tare –voire un vice- : avoir été donneur de sperme ? Déjà, les plaisanteries grasses et couillues fusent à travers le film et se propagent jusque dans la salle de cinéma. Où se trouve la virilité là-dedans ? Comment peut-on réussir sa vie après s’être soumis à une activité aussi dégradante ? D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si David a la gueule d’un loser. Ceci étant dit, avançons sans préjugés dans le développement de cette intrigue formellement découpée.



Phase initiale : David refuse en bloc de révéler son identité et de connaître ses enfants.
Renversement de situation : David se fait chier dans sa vie et, un jour de grand ennui, il décide tout de même de jeter un œil à une des fiches présentant un de ses 142 enfants. David est ému. Miracle de la paternité : l’amour aveugle surgit de sa carcasse balourde. Ne pouvant en contenir les débordements, il décide d’approcher son rejeton et de l’observer de loin, sans se faire connaître. Pas difficile puisque l’enfant en question est un footballeur professionnel. Bonne pioche : David est ravi de découvrir qu’il est le père d’un gamin pas foiré, capable de marquer des buts et de faire gagner son équipe. Revigoré par cette bonne nouvelle, David continue de mener son enquête paternelle…

Le train-train du film se met en place… Sans grande surprise, David se glisse dans la peau d’un super-héros (identité à peine suggérée par son tee-shirt « Avengers ») et intervient à chaque fois lorsque ses enfants se trouvent en situation critique. Il permet à un de ses fils-acteurs de se présenter à une audition et d’empocher le rôle de sa vie ; il épargne le centre de sevrage à sa fille-toxico, et tout cela le plus naturellement du monde, sans que jamais personne ne se demande qui est ce bonhomme bizarre qui prodigue billets et bisous sans demander son reste.

Après ces réussites éclatantes, un nouveau rebondissement se met en place : David tombe sur les ratés de sa progéniture. A peine stéréotypé, on découvre le gothique mal dans sa peau ou, plus gênant, on fait la rencontre d’un tétraplégique pour qui David se découvre des dons de compréhension. Avec ce dernier, le papa-modèle passe des journées comme il effectuerait la rédemption de ses anciens péchés (« Bravo, vous avez réussi », lui dit-on lorsqu’il sort de l’hôpital où il est enfermé). Le gothique est plus difficile à remettre dans le droit chemin, mais après une partie de foot et un barbeuque avec les 141 autres frères et sœurs, il le transforme en un tendre et affectueux petit chaton.



Comment ça, Starbuck promettait au spectateur de traiter de la paternité sous un angle décalé et mordant ? Bof, on retrouve surtout un remake de Joséphine Ange-gardien, ni moins niais, ni plus drôle. Pour que cette histoire ne se termine pas en queue de poisson, des obligations financières poussent David dans ses derniers retranchements et l’obligent à révéler sa carrière passée de donneur de sperme. Un petit nœud dramatique se met en place : comment va se dérouler la révélation ? Que va-t-il se passer après cela ? David joue gros jeu : il risque de se faire appeler « El Masturbator » jusqu’à la fin de sa vie, et sa bonne femme, qui considère que tous les donneurs de sperme sont des pervers, risque de le lâcher à quelques jours de la mise au monde de leur enfant. Qu’à cela ne tienne : nous sommes dans un feel-good movie et tout est bien qui finit bien. La révélation permettra à David d’empocher le pactole, de faire un gros câlin à ses gosses et de prouver la supériorité de ses valeurs morales sur ses proches bourrés d’idées préconçues. Et pour nous : la gerbe provoquée par le débordement des bons sentiments.

Bouh ! Après ça, l’envie de regarder un film de Judd Appatow se fait cruellement ressentir !

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1 juillet 2012 7 01 /07 /juillet /2012 15:27



Superbe décor, superbe toile de fond (Midas et Bacchus de Nicolas Poussin), superbes actrices, superbes tenues... Un aménagement des pièces qui change subtilement au cours du film, des entassements de mannequin significatifs, des coiffures et des maquillages étonnants qui renouvellent sans cesse l’identité de Petra von Kant -par ailleurs bien difficile à cerner, entre ironie et désespoir bien réel… Des plans qui jouent avec les émotions des personnages, des ellipses qui stimulent l’imagination du spectateur…

Et de la monotonie ! Parce que tout a beau être superbe, baroque et rempli de classe, on ne peut pas dire qu’on s’amuse follement à regarder ce film. On se laisse engluer dans de longues discussions mettant en rapport Petra von Kant avec sa mère, sa fille, ses amies et surtout Karin, jeune demoiselle à peine arriviste de 23 ans, sur qui elle jette son dévolu. Témoin mystérieux de tous ces va-et-vient, Marlène contemple et écoute sans rien dire, personnage intermédiaire entre ces femmes et les mannequins inertes qui jonchent le sol.



Il est essentiellement question de rapports amoureux, considérés sous l’angle peu enthousiasmant de la domination et des rapports de force. Les larmes de Petra sont amères car lucides : une fois vécue la première grande désillusion de l’existence, difficile de retrouver une innocence et d’envisager avec sérénité tout renouvellement du rapport amoureux. Karin est là pour le lui rappeler, si jamais elle avait cru pouvoir oublier cette vérité à travers elle. L’homosexualité comme l’hétérosexualité ne lui apporteront pas le bonheur total que chacun feint généralement de ressentir comme preuve incontestable de la réussite d’une existence.



Si le discours a pu être déconcertant à l’époque où le film est sorti, il n’a aujourd’hui rien de révolutionnaire. L’écouter pendant deux heures ne provoquera aucune révélation bouleversante. Il s’agit tout au plus d’une gentille piqûre de rappel, qu’on aurait peut-être aimé un peu moins figée.

L’interview de Fassbinder, longue de 50 minutes, est presque plus stimulante que le film en lui-même. Pourtant, Les larmes amères de Petra von Kant est loin d’être mauvais ; il est simplement dispensable.

La toile de fond des ébats de ce film...

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28 juin 2012 4 28 /06 /juin /2012 11:51




Johnny fait figure de prophète même si, a priori, aucun spectateur censé ne le classerait dans la catégorie des porteurs de la bonne parole. Au contraire, on le verrait mieux figurer du côté de la parole qui blesse ceux à qui elle est destinée. En soi, cette parole n’a rien qui s’apparente à de l’insulte gratuite. Le but de Johnny n’est pas de violenter pour le simple plaisir de contempler les réactions épidermiques de ses contemporains. Il désire surtout leur transmettre sa vision d’une réalité qui tire sur le côté obscur de l’existence. Comme le Timon de Shakespeare, reclus des hommes à force d’avoir trop espéré d’eux, Johnny se retire de la vie dont il ne reçoit rien qui puisse avoir une quelconque valeur à ses yeux. Se retirer de la vie, cela consiste donc à refuser tout ce qu’il est facile d’obtenir à condition de s’abaisser à mener une routine conventionnelle, telle qu’il la décrie (avec une virulence un peu trop extrême pour qu’elle paraisse saine) chez Louise. Pas de travail, pas de liens sociaux fixés et établis une bonne fois pour toutes, pas de domicile attitré… Johnny survit comme un parasite, commettant le seul sacrifice qui ne semble pas le déranger : celui de dépendre, en dernier lieu, de celui qui l’héberge.



On pourrait craindre que Mike Leigh ne cherche à dresser un éloge péremptoire du mode de vie de son personnage. Heureusement, aucun jugement ne vient empiéter le propos, qu’il soit approbateur ou contestateur. Les hommes sont considérés sur un même pied d’égalité : tous misérables car touchés par la même absurdité de leur présence sur Terre, mais plus ou moins lucides, en fonction des remises en question qu’ils arrivent à effectuer à propos d’eux-mêmes. C’est sur ce dernier point que Johnny juge ses semblables, et c’est ici l’intérêt principal du film. Justement parce qu’il n’a de liens avec rien ni personne, Johnny chemine dans le film comme un juge venu d’ailleurs. Il se montre impitoyable, presque cruel. Toutefois, ses diatribes incessantes ne peuvent pas l’empêcher de dissimuler les déceptions et les désillusions à l’origine de son remarquable cynisme. Sublimées dans son cerveau d’original, elles suscitent des répliques et des dialogues mémorables. Malgré son nihilisme affiché, Johnny tente en réalité de révéler à eux-mêmes ceux qu’il croise sur son chemin, sans jamais permettre au spectateur de deviner sa propre identité, qu’il dissimule derrière des imprécations toujours renouvelées. Voici le tragique du personnage : alors qu’il pousse ses semblables à se dépêtrer de leurs illusions, il reste lui-même terriblement piégé dans les siennes.



Pour cette raison, Johnny n’arrive jamais à se montrer complètement sympathique ni complètement antipathique : il est comme nous tous, et c’est pourquoi il vit dans le même malheur qu’il dénonce chez les autres. Sans être réjouissant, Naked n’en est pas moins une expérience cinématographique de toute beauté, mettant en harmonie les atmosphères visuelles et musicales, ainsi que des dialogues époustouflants, au service d’une vision pessimiste de l’humanité.



Peu de choses à voir avec des films du même réalisateur comme Be Happy ou Another year, et c’est justement la raison pour laquelle il est très intéressant de mettre Naked en perspective avec ceux-ci afin de révéler les multiples nuances que tente d’apporter Mike Leigh à son œuvre.

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22 juin 2012 5 22 /06 /juin /2012 15:23


Les thèmes chers à Almodovar reviennent dans ce film comme dans beaucoup d’autres avant lui. Education religieuse, homosexualité, travestissement, création artistique… tout se retrouve une nouvelle fois entremêlé au cœur d’une intrigue dont les sources sont d’inspiration partiellement autobiographique.




Ignacio et Enrique, autrefois jeunes pensionnaires d’un couvent dont le père Manolo est le directeur, se rapprochent dans une parodie d’idylle amoureuse. Rien de bien méchant, mais le père Manolo ne porte pas un regard aussi désinvolte que le nôtre sur cette amourette qui risque de le séparer de son protégé, Ignacio. Pour cette raison, il évince Enrique du couvent et poursuit d’une manière douteuse l’éducation du favori –histoire qu’Almodovar passera sous silence. Bien des années plus tard, Enrique, cinéaste de renommé, retrouve celui qu’il croit être Ignacio. Celui-ci lui apporte une nouvelle qui relate justement cette partie mystérieuse de son enfance, et il lui propose d’en faire un film.


Cette intrigue déjà peu simpliste ne tarde pas à se charger dès lors de nouvelles complications qui occultent les thèmes que l’on croyait chers à Almodovar. Non seulement les rebondissements et découvertes se succèdent dans un crescendo qui semble ne jamais devoir s’accomplir, mais ensuite les personnages ne sont jamais ceux que l’on croit –lorsqu’il ne s’agit pas carrément de jongler entre réalité et fiction, ceux-ci étant eux-mêmes définis par différents niveaux d’interprétation. A croire qu’Almodovar ne recherche pas la connivence avec son spectateur mais l’affrontement, se comportant face à lui comme un démiurge tordu qui prend plaisir à le perdre, remettant en cause le moindre de ses acquis. Il faut voir le film au moins deux fois pour commencer à pouvoir en esquisser un résumé, car le moindre détail qui échapperait à l’attention ne permettrait plus de se raccrocher au scénario. La question se pose toutefois : aura-t-on envie de faire plusieurs essais de compréhension pour un film dont le but affiché semble être de seulement embrouiller son spectateur ? L’objectif d’Almodovar est clair : chercher à donner une aura de complexité à son film pour dissimuler le caractère répétitif d’une intrigue telle qu’il nous en a déjà donné maintes versions. La recherche frénétique de l’originalité et l’envie de surprendre le spectateur (lorsqu’il consent à faire l’effort monumental et disproportionné de se laisser surprendre) nuisent totalement à la trame de base, qui ne devient plus qu’un simple support aux divagations d’Almodovar.

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18 juin 2012 1 18 /06 /juin /2012 16:41




Le titre du film relève un défi à lui seul : comment traiter d’un thème doté d’autant de variations que celui du voyage dans le temps ? A ce sujet, tout semble avoir déjà été fait, et pour se risquer à produire sa propre version, il est nécessaire de posséder le combo : 1) manque d’inventivité, 2) prétention, ou le plus recherché : 1) talent, 2) originalité. Dans le cas du film de Hosoda, nous écoperons malheureusement du premier combo pour un très long film d’une heure et demi qui, s’il ne révolutionne pas le thème du voyage temporel, nous apportera toutefois de très riches enseignements sur la question de la relativité du temps. En l’occurrence, il nous semblera ici très long.

Makoto est une jeune fille banale : légère, elle se préoccupe peu de ses études, aime jouer au baseball avec ses copains et nourrit une obsession presque maladive pour le flan à la vanille. Un jour, miracle ! Elle découvre qu’elle possède le don de voyager dans le temps. L’explication de l’acquisition de ce don est bidon et ne fonctionne qu’à condition que le spectateur y mette du sien et consente avec pitié à la maladresse de la trouvaille. Ceci fait, nous découvrirons avec déception que notre gentillesse ne permet même pas à Makoto de faire des merveilles. En effet, elle utilise son don pour remonter dans un passé très récent afin de répondre à des objectifs aussi excitants que ceux de pouvoir s’arranger des petites déclarations amoureuses, de réussir un contrôle ou de manger autant de fois qu’elle le désire du flan à la vanille (je vous avais dit que c’était maladif…)



Ne tarde pas à surgir la morale que l’on attendait tous, corolaire logique de la médiocrité du film : jouer avec le temps est un acte immoral dont l’auteur finira un jour ou l’autre par être puni. Le message nous tombe dessus après une heure de légèreté débile. Le ton change alors radicalement et nous révèle tout le potentiel schizophrène de bas étage du réalisateur. L’heure est aux pianos, aux larmes, aux voix graves que sous-tend un discours écologisant sans âme. L’intrigue, qui était déjà floue et dont la logique semblait difficile à extirper, prend une nouvelle tournure et lance une sous-intrigue encore plus incompréhensible. On ne sait pas où le réalisateur a voulu en venir, mais ce dont on est sûr, c’est qu’il s’emmêle méchamment les pinceaux.

Une fois cette morale proférée, on pense que le film est terminé. Eh bien non ! Il s’étend, il s’étend… Et à quoi peut-on se raccrocher en attendant que tout cela veuille bien se terminer ? Outre le scénario qui ne vaut pas un rond, on aimerait pouvoir se rattacher au dessin, mais il n’a aucun caractère ; à l’animation, mais elle est brouillonne et frise parfois le statique ; à la musique, mais elle cumule les pires horreurs de la pop japonaise.



La Traversée du temps a le seul mérite d’être drôle à condition qu’on le regarde au second degré et à condition d’avoir envie de perdre un peu de son temps. On retiendra surtout que les japonais sont des gens étranges pour qui une portion de flan ou une tranche de pastèque justifie tous les déplacements temporels du monde…

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14 juin 2012 4 14 /06 /juin /2012 10:27




Au premier abord, la RDA présentée par Christian Petzold n’a pas l’air d’être la destination touristique préférée des hommes habitués au confort de leur liberté moderne. A peine arrivée sur ces territoires de l’espionnage et de la méfiance réciproques, Barbara est observée depuis une fenêtre par André, le médecin-chef de l’hôpital au sein duquel elle va faire ses premiers pas. Ici, on se découvre plus dans l’observation des gestes et des comportements que dans les paroles. Les mots semblent vouloir piéger lorsqu’ils se transforment en question, et ils servent à poser des barrières entre les individus lorsqu’ils forment une réponse. Finalement, il est plus facile d’éviter d’y avoir recours. Barbara se coupe volontairement de tout rapport avec ceux de son entourage qui ne semblent pas pâtir des règles en vigueur dans la RDA : ses voisins, ses collègues, et surtout André. En revanche, elle cède totalement à la compassion lorsqu’il s’agit de victimes : les échoués de l’hôpital, auxquels elle s’identifie avec une passion qui finit par devenir plus bavarde que n’importe quelle confession personnelle.




Ici, on relève deux failles qui agacent un peu : l’économie des mots qui oblige à la multiplication des scènes chargées de sous-entendus ; le caractère stéréotypé des personnages secondaires. Si Barbara et André sont des personnages bien travaillés et dont l’ambivalence se révèle peu à peu avec beaucoup de subtilité, ce n’est pas le cas des personnages qui gravitent autour d’eux, et qui sont souvent réduits à un trait caractéristique.

En cherchant à tout prix à taire ce qui a trait au passé de Barbara, le réalisateur commet également l’erreur de rendre son dilemme amoureux improbable. A la chaleur et à la joie des retrouvailles dans les bois, on imagine que Barbara et son amant Jörg, heureux habitant de l’Ouest, se connaissent depuis de nombreuses années et tiennent sincèrement l’un à l’autre. Mais les hésitations qui surgissent immédiatement lorsque Jörg propose à Barbara de passer à son tour sur le territoire de l’Ouest, et le rapprochement qu’elle effectue entre sa situation et celle d’une prostituée, nous permettent de douter de la qualité de leur relation. Quoi qu’il en soit, le revirement subi de Barbara, qui exclut toute possibilité d’une vie commune avec Jörg en RFA pour privilégier l’hypothèse d’une relation avec cet André, qu’elle connaît finalement bien peu, apparaît comme un choix absurde et absolument pas convaincant. Presque à faire passer les envies de fuir la RDA pour des caprices de gosses habitués au faste et au confort du monde capitaliste, alors qu’il serait si simple d’être heureux, de vivre d’amour et d’eau fraîche dans cette société où tout le monde espionne tout le monde –mais bien sûr, André et Barbara sont des exceptions, et ils ont eu la chance de se rencontrer…

Pourquoi pas… Après tout, la RFA et la RDA n’appartiennent pas au domaine de mon vécu. Mais j’ai quand même des doutes en ce qui concerne l’innocuité de la RDA. Dans le fond d’ailleurs, Christian Petzold semble ne pas vouloir les démentir lui qui fait tout pour plonger son film dans une ambiance froide et déshumanisée. Dans ce cas, souhaite-t-il nous dire que de l’autre côté du mur, la réalité est encore plus inhumaine ? Cela signifierait que Barbara est un monstre, qui envoie sa protégée Stella au Danemark tandis qu’elle reste fricoter avec André.


Beaucoup d’incohérences pour un film qui prétend pourtant au sérieux… La représentation du climat social et politique d’une région à un endroit donné, évoquée à travers le prisme d’une histoire d’amour prévisible et pas franchement excitante, me semble disproportionnée et mal adaptée au propos. En tout cas, si on ne connaissait pas la RDA, ce film donnerait presque envie d’y rester… sans toutefois nous empêcher de nous dire qu’on fait peut-être là une grossière erreur…

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12 juin 2012 2 12 /06 /juin /2012 10:51




« L’autre » tient la place centrale du titre de ce film alors même que la réalisation semble l’éluder et lui concéder une place finalement mineure… ceci à condition de considérer que cet « autre » est le malchanceux de la portée de jumeaux dont est enceinte Claire.

Lorsque le médecin lui annonce qu’elle attend deux enfants, Claire ne laisse paraître aucune émotion. Ni joie, ni peur, ni perplexité… à la limite, un peu de surprise mais la gamme des sentiments ne s’étendra pas plus loin. Son mari, Pierre, ne semble pas plus chamboulé qu’elle. Tous deux semblent avoir extrêmement de difficultés à communiquer et plutôt que de s’avouer leur embarras à l’idée de la venue de ces deux enfants, ils se précipitent dans le premier magasin venu pour choisir la future poussette deux-places dans laquelle ils trimbaleront leurs rejetons.
Heureusement ? La grossesse de Claire se passe mal et elle demande au médecin d’effectuer une réduction de grossesse afin de ne garder qu’un seul embryon. La scène se passe en images, sans mots. Encore une fois, cet évènement semble passer de manière anodine dans l’existence de Claire et de Pierre. Et pourtant, la tension rôde à chaque instant dans le moindre geste effectué et dans le moindre regard échangé.



Pierre semble se détendre et retrouver un peu de plaisir uniquement lorsqu’il travaille dans son cabinet d’ophtalmologie. Là, il rencontre Laurent, un handicapé de vingt ans qui va perdre la vue. Sur un mode décalé, tous deux finissent par devenir proches et Pierre propose à Laurent de passer un après-midi en sa compagnie ainsi qu’en celle de Claire. Si les deux hommes sont très proches, le courant passe en revanche beaucoup moins bien entre Claire et Laurent. Alors que Claire s’emporte, profitant de la faiblesse et de la gentillesse débile de Laurent pour déverser la colère accumulée des dernières semaines, Pierre prend la poudre d’escampette. Morale de l’histoire ? Voici ce qui se passe lorsqu’on s’évertue à ne rien se dire.


Alors qu’elle se retrouve seule, Claire finit par regretter son emportement. Elle pense retrouver Pierre auprès de Laurent, mais mauvaise pioche… A défaut d’autre chose, Claire reste alors auprès de Laurent. Avec quelques difficultés au début, puis avec une aisance acquise d’une façon étonnement rapide, elle devient à son tour proche du jeune homme et semble l’apprécier sincèrement. Elle passe plusieurs jours presque joyeux (quelques sourires) en sa compagnie, puis Pierre réapparaît, comme une récompense offerte au bon comportement de Claire. Le couple, redevenu serein grâce à leur approche de Laurent, peut de nouveau envisager l’avenir avec la sérénité qui lui manquait au début du film.

Cette débauche de bons sentiments ne révèle pas un amour de « l’autre » en soi mais plutôt de l’autrepour soi. Si cet « autre » est l’embryon réduit des débuts, alors sa disparition aura été l’œuvre maladroite d’un couple qui a essayé de faire diversion concernant ses difficultés de communication ; s’il s’agit de Laurent, alors « l’autre » est un média permettant à deux êtres humains de se comprendre d’une nouvelle façon –meilleure que la précédente.

Malgré des scènes intéressantes, qui cherchent vraiment à s’attarder sur l’expression des personnages pour se substituer aux mots, le film pêche un peu au niveau de la progression de l’intrigue et du dénouement presque miraculeux des tensions qui semblaient pourtant insurmontables. Le couple finit par se montrer insupportable et Laurent, pour qui le spectateur aurait pu éprouver de la tendresse, se transforme en une simple « chose » qui aura seulement permis aux futurs parents de se préparer à l’arrivée d’un enfant pour qui, on l’espère, l’avenir sera meilleur que celui que laisse présager ce film…

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8 juin 2012 5 08 /06 /juin /2012 22:09





La rencontre entre Ali et Stéphanie préfigure du reste de leur relation. Après une bagarre qui laisse la jeune femme dans un piteux état, Ali insiste pour la ramener chez elle. Il semble sincèrement éprouvé par ses blessures et a posteriori, tant de compassion étonne car elle ne colle pas avec le personnage tel que nous le découvrirons par la suite. Mais ce serait oublier qu’Ali est animé par le puissant moteur de la fornication, et c’est là une des choses humaines qu’il comprend le mieux et où il investit la plus grande part de son intelligence.

Au-delà de cette image un peu facile du bourrin, la représentation du personnage d’Ali est effectuée avec beaucoup de justesse. Il aurait été facile d’obtenir une brute que l’on fait s’agiter et boxer dans le vide pendant des heures. Si, en plus, ledit personnage se met à brutaliser son fils en le passant sous le tuyau d’arrosage glacé et en le secouant parce qu’il pleure, il aurait risqué de s’attirer la haine de tous les spectateurs bien intentionnés. Alors que Jacques Audiard n’hésite pas à invoquer ces stéréotypes de la brute épaisse –regard vide, sexualité animale, silence de primitif, passion pour les sports de combat et appétit dantesque-, Ali parvient à échapper à cette catégorisation qui semblait pourtant toute trouvée. En effet, sans démentir ces caractéristiques formelles, Jacques Audiard intercale quelques scènes discrètes qui viennent nuancer la description du personnage. Ali n’est pas une brute sans cervelle : il parvient à insuffler du bonheur à ceux de son entourage qui veulent bien s’y abandonner, en leur transmettant son penchant instinctif pour la satisfaction des besoins les plus simples –qui semblent aussi être les plus puissants : sortir, prendre l’air, retrouver le contact avec le soleil, l’eau, la neige, faire l’amour... Son intelligence est vitale. C’est celle, rare, de savoir ce qui est bon pour soi. Mais cette intelligence a aussi ses revers : poussée à l’extrême, elle engendre une énergie qu’Ali ne parvient pas à évacuer autrement qu’en se livrant à des combats d’une violence extrême et dont le dénouement frôle à chaque instant l’issue fatale ; investie dans le seul champ de la satisfaction des besoins personnels, elle devient autiste et nuit à l’expression des sentiments et à la communication avec les autres sensibilités.




L’illustration la plus frappante de cette observation survient lorsqu’Ali reçoit un coup de fil de Stéphanie. Pourtant averti par la télévision de l’accident de celle-ci, il lui demande innocemment si tout va bien, n’imaginant pas une seconde que la réponse est évidemment négative. Stéphanie relève l’absurdité de la question, mais cela ne semble pas frapper Ali. Il montre une indifférence totale à l’accident de la jeune femme et même lorsqu’il investit sa vie privée, il ne comprend pas que son accident puisse changer quoi que ce soit au bon déroulement de son existence. On reste stupéfait par ce manque d’empathie. On l’accepte mieux lorsqu’on réalise qu’Ali ne s’attarde pas davantage sur son sort lorsqu’il met son intégrité physique en jeu lors des combats et lorsqu’il se blesse. L’indifférence qu’il montre envers les autres, il l’applique également à lui-même. Que peut-on lui reprocher ?

Le personnage d’Ali est peut-être le plus fascinant du film, mais celui de Stéphanie mérite aussi le détour. Les premières dizaines de minutes du film sont d’une grande violence et permettent d’éprouver toute l’horreur de la situation vécue par la jeune femme. Jacques Audiard joue avec le processus d’identification et nous glace en nous confrontant à cette question : comment aurions-nous réagi à la place de Stéphanie si nous avions vécu la même chose qu’elle ? Les corps, malmenés depuis le début du film, poussés jusque dans leurs extrêmes, retrouvent leur réalité et leur fragilité. Jacques Audiard nous rappelle à quel point nos existences physiques sont précieuses et avec quelle facilité nous tendons à l’oublier dans notre quotidien. Est-ce un hasard si l’accident se produit sous l’eau ? En tout cas, l’endroit n’aurait pu être mieux trouvé. Dans le silence aquatique au milieu duquel ne se manifestent plus que les bruits du corps, l’extrême précarité de nos existences frappe de plein fouet –ce que la musique, la lumière, les jeux et l’emportement du quotidien tendent trop souvent à nous le faire oublier. Ce constat, effrayant, totalement désarmant, pourrait nous donner envie de nous enfermer à double-tour dans une pièce sans fenêtre pour ne plus jamais risquer de nous exposer aux multiples sources du danger du quotidien. Mais Jacques Audiard ne fait pas dans la petitesse et après nous avoir exposé tout le tragique de la situation de Stéphanie, le reste du film ne sera plus qu’une ode aux pouvoirs infinis que possède le corps pour s’adapter à des situations qui balaient tout le spectre de l’incroyable. Déprimée, enfermée chez elle parce qu’elle ne croit plus avoir le droit de faire partie du jeu de la vie, Stéphanie aurait risqué de dépérir par faute d’un moral impuissant à réveiller les pouvoirs amoindris de son corps. Ali sera là pour lui apprendre à remédier à cette faiblesse. Le tout se fait en peu de mots : la communication se réalise à un autre niveau.




On peut reprocher à ce film d’embellir un peu trop cette résilience –physique et morale- de Stéphanie. Assurément, De rouille et d’os n’est pas un documentaire dont le but est de transmettre une image qui correspond à la réalité des handicapés. Tout se fait extrêmement vite, qu’il s’agisse d’apprendre à utiliser un fauteuil roulant, d’accepter son sort, de savoir utiliser des prothèses ou d’oser affronter le regard des autres. Cet embellissement est tel qu’il frise parfois le sordide. A quand les prothèses comme nouvel accessoire de mode ? Le handicape semble en tout cas représenter le moyen le plus efficace pour s’assurer le respect des street fighters. Le look Robocop sera le look le plus prisé des années qui viennent… Malgré ces quelques fautes de goût qui font grincer les dents, on accepte ces scènes d’Audiard comme les preuves maladroites, car trop criantes, de la réadaptation totale de Stéphanie. Réussite au-delà de toutes les prévisions…

Encore un dernier petit défaut pour la route ? Les ficelles narratives du film sont beaucoup trop voyantes et le dénouement des scènes surprend peu. Ici, Jacques Audiard n’excelle pas dans la narration pure et semble avoir du mal à se débarrasser de certaines scènes convenues –happy end, déclaration d’amour, multiples preuves de la grandeur d’âme d’Ali qui se succèdent à la fin du film… Toutefois, et cela prouve l’excellence du film De rouille et d’os, ce défaut, qui aurait totalement pu anéantir la crédibilité de n’importe quelle autre réalisation, nuit à peine à celui-ci. On retrouve quelques clichés éprouvés par ailleurs ? Tant pis, car ils permettent de mettre en scène des personnalités atypiques dont le réalisme est si pointu qu’on pourrait presque l’assimiler à une originalité rarement égalée. De rouille et d’os nous rappelle des fondamentaux. Il confronte le spectateur à des réalités et à des vérités dont le quotidien le détourne sans cesse. Jacques Audiard a réalisé un film qui rend grandioses tous les aspects de la vie, et qui dépasse la simple observation des détails de l’existence.



Autre interprétation du film, qui survient après rédaction du commentaire précédent.
Il m’apparaît comme la métaphore du processus de guérison de toutes les maladies qui touchent au mental –maladies psychologiques ou handicap en l’occurrence. Après son accident, Stéphanie s’emmure dans la détresse. Son mal physique l’empêche de retrouver son ardeur mentale. Il lui manque la force psychologique, assimilée à l’élan vital d’Ali. Tout son processus de réadaptation pourrait être représentatif de la lutte interne qui se produit au sein de tout individu amoindri physiquement et mentalement pour retourner du côté de la vie. La violence et la cruauté des scènes répondent donc parfaitement à l’acharnement que doit mener, seul, celui qui a été détourné de la vie et qui souhaite y revenir.

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4 juin 2012 1 04 /06 /juin /2012 10:45




Le début de Tanguy semble introduire un film déjanté : les couleurs sont criardes, les décors et les costumes n’ont pas peur de faire dans le mauvais goût baroque et l’intrigue, limpide à en faire rougir le plus abruti, s’annonce dès que l’on apprend que Tanguy est né avec treize jours de retard…

Presque trois décennies plus tard, l’ambiance a changé. Visiblement, les années hippies colorées aux mandalas et parfumées à l’encens ont laissé place à un intérieur d’honnête couple bourgeois. Mais l’enfant –ce cher petit Tanguy- est toujours collé aux basques de ses parents. La situation, d’abord bien tolérée, finira par devenir de plus en plus conflictuelle à mesure que Tanguy reculera l’échéance de son départ. Précisons également que les parents subissent une pression croissante de leur entourage –pourtant pas concerné par l’affaire- pour virer le chérubin du bercail.



Tanguy est une ode à la convention sociale. D’abord traité sur le ton de l’ironie, les parents déploient toute leur cruauté dans l’objectif d’évincer Tanguy de leur domicile. Ils lui assènent une déferlante de coups bas dont l’intérêt s’épuise malheureusement très rapidement. Le comique de la situation de départ s’inverse : alors que l’on croyait rire de Tanguy, on finit par rire des parents. Malheureusement, le rire est gêné, il ressemble plutôt à la pitié qui se manifeste devant l’étalement de la bêtise creuse dénuée de toute inventivité, de toute originalité. Les sales manigances, déployées dès la première demi-heure du film, se succèdent à un rythme effréné jusqu’à ce que les deux heures se soient écoulées. Malheureusement, l’épuisement des idées se fait ressentir bien avant… Une succession de clichés et une happy end convenue plus tard, la folie kitsch du début a cédé à un mauvais-goût qui flatte le conventionnel.



Tanguy est un film drôle parce que « il vaut mieux en rire qu’en pleurer » mais quand même, ça laisse un peu triste dans le fond. Aux frigides du rire, on peut toujours rétorquer qu’il faut arrêter de vouloir accorder à la comédie une importance supérieure à celle qu’elle veut bien se donner mais quand même, quel dommage d’accepter qu’un film n’ait vraiment pas la moindre petite ambition –et même pas celle de vouloir insuffler un peu de joie à son spectateur…

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1 juin 2012 5 01 /06 /juin /2012 15:36





Le talent du cinéaste apparaît dès les premières minutes du film, alors que de longs plans fixes s’enchaînent, immobiles, rendus vivants seulement grâce à l’amplification des sons et des respirations du quotidien. Le résultat aurait pu être désastreux, en tout cas ennuyeux. Mais non, il intrigue et pose d’emblée le cadre de déroulement de l’histoire à venir. Cadre froid, mais pas dépourvu de charme pour autant ; un peu strict et sévère, mais à l’intérieur duquel on ne se refuserait peut-être pas à vivre…



C’est sans doute ce que pense aussi Elena depuis qu’elle s’est installée avec Vladimir. Sa relation de couple n’a pas l’air franchement épanouie, même si les soins et l’attention qu’elle porte à son époux, et dont celui-ci manifeste un entier contentement, confèrent une certaine chaleur à leur foyer. Toutefois, la menace semble toujours sur le point de se déchaîner en un flot d’agressivité mal contenue. La politesse exacerbée qui régit tous les rapports entre les personnages de ce film –exceptés Tatiana, la fille de Vladimir, et Sacha, le petit-fils d’Elena- est effrayante car elle se montre à la hauteur des tensions qui circulent implicitement sous couvert de courtoisie.

Le bel édifice est mis à l’épreuve par la précarité économique et sociale de la famille de Sergueï, le fils d’Elena. Présenté comme une brute de bêtise, vraie larve incapable de prendre sa vie en main et de consentir au moindre effort, il représente le désespoir de sa génération. Dans ce cas, pourquoi vouloir se sacrifier pour lui fournir une aide qu’il dilapidera sûrement en bières et en cacahuètes ? En tout cas, c’est l’avis de Vladimir qui refuse de prodiguer une portion de ses richesses pour aider cette famille plongée dans la ruine, au grand dam d’Elena. La confrontation prendra encore plus d’ampleur au cours du film, et poussera Elena jusqu’à des extrêmes qu’elle n’avait sans doute pas imaginés.



L’absence de pathétique et de sentimentalité exacerbée participe à la cohérence de l’atmosphère d’Elena. Tristesse contemplative, pessimisme… Parfois quelques élans de joie fugace, qui finissent souvent par retomber dans le désespoir généralisé. Des hoquets d’horreur surgissent –la vision d’un cadavre de cheval, une scène de baston alcoolisée- et finissent de glacer le spectateur.

On peut s’interroger sur la justesse de la représentation de la société de Poutine, se demander si elle ne cherche pas, parfois, à exagérer son propos… Difficile de répondre à cette question pour quiconque n’y a jamais vécu, mais il est indéniable que la puissance des impressions véhiculées par Andrei Zviaguintsev dans Elena n’est pas factice et certainement née d’expériences amères.

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