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8 septembre 2012 6 08 /09 /septembre /2012 15:32





Wit Spirit, le tome 2… On prend une idée qui marche (Wit Spirit, premier volume) et on recommence. Entre la publication des deux volumes… aucune année ne s’est écoulée ! Jean-Loup Chiflet a simplement replongé dans ses cartons pour extirper quelques nouvelles citations qu’il n’avait pas jugé bon d’insérer dans le premier volume. Le grappillage à droite à gauche ne promet pas une pêche aussi miraculeuse que pour le premier volume. Empilées en vrac dans le livre, les citations ne sont plus classées en catégories. Tout juste distingue-t-on encore les traits d’esprits attribués à des illustres dont le nom pourrait éventuellement éveiller quelques souvenirs dans votre mémoire (les très connus Churchill, Woody Allen ou G.B. Shaw côtoient les moins exposés Gore Vidal, Lee Dawson ou Billie Burke) et ceux attribués aux « anonymes ». On imagine qu’il s’il s’agit là de propos entendus et rapportés par Jean-Loup Chiflet, mais on ne peut le certifier…

Quoiqu’il en soit, le Wit Spirit s’est un peu affaibli dans ce second volume. On trouve toujours des citations détonantes et absurdes comme on les aime (« Une pomme par jour éloigne le docteur…à condition de viser juste. » - Winston Churchill) mais de trop nombreuses d’entre elles se contentent de sonner à la manière de blagues éculées.

On remercie Jean-Loup Chiflet d’avoir fouillé dans ses cartons pour en extraire les dernières perles qu’il avait omis d’inclure dans le premier volume de son Wit Spirit. Toutefois, il aurait été préférable de les inclure toutes dans un seul et unique volume. Cette seconde publication laisse en effet un petit arrière-goût de déception, et le risque le plus regrettable serait d’associer ce sentiment à l’esprit de l’humour britannique. Les perles du nonsense ne se produisent pas à la chaîne, ce qui explique pourquoi il est légitime que les volumes de Wit Spirit ne se succèdent pas par dizaines les uns à la suite des autres.


Parmi les meilleures citations :


« On comprend facilement pourquoi les plus beaux poèmes sur l’Angleterre ont été écrits par des poètes qui vivaient en Italie. »

George Sanders


« Quand un homme dit des obscénités à une femme, c’est du harcèlement sexuel. Quand c’est une femme qui dit des obscénités à un homme, c’est 3,95 dollars la minute. »

Steven Wright

(dans le bon goût) :
« Chaque fois que je vois ces pauvres Somaliens à la télé, j’ai la larme à l’œil. J’aimerais moi aussi être aussi mince, mais si possible sans ces mouches qui leur tournent autour. »
Mariah Carey


« Quand un célibataire rentre chez lui, il regarde ce qu’il y a dans son réfrigérateur, puis va au lit. L’homme marié, lui, regarde ce qu’il y a dans son lit, puis va voir dans le réfrigérateur. »
Anonyme


« Ma femme et moi, nous avons connu trente ans de bonheur. Et puis nous nous sommes rencontrés. »

Anonyme

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6 septembre 2012 4 06 /09 /septembre /2012 14:06





Qu’est-ce qui est le plus difficile ? Faire le deuil de sa planète natale ? Ou apprendre que, tout compte fait, elle n’a pas été détruite, et qu’elle continue toujours à abriter ses ouailles dans un coin perdu de l’Univers ?


Demandez ça à Arthur Dent, il vous répondra… même si lui-même n’a sans doute pas une réponse bien définie sur la question. Oui, la Terre existe toujours, et avec elle son lot de fous du volant qui méprisent le plus minable des auto-stoppeurs coincé sur le bord d’une voie rapide, sous le déluge. Alors qu’il croise une âme charitable qui accepte de le faire grimper dans sa voiture, Arthur Dent fait la connaissance de Fenchurch (rajoutez un nom improbable à votre longue liste des noms improbables déjà présents dans les tomes précédents). Il fallait bien que ça finisse par se produire… Nous sommes dans l’avant-dernier tome de la série, et Douglas Adams nous avait épargné jusqu’alors les traditionnelles histoires d’amour qui ne font pas avancer l’histoire mais qui offrent une touche de romantisme aux lecteurs accros au parfum d’eau-de-rose (on aimerait demander à ceux-ci : pourquoi êtes-vous venus vous perdre dans la lecture du Guide du voyageur galactique ?). Dans ce quatrième volume, impossible d’y échapper. Douglas Adams ne se contente pas de caler une légère allusion mielleuse entre deux pages qui détonnent d’une dérision réjouissante –non : il fait tourner l’intégralité de son récit autour de cette histoire d’amour étonnamment conventionnelle, pour ne pas dire niaise.


C’est accompagné de sa Fenchurch –dont le potentiel comique est nettement moins élevé que celui de l’androïde dépressif Marvin- qu’Arthur Dent va aller de (maigres) surprises en (rares) réjouissances. La technique qui permet de rater le sol, découverte dans le volume précédent, devient ici prétexte foireux à décrire les joies du transport amoureux. Les particularités du personnage de Fenchurch décrivent une jeune fille éthérée dont le seul ressort comique résulte de la confrontation avec la grossièreté généralisée du reste de l’Univers (mais qui paraît de manière bien amoindrie dans ce quatrième volume). Douglas Adams aurait-il essayé d’imiter le style de Barbara Cartland ?


Malheureusement, les personnages secondaires s’estompent au profit de cet ennuyeux couple et ne viennent pas relever le niveau des aventures. Douglas Adams offre toute la virulence de ses descriptions absurdes et déjantées dans les premières pages du livre. Le reste s’essouffle rapidement. Si Zola peut ennuyer pour ses longues descriptions monotones, Adams ennuie au contraire dans la succession des actions fadasses qu’il fait vivre à ses personnages.


On comprend pourquoi les dauphins se sont barrés de ce volume. Prochain départ annoncé, celui du lecteur ? Même si Douglas Adams a finalement réussi à me décevoir, arrivée à ce point de ma lecture de la « trilogie en cinq tomes », je suis bien trop attachée à son univers pour lâcher en si bon chemin. L’écrivain a réussi à s’attirer un capital sympathie qui résiste même aux plus grossières fautes de goût. Alors, espérons seulement que ce soit Fenchurch qui disparaisse du volume suivant… la qualité des aventures du Guide du voyageur galactique s’en ressentira certainement.


Quand même, quelques passages qui méritent le déplacement :

Citation:
« Il avait lu quelque part que les Esquimaux avaient plus de deux cents termes différents pour qualifier la neige, faute de quoi leur conversation serait sans doute devenue extrêmement monotone. Ainsi distinguaient-ils la neige fine et la neige épaisse, la neige légère et la neige lourde, la neige collante, la neige friable, la neige qui tombe en flocons, la neige qui tombe en bourrasques, la neige qui se décolle de la semelle des bottes du voisin pour maculer le sol impeccable de votre petit igloo, les neiges de l’hiver, les neiges du printemps, les neiges du temps de votre enfance qui étaient tellement mieux que toutes vos neiges modernes, la neige fine, la neige poudreuse, la neige de colline, la neige de vallée, la neige qui tombe le matin, la neige qui tombe la nuit, la neige qui se met à tomber juste quand vous alliez partir à la pêche, et la neige que, malgré tous vos efforts pour les dresser, vos huskies ont salopée en pissant dessus. »



Citation:

« Provenant d’une autre direction, il éprouva les sensations d’un troupeau de moutons affolés par une soucoupe volante, mais elles étaient pratiquement indiscernables des sensations d’un troupeau de moutons affolés par n’importe quoi d’autre, car c’étaient des créatures qui apprenaient fort peu lors de leur séjour en ce bas monde, qui s’ébahissaient de voir le soleil se lever tous les matins, et continuaient d’être stupéfiées par tous ces petits trucs verts qui poussaient dans les champs. »




Quelqu'un a-t-il déjà goûté aux sandwiches anglais ?

Citation:


« Le sentiment persiste en Angleterre que confectionner un sandwich savoureux, désirable ou en quoi que ce soit appétissant constitue une sorte de péché que seuls commettent les étrangers. « Faites-nous les secs », semble être l’ordre gravé au tréfonds de la conscience collective nationale, « faites-les-nous caoutchouteux. S’il faut absolument que ces cons-là restent frais, vous n’avez qu’à les laver une fois par semaine. » / C’est en mangeant des sandwiches dans les pubs les samedis à midi que les Britanniques cherchent à expier leurs péchés nationaux. La teneur exacte de ces péchés n’est pas bien claire pour eux, et ils préfèrent ne pas approfondir. Les péchés, ce n’est pas le genre de truc qu’on aime trop approfondir. Mais quels que soient ces péchés, ils sont amplement expiés par tous les sandwiches qu’ils se forcent à consommer. »


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4 septembre 2012 2 04 /09 /septembre /2012 14:45





Et si la faim régissait nos vies à notre escient ? Amélie Nothomb exploite cette idée dans Biographie de la faim où, une fois n’est pas coutume, elle reviendra sur les années de son enfance et de son adolescence, ajoutant du mythique à une légende déjà façonnée suite aux Stupeur et tremblements et Métaphysique des tubes.


Cette fois encore, Amélie Nothomb se définit comme personnage central de son roman et se dote de cette caractéristique qu’elle juge rare : la faim. Elle examine le mot et joue avec sa polysémie, abordant non seulement la faim comme manifestation biologique et appétence pour le sucré, mais aussi la faim comme curiosité intellectuelle, comme besoin d’amour, comme appétit de vivre et comme souffrance sublimée jusqu’à l’extase. La faim : la notion est tellement évidente qu’on se demande ce qu’il est possible d’en dire. Et pourtant, la faim serait une des sensations les moins éprouvées de la société occidentale, repue et gonflée jusqu’à l’explosion. Amélie Nothomb glorifie cette faim qu’elle a su reconnaître et cherche à la conserver toujours aussi virulente dans sa manière d’appréhender le monde. Cette sensation compose les différentes étapes de sa vie comme autant de mets aux saveurs nuancées.


La faim est à l’origine de chaque acte. Au Japon, la recherche frénétique du sucré est prétexte à la mise au point de ruses habiles et d’alchimies fantastiques. A New-York, l’ivresse des alcools se mêle aux ambiances excessives et musicales des soirées mondaines. A Pékin, la désertion du corps par l’anorexie ouvre les portes d’un horizon calme et désert consacré aux lectures effrénées et à la traduction de l’Iliade et de l’Odyssée. Amélie Nothomb ne délaisse jamais une faim pour une autre et se montre aussi inspirée lorsqu’il s’agit d’évoquer le plaisir de la manducation et du jeûne, l’extase des nourritures intellectuelles, ou le bonheur éclatant qui naît de l’absorption de l’amour de l’autre.


Citation:
« De longues recherches m’ont menée à ce constat : l’aliment théologal, c’est le chocolat.
Je pourrais multiplier les preuves scientifiques, à commencer par la théobromine qu’il est seul à contenir et dont l’étymologie est criante. Mais j’aurais un peu l’impression d’insulter le chocolat. Sa divinité me semble précéder les apologétiques. »




On peut croire ou non à la véracité autobiographique du roman d’Amélie Nothomb, mais limiter l’intérêt de sa Biographie de la faim à cette seule question serait aussi décevant que déjeuner dans un restaurant gastronomique alors qu’on souffre de sinusite. Tout ce qu’Amélie Nothomb écrit n’est peut-être –et certainement- pas aussi exact qu’elle le prétend, mais démêler le vrai du faux ou –mieux encore- accepter chaque étape rocambolesque de sa biographie comme on tolère les ruses des contes de fées, permet de jouir pleinement de l’originalité du regard qu’elle porte sur la vie, considérée comme un miracle ou, en tout cas, comme une aventure exaltante, aussi riche et variée qu’il existe de manières différentes de la déguster.

 


Comme j'ai particulièrement apprécié ce livre, je vous fais partager quelques extraits...

Puisqu'on parle de faim :

Citation:
« Par faim, j’entends ce manque effroyable de l’être entier, ce vide tenaillant, cette aspiration non tant à l’utopique plénitude qu’à la simple réalité : là où il n’y a rien, j’implore qu’il y ait quelque chose. »




Et les théories qui en découlent :

Citation:
« Les êtres nés rassasiés –il y en a beaucoup- ne connaîtront jamais cette angoisse permanente, cette attente active, cette fébrilité, cette misère qui éveille jour et nuit. L’homme se construit à partir de ce qu’il a connu au cours des premiers mois de sa vie : s’il n’a pas éprouvé la faim, il sera l’un de ces étranges élus, ou de ces étranges damnés, qui n’édifieront pas leur existence autour du manque. »




Un éloge du goût :

Citation:
« Pourquoi inventerait-on des desserts quand la forêt donne des fruits si bons, si subtils qu’en comparaison nos gâteries sont infectes et grossières ? Pourquoi créerait-on des sauces quand le jus des coquillages mêlé au lait de coco est d’une saveur à reléguer nos sucs de cuisine au rang d’écœurantes mayonnaises ? On n’a besoin d’aucun art pour ouvrir un oursin que l’on vient de ramasser et pour se régaler de son affolante chair crue. Et c’est le sommet de la gastronomie. Quelques goyaves auront par accident macéré dans un trou où elles seront tombées : on aura même de quoi se saouler la gueule. C’est trop facile. »




Et des plaisirs un peu plus sophistiqués :

Citation:
« Ce qu’il y avait sur mon visage, c’était le goût du spéculoos.
C’était un spectacle. Rien qu’à me regarder, je pouvais détailler les saveurs : c’était forcément du sucré, sinon je n’aurais pas eu l’air aussi heureuse ; ce sucre devait être de la cassonade, à en juger l’émoi caractéristique des fossettes. Beaucoup de cannelle, disait le nez plissé de jouissance. Les yeux brillants annonçaient la couleur des autres épices, aussi inconnues qu’enthousiasmantes. Quant à la présence de miel, comment en douter, au vu de mes lèvres qui minaudaient l’extase ? »




Un retour sur l'anorexie dont souffrit Amélie Nothomb :

Citation:
« Ceux qui évoquent la richesse spirituelle des ascètes mériteraient de souffrir d’anorexie. Il n’est pas meilleure école du matérialisme pur et dur que le jeûne prolongé. Au-delà d’une certaine limite, ce que l’on prend pour l’âme s’étiole jusqu’à disparaître. »


Citation:

« Cette misère mentale de l’être dénutri est si douloureuse qu’elle peut susciter des réactions héroïques. Il y a là autant d’orgueil que d’instinct de survie. Dans mon cas, cela se traduisit par de pharaoniques entreprises intellectuelles, comme lire le dictionnaire de A à Z.
L’erreur serait d’y voir une intelligence propre à l’anorexie. Il serait bon que cette évidence soit enfin acquise : l’ascèse n’enrichit pas l’esprit. Il n’y a pas de vertu aux privations. »




Et des divagations chères à Amélie Nothomb, toujours réjouissantes :

Citation:
« Si Dieu mangeait, il mangerait du sucre. Les sacrifices humains ou animaux m’ont toujours paru autant d’aberrations : quel gaspillage de sang pour un être qui aurait été si heureux d’une hécatombe de bonbons ! »



Citation:
« J’inventai le sorbet nival : je pressais des citrons, j’ajoutais du sucre et du gin, j’allais dans la forêt avec cet élixir, je choisissais une belle neige épaisse, poudreuse et vierge, je versais dessus la potion, je sortais ma cuiller et je mangeais jusqu’à me saouler. Je rentrais avec plusieurs grammes d’alcool dans le sang, le cœur brûlé par l’excès de neige. »


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3 septembre 2012 1 03 /09 /septembre /2012 15:53







Jack est un petit garçon que rien ne semble a priori différencier des autres enfants de son âge. Dans Room, il s’empare de la narration pour nous décrire son monde –à cette étape, on se demande encore de quel étrange univers il s’agit... On trouvera des descriptions étonnantes des éléments les plus anodins de son existence, et ce d’autant plus que Jack s’exprime à l’aide d’un vocabulaire constitué de néologismes et de mots-valises inventifs, produits de sa vision décalée du monde. La télévision, ses jouets et ses repas constituent ses sujets de prédilection. Parmi tout ça, il ne faudrait pas oublier de citer sa Maman adorée, élément phare de son univers, non pas figure d’autorité imposante mais partenaire de jeu agréable et presque soumise aux volontés de son fils. Un seul élément vient perturber cet univers joyeux : il s’agit du Grand Méchant Nick… Jack n’a jamais vraiment été confronté au personnage mais la nuit, lorsqu’il rentre, il l’entend parler à Ma. De Nick dépendent de nombreux paramètres de son existence : température de l’habitation, remplissage du frigo, humeur de Maman… Il ne fait pas bon contrarier le Grand Méchant Nick…


Lorsque Jack fête ses cinq ans, sa mère ne peut s’empêcher d’évoquer le Dehors, jusqu’alors uniquement connu par le biais de la télévision. Loin d’être charmé par les promesses de ce qui compose cette partie de l’univers, Jack s’en effraie et ne comprend pas pourquoi sa mère lui raconte ce qu’il prend pour des mensonges. Celle-ci met alors au point une ruse pour permettre à son fils de s’échapper et de découvrir le reste du monde. Elle espère aussi, et surtout, que Jack signalera l’existence de la Room afin qu’elle puisse être libérée à son tour.


A partir de ce moment-là, la relation entre Jack et sa mère a déjà changé. Après cinq ans d’abnégation durant lesquels Ma vécut dans la simulation joyeuse, tentant de conférer une certaine normalité à leur vie de prisonniers, sa volonté personnelle semble de nouveau s’affirmer. Il lui aura suffi d’évoquer le Dehors pour avoir de nouveau envie d’y retourner. La relation égalitaire qu’elle avait créée avec son fils se transforme en relation utilitaire : Jack sera l’élément qui lui permettra à son tour de s’enfuir.


Pourtant, une fois que mère et fils se retrouvent à l’extérieur, rien ne s’arrange. On assiste à l’apprentissage de Jack et on découvre en même temps que lui, en partageant son effroi, que le Dehors n’est pas forcément plus enviable qu’une geôle dorée. Jack se montre inadapté pour ce monde qu’il n’avait pas imaginé et il en vient souvent à regretter d’être sorti de sa simple et confortable petite Room. Ceci d’autant plus que sa mère, agacée par ce comportement qu’elle assimile à de l’ingratitude, devient irritable et s’agace pour un rien.


Le livre est donc séparé en deux parties bien distinctes qui détiennent chacune leur part d’ombre et de lumière. La description tire son originalité de la particularité de la vision de Jack, ce petit garçon fait prisonnier d’une chambre au cours des cinq premières années de sa vie. Emma Donoghue a évité de tomber dans l’écueil d’un livre manichéen qui aurait fait s’opposer trop strictement la Room et le Dehors. Elle a également relevé brillamment la difficulté à se mettre à la place d’un petit garçon, faisant preuve d’un don d’immersion surprenant qui ponctue le livre de trouvailles et de néologismes réjouissants.


Si tout semble si parfait, pourquoi le livre laisse-t-il alors un sentiment de déception à la fin de la lecture ? Dès le début de la deuxième partie, on sent la lassitude s’installer. Au contact du Dehors, Jack s’imprègne rapidement de la nouvelle réalité qu’il découvre. Le mystère qui constituait la puissance de la première partie a disparu.


En découvrant que le Dehors ne ressemblait en rien à ce qu’il avait imaginé, Jack s’était souvent montré déçu. De même, il nous est difficile de ne pas regretter l’harmonie admirablement mise en place par la Maman dans l’univers confiné de leur prison. Constat difficile mais qu’on ne peut nier : la réalité du monde extérieur n’a plus d’attraits pour celui qui a connu la symbiose d’un amour absolu.

Beaucoup d'inventivité en ce qui concerne les descriptions des moments de vie dans la Room (et on voit que ça tourne beaucoup autour des repas !) :

Citation:
« Je compte 100 céréales, je renverse la cascade de lait blanc-presque-comme-les-bols sans éclabousser et on dit merci au Petit Jésus. Je choisis Grande Cuiller Fondue avec son manche blanc tout plein de cloques parce qu’elle s’était appuyée sur la casserole où les pâtes étaient en train de bouillir mais pas exprès. Maman n’aime pas Grande Cuiller Fondue, mais c’est ma préférée parce qu’elle est pas pareille que les autres. »



Citation:
« Comme il est 5h39, on peut dîner : c’est des nouilles instantanées. Pendant qu’on les laisse dans l’eau bouillante, Maman trouve des mots difficiles sur la brique de lait pour me tester, comme nutritionnel qui veut dire à manger et pasteurisé qui veut dire germes tués au pistolet laser. Je veux encore du gâteau mais elle dit d’abord les cubes de betterave bien juteux. »



Citation:
« Au dîner, on mange des bâtonnets de poisson et du riz ; c’est moi qui presse le citron pas un vrai, en plastique. On avait eu un vrai citron une fois mais il s’est ratatiné trop vite. »



Même si le passage dans le vrai monde du Dehors entraîne une baisse d'intérêt dans la lecture, certains passages réussissent malgré tout à éveiller l'attention. Le regard naïf de Jack finit par être caustique sans le vouloir :

Citation:
« Dans le Dehors, le temps est très différent. Maman arrête pas de dire : « Doucement, Jack. » Et : « Attends un peu. » Ou alors : « Allez, il faut finir. » Et aussi : « Dépêche-toi, Jack. » Elle répète beaucoup Jack, comme ça je sais qu’elle me parle à moi et pas aux autres gens. »


Citation:

« J’apprends beaucoup d’autres bonnes manières. Si un truc est dégoûtant (comme le riz sauvage qui est aussi dur à croquer que du pas cuit), on dit que c’est intéressant. Quand je me mouche, je plie le mouchoir pour laisser personne voir le gluant qui est top secret. Si je veux que Maman m’écoute moi et pas les autres, je dis « Pardon », sauf que parfois je répète « Pardon » pendant si longtemps que quand elle répond, j’ai oublié ce que je voulais dire. »
 
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31 août 2012 5 31 /08 /août /2012 12:14





L’œuvre de Redon, galerie de monstres fantastiques, croisements merveilleux de polypes, de coquillages, de têtes cillées surmontées d’un unique œil globuleux, n’a cessé de provoquer des réactions passionnées depuis leur création jusqu’à maintenant.
Ses productions biologiques, fantasmagoriques ou monstrueuses, nous interrogent à bon escient sur la diversité de la vie et nous conduisent inéluctablement à imaginer ce qu’elle aurait pu être si le hasard avait pris une tournure différente. Mais peut-être, l’œuvre de Redon n’est-elle qu’une hypothèse cherchant à figurer la population de notre planète dans des temps lointains ou futurs…

Odilon Redon, né en 1840, a connu la publication de la Théorie de l’Evolution de Charles Darwin en 1859. En connaissance des ébranlements gigantesques qu’a provoqués ce livre, on est en droit de se demander quelle est la part d’influence de la théorie du scientifique sur l’œuvre du peintre… Odilon Redon, darwinien aguerri, explorant à travers ses créations les mystères de la vie biologique ?

Vincent Noce étudie le parcours du peintre, de sa naissance à sa mort, de sa prédilection pour le noir jusqu’aux peintures colorées de la dernière partie de sa vie, afin d’étudier les variations de son œuvre comme on observerait la métamorphose de la chrysalide en papillon. Il met ses dessins et peintures en relation avec les productions des artistes de son époque, qu’il s’agisse d’écrivains (Huysmans, Poe, Flaubert), de peintres (les Nabis, Delacroix, Moreau) ou de musiciens (Beethoven, Bach), et observe les résultats de ces influences en terme de créativité, d’inspiration et de métamorphose intellectuelle. Les découvertes scientifiques suscitées à la suite de la publication de la Théorie de l’évolution, les controverses et débats ayant lieu au sujet de ce livre, viennent ponctuer l’existence de l’artiste comme autant de détails anodins qui finissent pourtant d’éclairer les particularités de sa production artistique.

Une telle mise en perspective de l’œuvre d’Odilon Redon apporte un éclairage intéressant. Alors, l’influence du darwinisme n’est-elle que spéculation ou réalité déterminante ? Malgré un développement fouillé, bien que prévisible, la conclusion se veut tiède. En faisant de l’œuvre d’Odilon Redon une douce apologie de la création biologique, ses peintures et dessins perdent de leur fascinante étrangeté. Mieux vaut-il penser que le mystère de l’inspiration du peintre ne sera jamais totalement élucidé….


Les pensées et découvertes des scientifiques répondent souvent aux créations de Redon, et dans leurs descriptions, on se prend à imaginer ses dessins au fusain les plus connus :

André Mellerio a écrit:
« Dans une simple goutte d’eau s’évoquait un pullulement inattendu et prodigieusement varié. Annelés fusiformes, munis de cils vibratoires, protoplasmes sphériques, formes changeantes, sans relâche grouillant, se tordant, surtout s’entre-dévorant. »



Une analyse de Triste Montée :



Citation:

Dès le recueil Dans le Rêve, Redon a fixé l’une de ses images les plus parlantes : Triste Montée représente une tête de bébé ailée, incapable encore de voler, emportée dans les cieux obscurs, reliée aux fils d’une tête-montgolfière maternelle. Sur le plateau, les yeux levés, le bébé regarde, plein d’amour et d’espoir, sa mère casquée, dont le visage est tourné du côté opposé, et dont le regard perdu, descendant, ne croisera jamais le sien. Au bas du tableau figurent, imbriqués, une maison et un bateau (celui de la traversée de l’Atlantique ?). Le possible de l’enfant est suspendu aux fils invraisemblablement ténus qui le lient à une maternité impassible, et d’une impossible filiation.




Et l'observation de l'évolution du choix des couleurs dans l'oeuvre de Redon, où on passe de la noirceur du fusain aux couleurs :

Citation:
Le noir, en tout cas sous le regard de l’artiste, est bien une couleur. Elle est même celle qui donne toute sa noblesse à son art, « la couleur la plus essentielle », dit-il dans une véritable profession de foi : « il faut respecter le noir. Rien ne le prostitue. Il ne plaît pas aux yeux et n’éveille aucune sensualité. Il est agent de l’esprit bien plus que la belle couleur de la palette ou du prisme ».



Citation:
Avec la couleur, les papillons voletants ont remplacé les chrysalides chevelues : « Les monstres, et la terreur qu’ils engendrent, la douleur des faces convulsées, ces effrayantes visions du chaos primordial et d’une création bouillonnante, tout cela s’évanouit comme un pénible et ténébrant cauchemar à jamais disparu », témoigne André Mellerio, évoquant sa préférence désormais « presque exclusive pour la femme, l’enfance et les fleurs ». Tout ce qui, « dans la nature et l’humanité, brille d’éclat et de fraîcheur », toutes ces « clartés jetant sur la trame obscure du monde comme un réseau doré. »




« La matière huileuse contient un maléfice. Elle subjugue, elle retient obstinément devant le chevalet, chaque jour avec un nouveau tourment, et avec un nouveau ferment.»
Odilon Redon

« Peintre, allez donc voir la mer. Vous y verrez les merveilles de la couleur et de la lumière, le ciel étincelant. Vous sentirez la poésie des sables, le charme de l’air, de l’imperceptible nuance. Vous en reviendrez plus fort et remplis de grands accents. Poètes, allez voir ce rivage. Vous aurez à chanter le mystère de l’infini. Vous aurez sur ces bords la forte solitude… »
Odilon Redon

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30 août 2012 4 30 /08 /août /2012 20:15





Y avait-il besoin, en 1921, de faire paraître un énième ouvrage sur le Christ ? S’il n’avait pas été écrit par Giovanni Papini, on aurait pu en douter. Mais lorsque le grand maître, remueur de pensées, profondément sincère et attaché à ses convictions, revient à la source de sa foi pour retracer les contours d’un christianisme vigoureux, l’entreprise devient non seulement nécessaire mais salutaire.


Revenant sur l’Histoire du Christ telle qu’elle est narrée dans les Evangiles, se débrouillant avec les seuls moyens de sa compréhension et de son intellect, Giovanni Papini met de côtés toute exégèse et croyance antérieures pour se plonger entièrement dans les sources du christianisme. Alors qu’il était loin de s’en douter, il découvre un Christ dont l’image de simplicité bienveillante l’éblouit.


L’Histoire du Christ n’est pas un livre de prosélytisme ; Papini n’espère même pas se faire comprendre par le lecteur qu’il assimile à ces millions d’auditeurs distraits du Christ qui, au fils des siècles, n’ont jamais réussi à entendre le Prophète. Son livre est une démarche d’amour qui s’inscrit en filiation directe avec le message promulgué par le Christ. Déçu par la monotonie et l’ennui distillés par les textes de religieux, par l’hypocrisie cupide qui émane des ouvrages prosélytes, Giovanni Papini a désiré rendre hommage au Christ et à la beauté véhiculée par ses propos à travers une biographie fidèle, restituée par le biais d’une écriture simple mais puissante. Qu’à cela ne tienne si d’autres ne seront pas d’accord avec lui : Giovanni Papini s’investit totalement dans ce récit qui est aussi celui de sa conversion et n’hésite pas à se lancer dans des diatribes féroces contre le désenchantement du monde moderne, contre la lie du peuple et contre les mesquineries qui font le commun des mortels. Si on avait craint de perdre la férocité que l’écrivain avait pu déployer dans Gog, on la retrouve ponctuellement lorsqu’il s’agit de défendre des valeurs que le monde moderne et ses « principes » ont préféré oublier.


Citation:
« Aujourd’hui les hommes sont plus ivres qu’alors mais plus altérés. Aucun âge plus que le nôtre n’a éprouvé la soif dévorante d’un salut surnaturel. En aucun temps l’abjection n’a été si abjecte, la brûlure si brûlante. La terre est un enfer illuminé par la condescendance des astres. Les hommes sont plongés dans une poix faite d’ordures et de larmes, dont parfois ils émergent, défigurés et frénétiques pour se jeter dans le sang avec l’espoir de s’y laver. »




On peut adhérer ou non au message chrétien, peu importe. L’Histoire du Christ, dont l’intérêt historique pourra déjà suffire à la lecture, propose également une violente critique des sociétés modernes fondées sur la négation de la foi et la glorification de « la suprême trinité de Wotan, Mammon et Priape ». Giovanni Papini, qui jusque-là avait semblé d’un cynisme et d’un désespoir sans remèdes –il suffit de lire Gog ou La Vie de Personne- nous dévoile le fondement de sa virulence parfois presque agressive. C’est parce qu’il attend trop de ses congénères que, sans cesse déçu, il se plaît à en caricaturer les défauts dans ses écrits. Mais là où il aurait pu finir par se complaire sans sublimer son agressivité, Giovanni Papini trouve un remède dans la foi chrétienne et s’avoue à révéler ses véritables sentiments. Son écriture surprend puisque, pour une fois, il ne prendra pas ses airs de nihiliste pour faire réagir les plus disposés de ses lecteurs, mais il s’abandonnera au contraire à l’amour.


Citation:
« Jésus ne pose pas d’énigmes. Lui-même a dit à la fin de la parabole qu’il y a plus de joie dans le ciel pour un pécheur repenti que pour tous les justes qui se font gloire de leur bâtarde justice, pour tous les purs enorgueillis de leur pureté extérieure, pour tous les dévots zélés qui cachent l’aridité de leur cœur sous l’apparent respect de la loi. »




L’Histoire du Christ, sincère et adaptée aux conditions de la modernité, détache le Prophète de ses icônes poussiéreuses pour lui conférer une nouvelle dignité. L’adhésion au message chrétien ne se fera pas forcément à l’issue de cette lecture mais il y a fort à parier qu’elle fera renaître l’espoir d’un monde tourné à l’introspection et à l’amélioration, et qu’elle permettra aux plus athées ou agnostiques d’entre nous de considérer la foi non plus comme une croyance absurde mais comme une démarche salvatrice conférant du sens à un monde bâti sur des sables mouvants.

 


La préface de Papini éclaire sur sa démarche.
Il commence en tournant en dérision ceux qui se proclament comme les nouveaux "ennemis de Dieu" :

Citation:

« A peine sembla-t-il que la seconde agonie en fût aux avant-derniers râles, les nécrophores se présentèrent, buffles présomptueux qui avaient pris les bibliothèques pour des étables ; aérostatiques cervelles qui, grâce au ballon volant de la philosophie, croyaient atteindre les sommets du ciel, professeurs exaspérés par de dangereuses débauches de philologie et de métaphysique, tous s’armèrent –l’Homme le veut !- comme autant de croisés contre la Croix. »



Des êtres gonflés d'illusion :

Citation:
« Et voici la troupe des porte-flambeaux et des badigeonneurs de l’esprit venus pour fabriquer des religions à l’usage des irréligieux. Durant tout le XIXe siècle, ils les sortirent du four par douzaines : Religion de la Vérité, de l’Esprit, du Prolétariat, du Héros, de l’Humanité, de la Patrie, de l’Empire, de la Raison, de la Beauté, de la Nature, de la Solidarité, de l’Antiquité, de l’Energie, de la Paix, de la Douleur, de la Pitié, du Moi, du Futur et ainsi de suite. Certaines n’étaient que rapetassages d’un christianisme découronné et désossé, d’un christianisme sans Dieu ; la plupart étaient des doctrines politiques ou des philosophies s’efforçant de se transmuer en mystiques. Mais les fidèles étaient rares et faible l’ardeur. Ces froides abstractions, même soutenues par des intérêts sociaux ou des passions littéraires, ne suffisaient pas aux cœurs dont on avait voulu arracher le Christ. »



Citation:
« Jésus au contraire est vivant en nous. Il se trouve des hommes pour l’aimer et pour le haïr ; pour souffrir de sa passion, pour s’acharner à le détruire ; et cet acharnement dit qu’il n’est pas mort. Ceux mêmes qui s’épuisent à nier sa doctrine et son existence passent leurs jours à rappeler son nom. L’ère du Christ est la nôtre et elle dure encore. »




Qui ont mal interprété le message de Jésus. Papini cherche à leur transmettre sa propre compréhension. La parole de Jésus n'est plus porteuse de promesses seulement religieuses. Sa portée est presque métaphysique.

Citation:
« On dit que Jésus est le prophète des faibles et au contraire, il vient rendre force aux languissants et élever les piétinés au-dessus des rois. On dit que sa religion est celle des malades et des moribonds, mais il guérit les infirmes et ressuscite les dormants. »




Dans cette Histoire du Christ, Papini ne perd pas son habilité à dresser des portraits minutieux qui mettent en avant les failles de chacun :

Citation:
« Le converti, lui, cache toujours une inquiétude. Une goutte amère demeurée aux lèvres, une ombre d’immondice, le soupçon d’un regret, le souffle d’une tentation suffisent à renouveler son angoisse. Il garde toujours la crainte de n’avoir pas dépouillé la dernière peau du vieil homme ; de n’avoir qu’étourdi et non tué l’autre qui habitait son corps. Il a payé pour son salut ; il a souffert ; c’est pour lui un bien précieux et fragile qu’il a toujours peur de perdre ; il ne fuit pas les pécheurs, mais il les approche avec un involontaire frisson ; avec la terreur parfois inavouée d’une contagion nouvelle ; avec la crainte de voir renaître, au spectacle de la souillure où lui aussi se complut, le fantôme insupportable de sa honte est d’avoir à désespérer encore de son salut. »




Ces passages "cruels" sont compensés par des morceaux lyriques qui révèlent une autre facette de Papini :

Citation:
« Qui l’a lu une fois [Le Sermon sur la Montagne] et n’a pas senti, au moins pendant le court moment de cette lecture, un frisson de reconnaissante tendresse, le désir d’un sanglot au fond de la gorge, une angoisse d’amour et de remords, le besoin confus mais poignant de faire quelque chose pour que ces mots ne soient pas que des mots, pour que ce discours ne soit pas qu’un bruit et un signe mais un imminent espoir, la vie de tout vivant, vérité présente, éternelle vérité –qui l’a lu une seule fois et n’a pas éprouvé tout cela, mérite plus que tout autre notre amour, car tout l’amour des hommes ne compensera jamais ce qu’il a perdu. »




Et pour finir, un autre exemple de la critique des sociétés modernes comme destructrices des valeurs fondamentales promulguées par Jésus (la raison ?) :

Citation:
« Toutes les croyances, dans ce marasme infect, dépérissent et meurent. Une seule religion domine le monde : celle qui reconnaît la suprême trinité de Wotan, Mammon et Priape. La Force qui a pour symbole l’Epée et pour temple la Caserne ; la Richesse, qui a pour symbole l’Or et pour temple la Bourse ; la Chair qui a pour symbole le Phallus et pour temple le Bordel. Telle est la religion régnante sur la terre, pratiquée, sinon professée, par tous les vivants. L’antique famille se désagrège, le mariage est détruit par l’adultère et la bigamie ; avoir des enfants paraît à beaucoup une malédiction qu’il faut éviter par toutes les fraudes et par les avortements volontaires : la fornication supplante les amours légitimes ; la sodomie a ses panégyristes et ses lupanars ; les courtisanes publiques et secrètes gouvernent un peuple immense de crevés et de syphilitiques. »


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27 août 2012 1 27 /08 /août /2012 14:35






L’invasion avait commencé dès le printemps avec une déferlante de fraises… Puis sont arrivés les cerises, les framboises, les cassis, les groseilles et les mûres… Vinrent ensuite les pêches, les abricots, le melon, et bientôt les pommes, les poires et les prunes… A moins de trouver cela particulièrement agréable d’observer la lente mais certaine décomposition des fruits qui s’entassent par dizaines de kilos, il faudra bien en faire quelque chose…

La confiture, comme le dit Alain Sagault dans sa préface, représente « le grand rêve de la conservation », qui est aussi « un des plus anciens de l’humanité ». Elle est un des instruments permettant de s’assurer « la survie pendant les périodes de disette », faisant d’ « aliments périssables » une manne dans laquelle on pourra venir se servir tout au long de l’année dans la seule limite de sa gourmandise.




Surprise, en ouvrant le livre, de découvrir non seulement les confitures de nos fruits les plus classiques, déclinés toutefois en de nombreuses variations toutes plus savoureuses les unes que les autres (cassis et rhubarbe, cerises à la menthe, miel de poire…), mais aussi des recettes permettant de mettre en valeur des fruits plus inattendus (gelée de pamplemousses, marmelade de noix de coco, confiture de litchis et de pommes…) ou des bases qui échappent à toute qualification précédente (gelée de jasmin, gelée de genièvre, confiture de betteraves rouges…). En peu de pages, ce Petit traité gourmand des confitures cumule un nombre de recettes impressionnant et balaie le panel du plus classique au plus original.

Mieux que ça, les introductions au livre, réalisées par Alain Sagault et Gilbert Fabiani subliment le plaisir gustatif de la confiture en nous rappelant sa charge symbolique. Aliment séculaire –sinon millénaire-, elle répond à la fois aux besoins simples et primaires de l’humanité : s’assurer une source de nourriture disponible toute l’année, ne pas gaspiller de denrées alimentaires, se faire plaisir gustativement ; mais aussi à ses aspirations créatrices voire spirituelles : réussir une alchimie complexe, s’essayer à de nouveaux arrangements, s’émerveiller de ce processus qui permet de faire traverser des années à des fruits qui, s’ils n’avaient pas fini dans un bocal de confiture, seraient devenus blets au bout de quelques jours. La confiture représente en quelque sorte les premiers pas de l’homme vers l’immortalité…appliquée aux fruits ! Et si elle ne se contente pas de se tourner uniquement vers l’avenir, la confiture inscrit l’homme dans la continuité d’une histoire constituée d’héritages. Par le processus de répétition de pratiques vieilles comme la civilisation, nous voilà parfaitement inscrits dans une lignée qui a fait honneur à la vie et qui a su en préserver les fruits à force de créativité et d’intelligence.

Dans un recueillement humble, savourez donc une cuillère de cette délicieuse gelée de mûres…


Et des extraits succulents :

Citation:
La confiture fait partie de ces expériences essentielles où se manifeste notre potentiel d’humanité. Elle nous rappelle, que dans la course folle de notre société prétendument civilisée, nous perdons le sens, l’origine des choses alors qu’une simple fleur de pissenlit est capable de nous relier au monde d’une façon inextricable.






Citation:
La gelée, on se mettrait parfois à genoux devant, mais elle garde un côté ecclésiastique, quasiment désincarné : elle a beau faire, elle sent le presbytère. Et s’il arrive qu’elle atteigne à la spiritualité, elle reste trop souvent mièvre et doucereuse comme une vierge qui s’est trop respectée : qui veut faire l’ange fait la bête, disait Pascal, qui penchait pourtant du côté de l’âme, mais sans y perdre son bon sens.






Citation:
Magique et mystique sont bien les adjectifs propres à la confiture : il ne s’agit pas seulement de conserver, mais de restituer la quintessence, la substantifique moelle du fruit, tranchons le mot, son âme. Car les fruits, tout comme les fleurs, et contrairement à cette partie aveugle de l’humanité qui ne croit qu’à ce qu’elle voit, ont une âme.




Confiture et fessée, un couple quand même plus excitant que Nutella et télé. L’aventure, vous dis-je !
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25 août 2012 6 25 /08 /août /2012 11:56
Trois essais sur la théorie de la sexualité (1924)




Publiés pour la première fois en 1905, les Trois essais sur la théorie de la sexualité firent l’objet de quatre remaniements par un Sigmund Freud toujours vigilant à faire en sorte que ses travaux s’adaptent à l’évolution de la psychanalyse au cours du siècle passé. Le livre nous est proposé dans sa version définitive de 1924. Presque un siècle plus tard, que peut encore nous apporter cette lecture ?


Tout d’abord, une prise de conscience accrue des modifications qui ont affectées le 21e siècle. Si les Trois essais ont pu choquer leurs lecteurs lors de leur publication, alors nous pouvons dire sans exagérer qu’en seulement quelques décennies, nous n’avons pas seulement changé d’époque : nous avons radicalement changé d’univers. Le lecteur d’aujourd’hui qui espère du dérangeant sera déçu. L’idée neuve qui a fait la notoriété du livre –à savoir la théorie de la sexualité infantile- est connue de tous au moins depuis que les concours des mini Miss France existent.


Le plus intéressant de ces essais se révèle lorsque l’on suit le développement de la réflexion de Freud qui tente d’imbriquer la psychanalyse dans les ressorts de la sexualité de l’individu. Désirant perfectionner ses outils de médecin, il semble chercher à créer un nouvel instrument qui lui permettra de mettre à jour les mystères des névroses qui accablent les individus. Qu’une grande partie de celles-ci soient provoquées par des mécanismes d’origine sexuelle n’a rien de plus déshonorant ou de plus impensable qu’une quelconque autre explication. Quant à savoir si TOUT est lié à la sexualité, Freud n’y répond pas. Bien sûr, il se consacre uniquement à l’étiologie sexuelle dans ces essais, mais il s’agit d’un travail spéculatif à mettre en rapport avec les autres travaux réalisés par ailleurs. On comprendra alors que la pensée de Freud n’est pas aussi étroite qu’on veut bien nous le faire croire, et que sa conception de la « sexualité » couvre un domaine plus vaste que celui qu’on veut habituellement bien considérer.


Comme souvent, Freud observe des cas de déviation pour aborder le sujet de son étude. Ici, il s’attache aux déviations de la pulsion sexuelle relative à son objet et/ou à son but et se demande si ces dispositions sont innées ou acquises.
En observant les névrosés, il réalise que chacun possède une disposition à la perversion, et que la névrose est apparue suite au processus du refoulement. Le refoulement intervenant après l’enfance, Freud pense alors que les dispositions originelles sont à chercher chez l’enfant. Chaque déviation de la vie sexuelle serait une marque d’infantilisme. Bien sûr, dans sa grande souplesse d’esprit, Freud n’oublie pas de préciser que ces dispositions originelles sont en coopération avec les influences de la vie.

Freud s’attarde alors longuement à décrire la vie sexuelle de l’enfant qui mène au choix du sujet de la pulsion sexuelle de l’adulte. Cette vie sexuelle est découpée en plusieurs phases, dont une phase de latence qui permet le développement d’intérêts de type social ou culturel, par exemple. On distingue également la phase orale, la phase anale (sadisme) et la phase génitale. Cette vie sexuelle n’est pas encore centrée. Sans s’en tenir exclusivement et mot-à-mot aux propos de Freud, on admettra que ses descriptions font écho à certaines réalités, qu’il faut ensuite adapter au cas par cas. En aucun cas ce qu’écrit Freud ne mérite d’être rejeté en bloc ou tourné au ridicule.

L’origine des névroses serait ensuite à mettre sur le compte de facteurs exerçant une influence sur le développement sexuel. Il peut s’agir de précocité, d’une perturbation survenant sur la durée des phases ou d’une fixation sur une phase précise.
En-dehors des névroses, un mauvais développement peut conduire à la perversion. Lorsque le travail réussit correctement, l’individu a alors réalisé une sublimation, porteuse de fruits plus ou moins intéressants.


Les Trois essais sur la théorie de la sexualité ne se lisent pas dans l’optique d’engloutir d’une traite la pensée de Freud et de la rejeter ou de l’accepter en masse et dans son intégralité. Il me semble que le principal intérêt de ce livre –outre l’aspect historique instructif sur l’évolution des mœurs au cours du 20e siècle- est de nous faire réfléchir sur notre propre rapport à la sexualité : comment l’acceptons-nous ? que peut-elle dire sur notre façon d’interagir avec le monde ? sur notre vécu ? quelle place occupe-t-elle réellement parmi les hommes ? Freud a pris son courage à deux mains pour mettre en vue de tous cet élément primordial de la vie privée qu’on se refusait alors à aborder dans la vie publique.


Enfin, parce que Freud était aussi un littérateur de talent, ses Trois essais plaisent aussi par le charme désuet de leurs mots et la prudence extrême dont fait preuve le psychanalyste pour aborder des thèmes encore houleux à son époque : l’inversion (je veux bien sûr parler d’homosexualité), la zoophilie, la pédophilie ou le sado-masochisme. Autant dire que cette lecture constituerait presque un havre d’innocence et de pureté pour le lecteur d’aujourd’hui…

 

Une perle pour les plus romantiques des lecteurs :

Citation:
« Un de ces contacts, celui des muqueuses buccales –sous le nom ordinaire de baiser- a acquis dans de nombreux peuples, parmi lesquels les peuples civilisés, une haute valeur sexuelle, bien que les parties du corps intéressées n’appartiennent pas à l’appareil génital, mais forment l’entrée du tube digestif […]. »



Des interprétations un peu tirées par les cheveux mais qui font preuve -au moins- d'une belle inventivité (et pourquoi pas après tout ?)

Citation:
« Je vois la preuve de ce que certaines secousses mécaniques provoquent le plaisir dans le fait que les enfants adorent certains jeux, tels que la balançoire, et qu’y ayant goûté, ils ne cessent d’en demander la répétition. On berce les enfants pour les endormir. Les secousses rythmiques d’une promenade en voiture ou d’un voyage en chemin de fer impressionnent les enfants plus âgés, au point que tous les garçons du moins rêvent d’être mécaniciens ou chauffeurs. […] Si ensuite intervient le refoulement qui change en leur contraire les préférences de l’enfant, il arrivera que l’adolescent ou l’adulte réagiront par un état nauséeux au balancement et au bercement ; ou encore ils seront complètement épuisés par un voyage en chemin de fer, tandis que d’autres seront sujets à des accès d’angoisse ; il peut en résulter la phobie du chemin de fer qui serait un moyen de défense de l’individu contre la répétition d’expériences fâcheuses. »



Des réflexions esthétiques :

Citation:
« Il me paraît indiscutable que l’idée du « beau » a ses racines dans l’excitation sexuelle, et qu’originairement, il ne désigne pas autre chose que ce qui excite sexuellement. Le fait que les organes génitaux eux-mêmes, dont la vue détermine la plus forte excitation sexuelle, ne peuvent jamais être considérés comme beaux, est en relation avec cela. »



A côté de ça, des passages de grandes audace et intelligence :

Citation:
« Les rapports de l’enfant avec les personnes qui le soignent sont pour lui une source continue d’excitations et de satisfactions sexuelles partant des zones érogènes. Et cela d’autant plus que la personne chargée des soins (généralement la mère) témoigne à l’enfant des sentiments dérivant de sa propre vie sexuelle, l’embrasse, le berce, le considère, sans aucun doute, comme le substitut d’un objet sexuel complet. Il est probable qu’une mère serait vivement surprise si on lui disait qu’elle éveille ainsi, par ses tendresses, la pulsion sexuelle de son enfant, et en détermine l’intensité future. Elle croit que ses gestes témoignent d’un amour asexuel et « pur » dans lequel la sexualité n’a aucune part, puisqu’elle évite d’exciter les organes sexuels de l’enfant plus que ne le demandent les soins corporels. Mais la pulsion sexuelle, nous le savons, n’est pas éveillée seulement par l’excitation de la zone génitale ; ce que nous appelons tendresse ne pourra manquer d’avoir un jour une répercussion sur la zone génitale. D’ailleurs, si la mère était mieux renseignée sur l’importance des pulsions dans l’ensemble de la vie mentale, dans toute l’activité éthique et psychique, elle éviterait de se faire le moindre reproche. »
 
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24 août 2012 5 24 /08 /août /2012 11:49





Dix-huitième siècle. Le vicomte génois Médard de Terralba rejoint l’armée du Saint-Empire romain germanique en guerre contre les Turcs. Toute l’absurdité de la bataille est démontrée d’une manière cinglante à travers cet évènement : le vicomte, frappé par un boulet de canon, finit en bouillie. Mais peut-être devrait-on parler de semi-compote… ?


Citation:
« Quand on retira le drap qui couvrait le vicomte, on vit son corps effroyablement mutilé. Non seulement il lui manquait un bras et une jambe, mais tout ce qu’il y avait de thorax et d’abdomen entre ce bras et cette jambe avait été emporté, pulvérisé par ce coup de canon à bout portant. Pour la tête, il n’en restait qu’un œil, une oreille, une joue, la moitié du menton et la moitié du front : de l’autre moitié, il ne subsistait qu’une bouillie. Pour résumer, il ne demeurait plus qu’une moitié de lui, la moitié droite, du reste parfaitement conservée, sans une égratignure, à part l’énorme déchirure qui l’avait séparée de la moitié gauche réduite en miettes. »



En effet, le vicomte Médard, plus absurde que la guerre, a été scindé en deux parties strictement symétriques. L’une, a priori irrécupérable, est laissée à l’abandon. L’autre fera l’objet des soins acharnés de médecins d’abord passionnés par la biologie avant d’être dévoués à la cause humaine : c’est pourquoi ils passeront tout leur temps à réparer la moitié récupérable de Médard au détriment de petits blessés moins stimulants, qui finiront bon gré mal gré par rendre l’âme. A l’issue de ces soins, la moitié se relève, triomphante. Dispensée de guerre, elle retourne à Terralba et montre sa nouvelle nature : mauvaise, elle dispense sa cruauté sans distinction d’âge ni de sexe. Il semblerait que ce soit la mauvaise moitié de Médard qui ait survécu…

Le récit est pris en charge par le neveu de Médard, un orphelin un peu vagabond qui, par son statut même, permet au lecteur de prendre conscience des répercussions engendrées par les méfaits du vicomte sur l’ensemble du territoire de Terralba. La jeunesse du narrateur, dont l’âge ne dépasse pas la dizaine d’années au moment des faits, permet de porter sur les évènements un regard innocent qui frôle souvent la naïveté. Les actes, de quelque cruauté qu’ils soient, sont décrits avec un détachement et une neutralité qui feraient presque passer le jeune neveu pour un maître de l’humour noir. Toutefois, son innocence permet aussi d’atteindre à des emportements de bonheur sincères et à un humanisme primordial, dénué de toute considération cynique portant sur l’être humain. A ce moment-là, l’écriture se teinte d’imaginaire et devient plus poétique.

La vie à Terralba, centrée autour des péripéties engendrées par le vicomte, prend un tournant lorsque celui-ci tombe amoureux de Paméla, une bergère bonne vivante pour qui les sentiments amoureux sont un constituant de la vie au même titre que les travaux agricoles ou que le repos dans le pré. Se marier avec la cruauté même ne semble pas être le gage d’un avenir réussi… Mais l’hésitation ne tarde pas à se faire sentir lorsque de plus en plus de villageois témoignent de ce fait incroyable : le vicomte se montre parfois bon. L’amour métamorphoserait-il notre homme ? Que non ! La réalité est encore plus fantastique : la deuxième moitié du vicomte, que tout le monde croyait disparue, est revenue à Terralba.

Le récit prend une tournure symbolique et met en scène l’affrontement de la force du bien contre celle du mal. La confrontation n’est pas immédiatement directe : elle se met en place à travers les répercussions des actes de chaque moitié sur la vie des villageois, qui pâtissent plus que jamais de cette cohabitation des deux moitiés dans un même lieu. Elle finira dans un affrontement concret qui se cristallise autour de la possession de Paméla.

Malgré l’interprétation symbolique évidente de cette confrontation, on ne peut pas dire que la lecture du Vicomte Pourfendu soit vraiment marquante. La forme du conte est en partie responsable du caractère anecdotique d’une intrigue pourtant originale et qui aurait pu donner lieu à des approfondissements plus intéressants. La singularité de l’écriture, à la fois cruelle et enchantée, truffée de passages burlesques qui prêtent à sourire, ne parvient pas à compenser la banalité d’une conclusion moralisante qui étonne surtout pas son évidence. Malgré le caractère anecdotique de l’intrigue, il n’empêche que la lecture du Vicomte Pourfendu laisse le souvenir d’un divertissement stimulant qui donne envie d’aller creuser plus loin dans l’œuvre d’Italo Calvino.

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23 août 2012 4 23 /08 /août /2012 10:38




Ce court Essai sur l’art de ramper à l’usage des courtisans constitue un très bref extrait des œuvres du baron d’Holbach. Quatorze pages à peine ! et le baron aura fait une apparition éphémère dans notre existence. Heureusement, une biographie succincte accompagne le texte et permet de mieux situer son contexte d’écriture.

On s’en doutait : écrivant avec la plus grande ironie, dans un sérieux emprunté qui se veut aussi sincère que la bonté des sentiments qui poussent les courtisans à s’affaler aux pieds de leurs maîtres, d’Holbach n’épargne pas la caste des marquis qui se soumet aux plus grands dans l’espoir de s’élever à son tour. Partant du principe que ramper est un art, d’Holbach met en place une argumentation implacable visant à montrer, point par point, toutes les qualités que doit revêtir l’âme du courtisan s’il espère surpasser ses concurrents.

Du 18e au 21e siècle, les places convoitées ne sont plus les mêmes mais les processus d’élévation ou de déclassement restent identiques. Ce que d’Holbach décrit dans son essai, on peut le retrouver dans notre quotidien sous des formes amoindries, dissimulées ou détournées. Il n’empêche, le principe à la base de cet étrange comportement de soumission –qu’on pourrait presque ramener à un hara-kiri de l’homme occidental- n’a pas changé. D’où l’extrême pertinence de l’Essai sur l’art de ramper à l’usage des courtisans

La traversée du texte sera peut-être éphémère (il se lit encore plus rapidement que le fameux Indignez-vous, c’est tout dire), mais il est toutefois certain qu’il laissera un agréable souvenir sur lequel on pourra revenir avec plaisir.

Citation:
Quelque force d’esprit que l’on ait, quelqu’encuirassée que soit la conscience par l’habitude de mépriser la vertu et de fouler aux pieds la probité, les hommes ordinaires ont toujours infiniment de peine à étouffer dans leur cœur le cri de la raison. Il n’y a guère que le courtisan qui parvienne à réduire cette voix importune au silence ; lui seul est capable d’un aussi noble effort.


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