Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
12 novembre 2011 6 12 /11 /novembre /2011 09:20



L’histoire tient du conte merveilleux : Pobby et Dingan, les amis imaginaires de Kellyane -ses seuls amis d’ailleurs-, amateurs de friandises pacifiques, agréables hôtes de tables, disparaissent malencontreusement suite à une expédition. Personne ne s’en rend compte, exceptée Kellyane que cette absence fait dégringoler dans l’abattement le plus total. Pobby et Dingan étaient peut-être fictifs, mais les conséquences de leur disparition sur Kellyane sont bien réelles et bientôt, celle-ci cesse de se nourrir et se glisse au fond de son lit en attendant soit la mort, soit un miracle. Mais les miracles sont rares à Lightning Road, et il y a peu à parier que Kellyane retrouve ses bons vieux potes en restant barricadée dans sa chambre. Ahsmol, son frère, est bien obligé de dépasser ses préjugés et d’admettre l’existence des amis imaginaires de sa sœur s’il tient à lui éviter une mort prochaine.

En parallèle à ce récit merveilleux qui tourne autour de deux personnages que l’on ne connaîtra que par les descriptions de Kellyane, Ben Rice nous livre également le récit de la maturation d’Ashmol. Le vilain frère prêt à tout pour détruire le rêve de sa loufoque de sœur deviendra peu à peu un vaillant soldat, protecteur de Pobby et Dingan lorsque les habitants de Lightning Road remettent en cause leur existence, et allié de Kellyane dans l’enquête qu’il mène pour les retrouver.
Ashmol le débile, moqueur invétéré, se métamorphose en grand sage qui a su allier le goût pour la rêverie et la bonté naturelle des hommes mus par les vraies valeurs de l’existence. Parcours tristement convenu pour un récit engagé en faveur de l’originalité et des bizarreries de caractère qui font le charme de chacun.

Dans la présentation de l’auteur, on nous apprend que Ben Rice, jeune britannique, s’est principalement formé par le biais d’ateliers d’écriture. Ce détail est important et une fois qu’on parcourt son texte, il devient difficile de se débarrasser de ce renseignement. Tout dans le style de Ben Rice semble en effet parcouru par cette volonté artificielle de se glisser dans la peau d’un gamin de douze ans. Les efforts pour créer un langage parlé enfantin ressurgissent à chaque tournure de phrase et plombent un bouquin qui se voulait léger comme une rêverie. Parfois, entre vulgarité et nonchalance enfantine, Ben Rice ne sait plus trop où il en est, et cela donne des passages bancals un peu dérangeants :

« Au camping, une grande s’est approchée de moi et m’a dit : « Tu es le frère de Kellyanne Williamson ? Ma mère, elle dit que vous autres les Williamson, vous êtes des imbéciles et que ton père est un pillard alcoolique, alors tu ferais mieux de dégager parce que autrement je te casse la figure comme j’ai cassé la figure à ta sœur à Bore Baths. » Je lui ai fait signer d’aller se faire foutre et je suis remonté en selle vite fait parce qu’elle faisait une tête de plus que moi. »

C’est énervant. Plus on progresse dans le livre et plus Ashmol semble artificiel, prototype de ce que Ben Rice imagine être un enfant. Au final, Pobby et Dingan s’avèrent être les seuls personnages réels de cette histoire puisqu’ils sont les seuls que Ben Rice ne cherche pas à faire parler ou agir. C’est tout dans leur intérêt.
Dommage qu’une histoire avec un tel potentiel soit gâchée par les tentatives d’esbroufe de son auteur. L’ambiance un peu mélancolique, partagée entre un passé chargé d’évènements durs à encaisser et un présent qui ne tient pas ses promesses, avait pourtant tout pour plaire. Et lorsqu’il se laisse aller à une bêtise moins convenue que celle qu’il imagine être celle des enfants, Ben Rice est vraiment capable de me faire rire :

« Sur ce, le pasteur a pris une mine plus grave et crié que s’il y avait quelqu’un qui voyait une raison de s’opposer à ce que Pobby et Dingan soient enterrés dans le cimetière, qu’il s’avance pour le dire. Il y a eu un long silence et j’ai retenu mon souffle. J’ai regardé autour de moi en essayant de fixer tous ces gens du regard pour qu’ils ne bougent pas. Mais un type qui s’appelait Andy Floom s’est avancé et tout le monde s’est tourné vers lui. Le pasteur a lancé : « Alors, Andy Floom, parle ! » Mais Andy Floom, qui n’était pas loin d’avoir descendu son pack de six, a eu l’air un peu perdu et il a bredouillé : « Quoi ? Oh, pardon, tout le monde, je me suis juste avancé pour écraser une araignée. » Et partout, les gens se sont mis à rire. »


Image extraite de l'adaptation du roman



Après tout, je suis peut-être aussi désespérante que les personnages terre-à-terre décrits par Ben Rice dans ce conte ? Je n’arrive pas à m’émouvoir devant cette histoire de gamins inventés de toutes pièces par un auteur en quête d’identité, et parce que rien ne me semble naturel dans sa démarche de création, je me prive d’une histoire qui aurait pu me faire rêver, si j’avais su me détacher de toutes ses incohérences et maladresses.

« C’était comme ça, Lightning Ridge. Les gens passent leur temps à disjoncter à cause de la chaleur et ils se mettent à construire des châteaux ou des conneries de ce genre. »

(Voici la plus jolie phrase de tout le livre)

Partager cet article
Repost0

commentaires