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11 mars 2012 7 11 /03 /mars /2012 21:38



Le spectateur plonge dans ce film d’une manière abrupte. Il pourrait être le troisième colocataire d’Ottila et Gabita, colocataire invisible qui ne parle pas, qu’on ne voit pas, mais qui assiste, impuissant et troublé, aux évènements. Il est rare que la sensation d’immersion soit aussi grande. Dommage que l’expérience en partage dans ce film soit si peu réjouissante. Il n’empêche, ça secoue sévèrement.

L’histoire ne commençait pourtant pas trop mal. D’accord, Gabita est enceinte et, dans la Roumanie de 1987, l’avortement est interdit. Néanmoins, de nombreux réseaux permettent de recourir à l’avortement. Gabita est confiante. Elle court certains risques, mais elle connaît des personnes prêtes à l’aider. Son soutien majeur, c’est Ottila, sa colocataire à Polytech. Mais les premières embûches ne tardent pas à survenir : la chambre d’hôtel réservée est soudainement indisponible, il faut en trouver une autre de toute urgence ; Gabita envoie Ottila au rendez-vous qu’elle avait fixé avec Monsieur Bébé, le faiseur d’anges, au grand mécontentement de ce dernier ; Gabita a oublié de prendre une nappe, instrument indispensable à la réalisation propre d’un avortement ; et enfin, Monsieur Bébé ne se satisfait pas de la rémunération que Gabita et Ottila s’apprêtaient à lui verser.



On ne remarque même pas que la tension monte progressivement. L’ambiance du film, dès le départ, nous plonge dans un climat de malaise incertain. Peut-être est-ce dû à la voix fluette et aux mouvements incertains de Gabita, à la solitude d’Ottila ? Et puis, tout semble s’opposer aux démarches qu’Ottila mène généreusement pour son amie. Généreusement ? Il y a bien sûr une envie d’aider sa camarade, mais aussi la détermination à lutter contre une loi absurde, et la projection sur soi-même de l’acte d’avortement. La tension est telle qu’elle fait craindre sans cesse des drames qui, finalement, n’arrivent pas, mais n’amoindrissent jamais la cruauté des sévices physiques et moraux infligés aux jeunes filles.



Certaines scènes sont éblouissantes, telle celle, surréaliste, du dîner organisé en l’honneur de l’anniversaire de la mère du petit ami d’Ottila.
La révélation du fœtus dans la salle de bains peut être sujette à controverse. Elle est le seul indice qui nous porte à croire que Mungiu désapprouve l’avortement tardif de Gabita car cette scène tranche avec le reste du film, peu subtile dans sa suggestion. Sans elle, il aurait été difficile de trouver le moindre élément d’implication morale du réalisateur. Il ne condamne jamais l’acte de l’avortement en lui-même, ne revient pas sur les conditions qui ont abouti à la situation de Gabita, ni sur la manière dont elle a pris sa décision et sur l’influence de ses proches. En revanche, il condamne l’absurdité d’une législation, la cruauté des méthodes employées et, peut-être, l’insouciance et la peur d’une jeune fille délaissée.

Après 24 heures éprouvantes, pas sûre qu’Ottila et Gabita réussissent à avaler une assiette dans laquelle se superposent des abats de bœuf et de mouton. Il leur faudra du temps pour digérer ce qu’elles viennent de vivre. Le spectateur, quant à lui, se retire sur la pointe des pieds…

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