Alors que le premier volume de Gen d’Hiroshima se déroulait sur plusieurs semaines voire plusieurs mois, le deuxième volume voit le temps se ralentir. Pour un peu, on croirait
presque qu’il se fige…
La bombe atomique vient d’éclater au-dessus d’Hiroshima avec les conséquences que l’on croit connaître. S’il s’agit du nombre de décès, on peut trouver des chiffres : 70 000 habitants sur 250
000. Hélas, et bien qu’ils représentent déjà une réalité monstrueuse, ils ne disent presque rien de l’horreur véritablement vécue par les habitants d’Hiroshima. De la part des autorités, on ne
peut pas attendre grand-chose, surtout lorsque l’on sait que la première décision prise à Tokyo suite à cet évènement fut de l’occulter par tous les moyens au reste de l’archipel. Il fallait bien
qu’un survivant s’empare d’un moyen trivial –le manga- pour rétablir une parcelle de vérité.
Il faudra dorénavant cheminer avec quelques personnages en moins –et pas des moindres. Le père, la grande sœur et le petit frère de Gen ont disparu sous les décombres de leur ancienne maison.
Morts ou non ? Malgré l’improbabilité d’une survivance, ni Gen ni sa mère ne semblent pouvoir reconnaître leur disparition. Au détour de plusieurs pages, leurs fantômes réapparaissent au milieu
des ruines d’Hiroshima. Formidable incarnation de la puissance de la vie, la mère de Gen donne bientôt naissance à une petite Tomoko. Préservée ( ?) des conséquences immédiates des radiations,
elle représente l’espoir d’une génération qui essayera de se développer à nouveau sur les bases d’un territoire hostile. Mais fragile, elle nécessite des soins et des attentions de chaque
instant, ce qui relève de la gageure lorsqu’il est déjà difficile de trouver pour soi-même un peu de riz et de confort.
La survie de chacun s’oppose à la survie d’autrui. S’ajoute à l’hostilité du territoire l’hostilité de l’autre qui ne représente désormais plus qu’une menace : menace de contamination lorsque les
effets secondaires de la bombe atomique semblent se propager à la manière d’un virus ou menace de famine lorsque les vivres se comptent au gramme près et que leur rationnement ne permet pas à
toutes les bouches survivantes d’être comblées.
- Si on t’apporte du riz, tu t’ouvrirais le ventre ?
- Faites-moi confiance ! Apportez-moi du riz !
La folie des survivants menace aussi Tomoko, et combien de mères désormais esseulées n’essaient pas de voler ou de blesser l’enfant par jalousie ?
Sans s’attarder sur des images monstrueuses, par simple évocation des quelques heures qui ont suivi l’explosion atomique –heures consacrées à la survie-, Keiji Nakazawa nous propose une nouvelle
compréhension de l’évènement. On ne sait plus si les survivants sont vraiment les plus chanceux de l’histoire, et on ne peut déterminer ce qui est le plus tragique, des conséquences dispensées
par la bombe en elle-même ou des comportements funestes des survivants. Vers, pourriture, lambeaux de peau ou folie meurtrière ? Le choix ne se limite heureusement pas à ces alternatives peu
réjouissantes et Gen, puisqu’il en est le représentant, semble tirer à lui le peu d’énergies positives encore présentes dans cette population, blessée par la violence et la méconnaissance de la
situation. Il est toutefois permis de se demander si cette force pourra s’étendre encore longtemps…
Citation: |
La bombe atomique n’avait pas fait que détruire la ville d’Hiroshima, elle y avait émis des radiations. Les maladies dues à ces radiations, terribles effets secondaires de la bombe, commencèrent à toucher les habitants ignorants du danger. |