Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
18 février 2012 6 18 /02 /février /2012 10:14




A Hanovre, en mai 1924, la population découvre avec effroi un jonchement d’ossements humains au fond de la Leine asséchée. Qui aurait pu croire qu’un tel caveau se situait à portée du regard ? Pour contenir la frayeur déclenchée par cette vision, le commissaire Müller invoque les ravages du Typhus. En réalité, l’examen des os, raclés et léchés, brutalement arrachés à la chair des muscles qui les entouraient, montre bien que la police est confrontée à un cas criminel. Mais étrangement, l’enquête tarde à progresser. Haarmann, le fabuleux boucher d’Hanovre, peut continuer à exercer sa profession en toute quiétude.


Intégré aux forces de la police en tant qu’indic, Haarmann flâne dans la gare de la ville et brandit sa carte de police pour arrêter de probables « délinquants ». Tous ont un point commun : il s’agit de jeunes hommes isolés, souvent déboussolés, que Haarmann prend sous son aile avant d’imposer son pouvoir. Il échoue rarement à ne pas ramener ses victimes chez lui, et après quelques civilités, il les fait mijoter dans sa casserole. De la bonne viande, des manteaux ou des vestes : voilà le résultat des traques d’Haarmann. Dans la misère qui caractérise la République de Weimar de l’entre-deux guerres, cela permet de bien vivre. Personne ne crache sur un steak supplémentaire, et même si son origine est douteuse, il est plus facile de manger à sa faim et de fermer les yeux que de s’interroger sur la provenance d’une pièce de viande qui n’a plus grand-chose à voir avec l’humanité à laquelle elle a appartenu.



Dans ce roman graphique aux traits sombres et travaillés, qui s’inscrit en continuité avec la noirceur de l’histoire qui nous est rapportée, Haarmann ne prendra finalement pas la place du pire criminel. Si ses agissements sont évidement condamnables, qu’en est-il de la réaction des forces policières qui, malgré de nombreuses plaintes et réclamations des voisins du boucher, n’ont jamais cherché à vérifier la véracité des condamnations dont il faisait l’objet ? Figure garante d’un ordre moral et civil, les forces de l’ordre préféraient fermer les yeux sur la destitution qui menaçait Haarmann. Ce brave boucher, qui nourrissait, vêtait et rassurait la population, ne pouvait pas être un criminel. Et pourtant si…



Dans cette optique, les incursions dans l’esprit d’Haarmann sont inexistantes. Ce roman graphique ne cherche pas à donner une explication rationnelle à ses agissements, et seule la conclusion permettra peut-être de toucher du doigt la folie qui animait ses actes. Comprenant qu’il y avait là un déficit à pallier, la bande dessinée s’accompagne d’un dossier documentaire qui retrace plus précisément la biographie d’Haarmann. On comprend alors que si le personnage avait constitué le thème principal de ce roman graphique, il ne serait pas resté le récit policier froid et distant que Kreitz et Meter proposent à leurs lecteurs, mais l’histoire glauque d’un homme sur lequel le réel n’avait sans doute plus beaucoup de prise.


« Certains prétendent toujours que la viande humaine ressemble à de la viande de porc ou de veau. Non, elle est beaucoup plus noire, différente aussi de la viande de cheval. Et je sais de quoi je parle, j’en avais toujours plein les mains. »



Le sordide a été évité de peu. Sous-entendu, il est plus angoissant, et protège Kreitz et Meter de la tentation de se vautrer avec plaisir dans l’esprit insondable d’Haarmann.

Partager cet article
Repost0

commentaires