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29 décembre 2012 6 29 /12 /décembre /2012 19:46






Attention ! A l’heure où les mouvements en –ISME se multiplient, sortez vos calepins et rajoutez à votre liste ce nouveau terme : le « crudisme ». Selon les auteurs, il est aberrant que ce terme ne soit pas encore passé dans le langage courant. Mais il ne tient qu’’à eux d’en convaincre le lecteur… Voyons voir quels sont leurs arguments…


UN : Puisqu’une grande partie de la population moderne occidentale se dit aujourd’hui fatiguée et lasse de mener un rythme de vie épuisant et dénaturé, l’argument du retour vers une existence plus saine et naturelle trouvera forcément bon entendeur… Au niveau symbolique, le crudisme marche fort. Manger des aliments crus, c’est laisser tomber les conserves, les plats industriels et autres aliments pré-emballés qui génèrent une quantité d’emballage parfois supérieure à la quantité de produit en lui-même. C’est un acte culpabilisant en moins, accompagné d’un retour vers le naturel ici symbolisé par le contact direct avec l’aliment. Au-delà de ce seul aspect, les auteurs tendent malheureusement à en rajouter une couche et font du crudisme le seul mode de rédemption de l’humanité envers la Terre :


« Un régime biologique cru et végétalien peut ramener l’humanité à un mode de vie entièrement naturel qui permet d’avoir, pour la première fois, le contrôle total de nos vies. C’est le seul régime qui garantit non seulement la santé et le bien-être de l’humanité mais également la sauvegarde de l’environnement et de toutes les créatures de la Terre. »




DEUX : La population moderne occidentale est malade, ou si elle ne l’est pas, elle le sera forcément un jour ou l’autre. La menace règne comme une épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête, menace d’autant plus angoissante que, si beaucoup de facteurs sont soupçonnés, aucun n’est jamais précisément ciblé dans l’étiologie. Les auteurs, eux, sont indubitables : les maladies les plus courantes aujourd’hui (ostéoporose, troubles cardiaques, rénaux, hépatiques, cancers, rhumatismes…) proviennent de la dénaturation de nos aliments par la cuisson –études en appui. Où le cuit, en opposition au cru bon et naturel, devient symbole de déchet et de toxique :


« En mangeant constamment des aliments dénaturés nous produisons une quantité importante de déchets, et les organes préposés à l’élimination n’arrivent pas à faire leur travail convenablement : les déchets s’accumulent et ceci entraîne un état général d’intoxication de l’organisme, ce qui provoque la maladie. »




TROIS : Vous avez appris à l’école que l’homme est un omnivore. Vous aviez tort. D’après les caractéristiques morphologiques qui définissent les grands groupes de mangeurs (carnivores, herbivores, omnivores, frugivores) l’homme est… un frugivore ! Aussitôt descendu de son arbre, l’homme y retourne pour bouletter des pommes et des prunes, à moins qu’il ne brasse dans les buissons pour se faire une bouillie de myrtilles et de cassis.


« En examinant attentivement les différentes catégories nous pouvons nous rendre compte que l’homme n’appartient ni à celle des carnivores ni à celle des herbivores ni aux omnivores, mais qu’il appartient bien à celle des frugivores. La preuve principale en est le placenta, que le biologiste anglais Thomas Henry Huxley considérait comme la meilleure base de classification des espèces, puis viennent la main préhensile comme chez les singes ou les rongeurs et enfin la position de la mâchoire et de la dentition inférieure, élément typique chez l’homme mais aussi chez les singes et chez les animaux végétariens en général. »




Tous ces bons arguments déroulés, ne reste plus qu’à se convertir au crudisme. Oui, bon, d’accord, mais avant tout virement de cuti, on aimerait quand même bien avoir quelques informations sur le nouveau parti que l’on va intégrer. Les auteurs nous donnent donc bien aimablement leur définition du crudisme :


« Le crudisme consiste en l’élimination de la phase de cuisson. Le crudiste ne consomme donc que des aliments crus, afin de conserver toutes les valeurs nutritives qui sont normalement détruites par la cuisson. Les bénéfices du crudisme sont nombreux : les vitamines et minéraux présents dans les aliments restent inaltérés, la digestion est stimulée l’intestin est nettoyé et l’organisme est désintoxiqué et hydraté. »




Et c’est parti… Comme dans un jeu, les auteurs proposent au lecteur de se classer dans la catégorie des « débutants », des « moyens » ou des « avancés ». Chaque catégorie bénéficie de son quota d’aliments crus et de ses encouragements personnels. Quoiqu’il en soit, tous les crudistes sont tenus de bouleverser de fond en comble leur mode de vie : réduire la consommation de sel, suivre le rythme de son corps (envers et contre les obligations de la vie moderne, basta !), programmer ses sorties et prévoir, pour chaque déplacement à l’extérieur, sa barquette d’aliments crus qui viendra sauver le nouveau converti de la menace omniprésente des aliments cuits. Où l’on apprendra également qu’il est mauvais de trop manger le soir ET le matin (nous franchissons une étape qui dépasse encore les exigences de la chrononutrition ou de la médecine chinoise qui, eux, se contentaient de nous tancer de trop manger le soir)…


On le verra, le crudisme nécessite donc une véritable discipline… ainsi qu’un porte-feuille coopératif qui acceptera d’investir dans des ingrédients qui ne se trouvent pas forcément à portée de main et dans des techniques censées nous faciliter la vie (déshydrateur, centrifugeuse, germoir…). Pour nous aider à organiser au mieux nos journées de crudistes, les auteurs nous aident (heureusement ?) à préparer nos repas et nous livrent une liste de recettes dans lesquelles on pourra venir piocher quelques bonnes idées, crudiste ou pas. La liste est longue des smoothies, salades, soupes, sauces et laits végétaux. Un peu de variété est introduite avec une revisite de plats traditionnels (boulettes, légumes farcis, pizzas) et de plats du monde (tortillas, burritos, houmous, feta, asian slaw, sushimaki, choucroute, kuchen…). Et la gourmandise, dans tout ça ? C’est l’éclate, nous promettent les auteurs ! Avec leurs recettes, on va enfin pouvoir manger des gâteaux tous les jours tout en préservant notre capital santé –mieux encore ! en l’améliorant ! Oui, mais il y a gâteau et gâteau…et surtout beaucoup de ruse et de falsification de termes ! Les gâteaux des crudistes sont composés de raisins et de noix ; ou d’amandes et de dattes ; ou de graines de tournesol, de poudre de cacao et de raisins secs… Peut-être pas mauvais, c’est à essayer, mais de là à nous assurer que « si, si, ce sont des gâteaux », il faudrait peut-être assumer qu’il existe des techniques de contrefaçon en cuisine comme ailleurs…
Entre autres découvertes gourmandes, on apprendra comment se confectionner une glace à la banane uniquement à partir de bananes, ou de truffes au chocolat au beurre d’amandes…


Comme dans tous les livres mettant en avant de nouvelles règles d’hygiène alimentaire, la prudence est de rigueur… il faut savoir trier le bon grain de l’ivraie, accepter de glaner des informations intéressantes et laisser de côté celles qui virent au fanatisme. Les auteurs et leur maison d’édition eux-mêmes en sont conscients, qui indiquent en ouverture de leur ouvrage :


"L’éditeur décline toute responsabilité quant à l’utilisation qui pourrait être faite par les lecteurs des informations scientifiques, sanitaires, psychologiques, diététiques et alimentaires présentées dans ses livres."




Ben quoi… on croyait que le crudisme avait tout bon ?

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