Attention ! A l’heure où les mouvements en –ISME se multiplient, sortez vos calepins et rajoutez à votre liste ce nouveau terme : le « crudisme ». Selon les auteurs, il est aberrant que ce terme
ne soit pas encore passé dans le langage courant. Mais il ne tient qu’’à eux d’en convaincre le lecteur… Voyons voir quels sont leurs arguments…
UN : Puisqu’une grande partie de la population moderne occidentale se dit aujourd’hui fatiguée et lasse de mener un rythme de vie épuisant et dénaturé, l’argument du retour vers une existence
plus saine et naturelle trouvera forcément bon entendeur… Au niveau symbolique, le crudisme marche fort. Manger des aliments crus, c’est laisser tomber les conserves, les plats industriels et
autres aliments pré-emballés qui génèrent une quantité d’emballage parfois supérieure à la quantité de produit en lui-même. C’est un acte culpabilisant en moins, accompagné d’un retour vers le
naturel ici symbolisé par le contact direct avec l’aliment. Au-delà de ce seul aspect, les auteurs tendent malheureusement à en rajouter une couche et font du crudisme le seul mode de rédemption
de l’humanité envers la Terre :
DEUX : La population moderne occidentale est malade, ou si elle ne l’est pas, elle le sera forcément un jour ou l’autre. La menace règne comme une épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête,
menace d’autant plus angoissante que, si beaucoup de facteurs sont soupçonnés, aucun n’est jamais précisément ciblé dans l’étiologie. Les auteurs, eux, sont indubitables : les maladies les plus
courantes aujourd’hui (ostéoporose, troubles cardiaques, rénaux, hépatiques, cancers, rhumatismes…) proviennent de la dénaturation de nos aliments par la cuisson –études en appui. Où le cuit, en
opposition au cru bon et naturel, devient symbole de déchet et de toxique :
TROIS : Vous avez appris à l’école que l’homme est un omnivore. Vous aviez tort. D’après les caractéristiques morphologiques qui définissent les grands groupes de mangeurs (carnivores,
herbivores, omnivores, frugivores) l’homme est… un frugivore ! Aussitôt descendu de son arbre, l’homme y retourne pour bouletter des pommes et des prunes, à moins qu’il ne brasse dans les
buissons pour se faire une bouillie de myrtilles et de cassis.
Tous ces bons arguments déroulés, ne reste plus qu’à se convertir au crudisme. Oui, bon, d’accord, mais avant tout virement de cuti, on aimerait quand même bien avoir quelques informations sur le
nouveau parti que l’on va intégrer. Les auteurs nous donnent donc bien aimablement leur définition du crudisme :
Et c’est parti… Comme dans un jeu, les auteurs proposent au lecteur de se classer dans la catégorie des « débutants », des « moyens » ou des « avancés ». Chaque catégorie bénéficie de son quota
d’aliments crus et de ses encouragements personnels. Quoiqu’il en soit, tous les crudistes sont tenus de bouleverser de fond en comble leur mode de vie : réduire la consommation de sel, suivre le
rythme de son corps (envers et contre les obligations de la vie moderne, basta !), programmer ses sorties et prévoir, pour chaque déplacement à l’extérieur, sa barquette d’aliments crus qui
viendra sauver le nouveau converti de la menace omniprésente des aliments cuits. Où l’on apprendra également qu’il est mauvais de trop manger le soir ET le matin (nous franchissons une étape qui
dépasse encore les exigences de la chrononutrition ou de la médecine chinoise qui, eux, se contentaient de nous tancer de trop manger le soir)…
On le verra, le crudisme nécessite donc une véritable discipline… ainsi qu’un porte-feuille coopératif qui acceptera d’investir dans des ingrédients qui ne se trouvent pas forcément à portée de
main et dans des techniques censées nous faciliter la vie (déshydrateur, centrifugeuse, germoir…). Pour nous aider à organiser au mieux nos journées de crudistes, les auteurs nous aident
(heureusement ?) à préparer nos repas et nous livrent une liste de recettes dans lesquelles on pourra venir piocher quelques bonnes idées, crudiste ou pas. La liste est longue des smoothies,
salades, soupes, sauces et laits végétaux. Un peu de variété est introduite avec une revisite de plats traditionnels (boulettes, légumes farcis, pizzas) et de plats du monde (tortillas, burritos,
houmous, feta, asian slaw, sushimaki, choucroute, kuchen…). Et la gourmandise, dans tout ça ? C’est l’éclate, nous promettent les auteurs ! Avec leurs recettes, on va enfin pouvoir manger des
gâteaux tous les jours tout en préservant notre capital santé –mieux encore ! en l’améliorant ! Oui, mais il y a gâteau et gâteau…et surtout beaucoup de ruse et de falsification de termes ! Les
gâteaux des crudistes sont composés de raisins et de noix ; ou d’amandes et de dattes ; ou de graines de tournesol, de poudre de cacao et de raisins secs… Peut-être pas mauvais, c’est à essayer,
mais de là à nous assurer que « si, si, ce sont des gâteaux », il faudrait peut-être assumer qu’il existe des techniques de contrefaçon en cuisine comme ailleurs…
Entre autres découvertes gourmandes, on apprendra comment se confectionner une glace à la banane uniquement à partir de bananes, ou de truffes au chocolat au beurre d’amandes…
Comme dans tous les livres mettant en avant de nouvelles règles d’hygiène alimentaire, la prudence est de rigueur… il faut savoir trier le bon grain de l’ivraie, accepter de glaner des
informations intéressantes et laisser de côté celles qui virent au fanatisme. Les auteurs et leur maison d’édition eux-mêmes en sont conscients, qui indiquent en ouverture de leur ouvrage :
Ben quoi… on croyait que le crudisme avait tout bon ?