Ce sont les personnages qui créent l’aventure. Avec San Antonio et le Bérurier, le train s’emballe. A peine réveillés, les voilà embarqués pour une mission dans le désert du Sin Kiang, en Chine,
décision prise sur un coup de tête entre la quinzième et la seizième tournée qu’ils s’offrent dans leur troquet habituel. Sitôt arrivés en Chine, les voilà pris en traque et forcés à se remuer
les fesses pour échapper à leurs poursuivants. Sur leur route, ils se lieront d’amitié avec un mouton, que la faim les poussera parfois à confondre avec un chop suey, et parviendront à dénicher
une base de lancement chinoise. La mission a-t-elle été menée à bien ? Peu importe, tout ce qui compte c’est de rentrer au bercail en traversant le ciel à bord d’une fusée, tout
naturellement.
La surenchère ne fait pas peur à Frédéric Dard et surprend à peine. Les pensées de San Antonio ne s’imposent aucune limite, ni dans le fond, ni dans la forme. L’argot et les jeux de mots
transforment la langue en un pot-pourri qui brasse de multiples origines et surtout beaucoup d’originalité. Le plaisir ne naît pas tant des propos en eux-mêmes que de leur musicalité. S’il était
possible de mettre en scène les aventures totalement extraordinaires vécues par San Antonio dans ce livre, les dialogues se déploieraient dans tout leur éclat dans le cadre du milieu
théâtral…
« On se répartit les effusions, on se distribue l’émotion, on se l’émiette, on se la fait goûter, on se l’entre-grume, on se la lèche, on se la boit, on se la
décerne, on se la cerne, on y patauge, on la distille, on l’alimente, on l’éclabousse. D’autres bras m’enlacent, d’autres lèvres me composent. Je pleure aussi. J’ai le malheur qui ronronne dans
ma poitrine comme le moteur d’un rasoir électrique. »
Ce livre est absurde, fatigant, épuisant, comme une fête endiablée à laquelle on aimerait quand même bien participer... Il présente un San Antonio qui fait figure de modèle d’héroïsme bien malgré
lui : héros qui rate beaucoup de choses mais qui ne perd pas son aura grâce à sa capacité de riposter en dégainant son humour et son insouciance. San Antonio incarne une philosophie à lui seul :
celle de la rédemption par le verbe comique. Et ce Tango Chinetoque en est une illustration brillante !
« Notre boussole est morte ! Nos couvertures n’existent plus. Nous voici dépouillés jusqu’à l’os. Nous n’avons même plus de poils occultes. »