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9 février 2013 6 09 /02 /février /2013 19:11





Bastien Vivès a-t-il un blog ? Oui… Un blog du genre à regrouper du monde autour de ses publications ? Oui, oui, oui. Un blog appartenant à cette sphère très élitiste des « blogs bédés » ? Oui, oui, oui. Du genre à pouvoir rivaliser avec les blogs des plus fameux –Boulet, Pénélope Bagieu, Margaux Motin et consorts ? Non, pas encore… Mais Bastien Vivès se hisse tout de même sur les plus hautes marches du podium et, pour le prouver, il a fait comme ses amis-concurrents : passer de la publication ouèbe à la publication papier qui, elle, rapporte des sous. La blogosphère, c’est comme une période de stage rémunérée, et si le client est satisfait des services qu’on lui offre, le patron accepte de faire du blogueur un salarié auréolé de respect.




Monde à part s’il en est, la blogosphère est trop longtemps restée inconnue du pauvre lecteur qui contribue seulement à la faire vivoter. Bastien Vivès nous ouvre les portes de ce cercle réservé à l’élite, nous permettant d’accéder à ses coulisses bientôt mise à mal par un Dark Vador aspirant lui aussi à la reconnaissance graphique. A la surface de cette planète, nous sautons d’une région à une autre sans logique précise, dans un tour du monde qui équivaudrait à partir de France pour faire escale au Japon, avant de revenir en Inde, de repartir pour les Etats-Unis puis de séjourner en Australie.


On reconnaîtra que sur la planète Blogosphère, certaines régions sont plus intéressantes que d’autres. Si la critique de la précocité des enfants à manier l’outil technologique semble un peu trop convenue, le ridicule du phénomène des « blogs de filles » est décortiqué d’une manière réjouissante, montrant quel degré de cruauté peut contenir l’utilisation du ton niais et gourde propre à ces publications. En revanche, la découverte de la contrée du Festiblog ne déclenchera pas de grand émoi chez ceux qui ne font pas partie du gratin. Les blagues restent hermétiques et il est difficile de dire si elles ne sont objectivement pas drôles ou subjectivement inintéressantes. Dommage, elles occupent pratiquement la moitié du contenu de ce cinquième volume. Le voyage sur la planète Blogosphère risque d’être plus long que prévu. Alors on retourne un peu en contrée « blog de filles », de loin la plus mordante de toutes. Entre flagorneries et véritable mépris, Bastien Vivès fait prendre conscience à son lecteur que lui seul est responsable de l’émergence de cette étrange planète Blogosphère. Contents du résultat ?


Bienvenue en contrée "Blog de filles" :











Citation:
- T’as entendu la quenelle que je viens de lâcher ?!! Hein, chéri ! T’as entendu le dindon que je viens de balancer ? Putain, j’en ai foutu partout, c’est dégueulasse ! Putain, j’ai rempli les chiottes de chiasse. Attends, j’vais tremper mon pied dedans pour voir ce que ça fait.
- Chérie !
- Ouais.
- Faut juste que je finisse de travailler, c’est important.
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4 février 2013 1 04 /02 /février /2013 19:16





Difficile de parler d’une jeunesse que je n’ai pas connue. Le premier volume de la série Agrippine sort en 1988 et préfigure le début d’une suite d’aventures qui affecteront ses personnages jusqu’en 2009 –de quoi porter un regard relativement vaste sur l’image reflétée par la jeunesse au cours de vingt longues années.




Pour le moment, Agrippine me renvoie à l’avant-dernière décennie du siècle passé –une époque dont je n’ai pas été témoin. Pourtant, rien ne me semble étranger au monde décrit par Claire Bretécher et passé au prisme du regard contestataire et grinche d’Agrippine. Coca, soutifs, télé, lycée… tel est le quotidien de cette princesse charmante moderne en laquelle la grâce s’incarne sous la forme d’un minois crispé et d’une moue boudeuse de tous les instants. La préciosité des siècles précédents est bien loin ! Les « pouffes » de la nouvelle génération se définissent par un langage composé d’un minimum de 50% de « GIGA », par la recherche de blé auto-producteur, par la palpation-comparaison de la taille des « nibards » et par la sophistication de la pose du « doigt dans le nez » comme parodie au Penseur de Rodin.





Derrière toutes ces mimiques, en fait savantes poses symboliques porteuses de messages stéréotypés à part entière, Agrippine la superficielle semble vouloir chercher des réponses à ses questions métaphysiques : comment ne pas échouer à la manière de mes parents ? quelle image donner de moi pour me faire accepter par les autres ? de quoi sera fait mon avenir ? …Le tout est évoqué dans une langue inventive par une Claire Bretécher qui n’a pas le sens de l’humour dans la poche et qui, si elle fut elle aussi une Agrippine du plus beau ressort, n’a pas honte de nous en livrer les mécanismes de pensées les plus intimes et les plus avilissants.


Citation:
En 94 je me fais poser des seins. En 97 je me fais liposucer les cuisses. En 98 je me fais rajouter du menton. Là je peux commencer à vivre donc je m’occupe de ma carrière. Entre 2 et 6 j’ai 3 enfants. En 7 je me fais retendre le ventre. Entre 8 et 18 je gère mes réussites professionnelles, émotionnelles et familiales. En 19 lifting complet de la tête aux pieds. C’est après que je ne sais pas quoi faire.




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2 février 2013 6 02 /02 /février /2013 18:18






Robert et Raymonde s’aventurent sur des territoires audacieux. Bidochon, soyez les bienvenus en territoire kafkaïen ! Ne connaissiez-vous pas encore la complexité du système administratif à l’accueil d’un hôpital ? L’ongle incarné de cette pauvre Raymonde s’en souviendra certainement longtemps… Dans un enchaînement de cause à effet contre lequel il semble impossible de lutter, les Bidochon vont goûter jusqu’à plus faim des services tertiaires de la période post-industrielle.





L’hôpital, qui avait déjà fait l’objet d’une représentation approfondie dans le volume des Assujettis sociaux, ne sera pas le seul à souffrir du regard affuté de Binet. Les flics mal débroussaillés de la moustache sont dépeints dans toute leur arrogance bornée, illustrant à la perfection ce paradoxe qui voudrait que moins l’on en sait, plus l’on en dit. Les services fiscaux et sociaux s’emmêlent les pinceaux et nous font remuer dans sa tombe notre pauvre vieux Robert, pourtant plus vivant que jamais lorsqu’il s’agit de taper du poing sur les tables. A ce jeu-là, il trouvera toutefois de la concurrence puisque l’on n’entre pas dans les services fiscaux à sa guise : ceux-ci sont en effet gardés par de puissants cerbères d’autant plus incontournables que leur innocente apparence de secrétaire ne laissait rien douter de leur agressivité.




Emmené dans ces systèmes labyrinthiques de force plutôt que de gré, Robert finit par perdre la tête. Pour la première fois depuis le début de la série, les Bidochon s’autorisent une incursion vers le côté fantastique de l’existence, ramant péniblement sur des fleuves de paperasses indigestes. Bercés par le murmure des flots, nous nous rappellerons cette question étrange, posée à Raymond par un agent de la sécurité des plus louches : « Et comment l’ongle incarné pouvait-il être au parking si ta femme était dans la voiture ? »…






Oui, Binet vire à l’absurde, et s’il arrive à nous prouver que Raymond peut être mort tout en étant vivant, il parvient également à ressusciter Ionesco et son humour désespéré ! Si le thème n’est pas original dans l’œuvre des Bidochon, on ne pourra toutefois pas dénier que son traitement se fait toujours de la manière la plus convaincante possible pour le lecteur… Et gare si vous n’aimez pas ! L’armoire normande –pourfendeuse des ennemis des Bidochon- risquerait bien de meurtrir votre entendement…


Citation:
- Bon dieu ! Quelle bouillie !! Qu’est-ce qui s’est passé ?
- Monsieur Merlan vient d’être écrasé par une armoire normande !
- Une quoi ?


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31 janvier 2013 4 31 /01 /janvier /2013 20:29






Lorsque Renée s’entaille le bras, ce ne sont pas des gouttes de sang qui s’échappent d’elle mais des répliques innombrables d’un petit enfant bossu au visage déformé par la terreur… Ce petit garçon fait écho aux évènements vécus par Renée ; il semblerait que pas un jour ne se passe sans que sa vision ne s’impose à elle. Pas que ça l’enchante mais sans lui, Renée serait seule… sa solitude la pousse d’ailleurs à s’accrocher au premier venu –au premier musicien venu. Si l’humanité lui semble laide, seuls ceux capables de produire un peu de beauté musicale la réconfortent. C’est ainsi que Renée se surprend à suivre un vieux musicien de jazz qu’elle invite chez elle pour une nuit avant de découvrir qu’il est marié. Les sentiments ne sont pas chose habile à manier : il s’y mêle dépendance et dégoût de l’autre, haine de soi-même, veulerie, lâcheté… Et lorsque le passé s’entasse par-dessus tout, on peut y rattacher des fantasmes parfois cruels qui essaient de combler le manque d’amour originel, cause de toute la tristesse des personnages créés par Ludovic Debeurme.





A l’histoire de Renée viennent s’ajouter les histoires déjà évoquées dans le premier volume intitulé Lucille. On retrouve donc cette dernière, guérie de son anorexie par l’amour qu’elle partage avec Arthur. Malheureusement, celui-ci est mis au bagne et cohabite en cellule avec des détenus difficiles à cerner ; où la promiscuité imposée ressemble parfois à s’y méprendre à l’harmonie supposée de la vie conjugale…



« Certains fous, on ne devrait pas les associer… Aucune magie à la sortie de l’éprouvette. »




Et petit à petit, alors qu’il avait réussi à surmonter son passé et sa généalogie, Arthur redevient Vladimir, le flambeau de son père mort en mer. Il s’éloigne de la réalité, perd Lucille et finit par se perdre lui-même totalement.


En variant les thèmes, en faisant intervenir de nouveaux personnages à la psychologie fouillée et aux caractères crédibles, Ludovic Debeurme fait intervenir dans Renée le même processus que celui mis en œuvre dans Lucille. Il prend ses personnages et les imbibe de désespoir. Il en ressort de petites figures sans consistance, molles, incapables de s’extraire elles-mêmes du bain morbide dans lequel elles se sont plongées. Ludovic Debeurme appuie le trait et n’a pas peur de jouer sur le pathétique. Et puis, peu à peu, il fait se croiser les bons personnages. Dans Lucille, la rencontre de la jeune fille avec Arthur leur fut salvatrice ; dans Renée, ce sera l’amitié liée entre les deux souffrantes qui leur permettra de s’élever un peu de leur réalité crasse et de surmonter les souvenirs lancinants des failles éprouvées.





Avec Ludovic Debeurme, le bonheur n’est jamais total. Il ressemble plutôt à de la mélancolie et semble très fragile. Si le malheur est vécu concrètement par les personnages, la joie, elle, se symbolise par des rêveries incertaines et des visions hallucinées. Encore une fois, il s’agirait presque d’un échec, et on se demande si tout a vraiment été résolu à l’issue de la lecture de ces deux volumes. Un sentiment d’inachevé demeure encore…
Tant de chemin parcouru pour une récompense aussi minuscule ? …


Citation:
C’est tellement dur d’avoir à lutter contre soi. On y gagne si peu… Pour tout ce qu’on laisse en chemin.




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28 janvier 2013 1 28 /01 /janvier /2013 19:12
Conquistador – Tome 1 (2012) de Dufaux & Xavier





Cette histoire de conquistadores me laisse perplexe et son existence ne me semble absolument pas nécessaire. Peu de choses à dire, un peu plus seulement à montrer… Dans ce cas, il aurait peut-être été plus honnête et valorisant de se contenter d’un album constitué uniquement de dessins.




Philippe Xavier a voulu travailler de manière traditionnelle et ne pensait certainement pas pouvoir vendre ses dessins s’il ne les accompagnait pas d’un minimum de trame scénaristique. C’est à ce moment-là qu’apparaît Jean Dufaux et son histoire de Conquistador, apte à abrutir n’importe quel lecteur par la force de sa répétitivité. Cette histoire de méchants européens qui viennent squatter les territoires incas pour s’accaparer tout l’or et les trésors des temples, ne me dites pas que vous ne l’avez jamais lue, jamais vue, jamais entendue ! Vous la connaissez déjà par cœur… Et vous appreniez, à l’issue de ces récits dignes des plus grossiers fabliaux, qu’il était mal –très mal- de vouloir dérober les richesses non monnayables des peuples sauvages. Encore une fois, Jean Dufaux nous assène cette morale sans oublier d’incorporer tous les éléments dramatiques qui donneront à l’histoire un semblant de rebondissements. Ici aussi, rien que du classique : des empoisonnements, des adultères, des tromperies, des affrontements… le lectorat est clairement ciblé : bourré de testostérones, on lui sert des personnages à la musculature bien développée (sauf s’il a un cerveau) et des femmes en petites tenues affriolantes (sauf lorsqu’elle jure et qu’elle se bat comme un homme).




Alors, certes, l’immersion en territoire inca n’est pas désagréable et permet à Philippe Xavier de se perdre en jungles luxuriantes et en temples resplendissants, mais quelle barbe de devoir se taper l’histoire qui va autour… Dans un déclamatoire faussement anticapitaliste clamant qu’il est mal de piller et de détruire les civilisations exemptes de vénalité, Philippe Xavier et Jean Dufaux agissent exactement à l’inverse de la morale qu’ils revendiquent -à considérer que le neuvième art est encore un territoire exempt préservé dont ils seraient les conquistadores affamés.


Citation:
Des empires peuvent disparaître tandis que montent la bassesse et la corruption. Ainsi va notre monde. Mais tant que je suis en vie, je combattrai la vilenie, l’injustice et l’irrespect envers nos Dieux.



! affraid
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26 janvier 2013 6 26 /01 /janvier /2013 19:43






L’époque des Lumières en France nous évoque une période de grande stimulation intellectuelle... Amorcée et entretenue par ces vagues penseurs, dispersés en tous domaines et sans qualifications fixes, que nous appelons « philosophes », cette période aura connu, entre autres, la publication de L’Encyclopédie, ses prêches sur l’esclavage et ses mythologies du « bon sauvage ». Joann Sfar, fort de ses études de philosophie et de son engouement personnel, lance une nouvelle série intitulée Les Lumières de la France et nous permet d’aborder cette période sous un angle qui se débarrasse des austérités habituellement retenues lorsqu’il s’agit d’évoquer la philosophie. Au préalable, Joann Sfar n’a pas oublié de se documenter et il nous fait partager sa liste de lecture qui se répartit entre textes universitaires (Bordeaux, port négrier d’Eric Saugera…), textes classiques (Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes de Rousseau…) et fictions contemporaines (Noir Négoce d’Olivier Merle…) pour un total de treize ouvrages. Peut-être Joann Sfar a-t-il oublié d’ajouter à cette liste des influences plus lointaines mais que l’on ressent tout de même puissamment : un peu de Rabelais pour la touche paillarde et le grivois, sans oublier le comte de Sade et son érotisme exacerbé.


Joann Sfar n’exalte pas le siècle des Lumières comme il est de bon ton de le faire lorsqu’on adresse un hommage. Son objectif n’est assurément pas de convaincre le lecteur des bienfaits de la philosophie pour l’humanité mais bien plutôt de mettre en évidence les limites mêmes de la rationalité lorsqu’elle cherche à étudier des phénomènes qu’elle ne maîtrise pas encore. Avec la découverte de nouveaux mondes et de nouvelles populations, la traite des noirs n’a pas tardé à se mettre en place. Entre les avantages qu’apporte l’esclavage et les valeurs égalitaires prônées par les théories des Lumières, que faut-il choisir ? Est-on d’ailleurs obligé de choisir ? Joann Sfar nous présente un Comte que ces questions torturent et qui, incapable de trancher à propos de ce dilemme, s’évertue à imaginer un « esclavage à visage humain ». Grande âme torturée sous ses apprêts délicats, Joann Sfar s’amuse à mettre en scène ce personnage qui élucubre volontiers à propos de l’esclavage alors qu’il n’en connaît rien –manière de montrer le fossé qui séparera toujours la théorie de la pratique.





Pendant ce temps, la Comtesse Eponyme s’ennuie. Habituée à seconder le Comte et à répondre à toutes ses exigences absurdes –le recouvrir de peinture noire afin que celui-ci se représente mieux les tortures qui peuvent imprégner l’âme du nègre-, elle pourrait sembler transparente, sans aucune densité. Quel dommage de s’intéresser si peu à Madame… Les Lumières et son défilé de penseurs mâles feraient bien d’ouvrir leurs écoutilles aux pensées féminines, comme la Comtesse Eponyme semble en avoir de belles ! -plus sincères, moins apprêtées et plus grivoises que celles de son époux qui, tout libéré qu’il tente de le paraître, semble toutefois bien limité par les courants philosophiques les plus influents de son époque.





« Si j’avais pour ambition d’attirer l’attention des hommes et d’élever leur connaissance du sexe qui est le mien, j’écrirais sur mon cul : quoi y faire pénétrer, en quels moments et de quelle façon »




Peut-être le Comte ferait-il mieux de s’intéresser à cet aspect de la réalité sur lequel il saurait au moins avoir une influence, plutôt que de spéculer inutilement sur l’esclavage dont il ne connaît que le nom… A une autre époque, avec d’autres personnages, on retrouve dans ces Lumières de la France le même humour et la même finesse spirituelle qui faisaient déjà le charme du Chat du Rabbin. En privilégiant des personnages en marge de la grande Histoire et en leur donnant la parole, Joann Sfar exalte les aspects méconnus des grands thèmes qu’il aborde, et il leur confère une sagesse tout en légèreté et en spiritualité…

Citation:


- J’imite les grands.
- Et ça te fait marrer ?
- Non. Ça me terrorise. Je suis un être de raison et ils semblent ne l’être plus. Dis-moi, Fragonarde, quand ce changement intervient-il chez nos semblables ?
- Chez les chiens, je ne sais pas. Mais pour ce qui concerne les humains, je crois que c’est contemporain de l’apparition des poils du cul.
- Que faire ?
- Prend un miroir et guette anxieusement leur venue.





Les animaux ont toujours la parole et continuent à s'agiter dans un microcosme réduit, à l'image de l'humanité
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24 janvier 2013 4 24 /01 /janvier /2013 19:35






La Gröcha est un récit qui nécessite des prérequis. Ceux-ci, vous ne les trouverez ni en préface, ni en quatrième de couverture, ni même ailleurs dans l’album. Il sera de votre devoir d’aller les chercher en arpentant les magazines et les chroniques web. Sans cela, vous pourrez éventuellement tenter de comprendre par la propre force de votre esprit le ressort de l’intrigue de la Gröcha, mais lectures sur lectures ne changeront pas cette unique certitude : celle de n’être sûr de rien.





Ce défaut de causerie peut être considéré comme une qualité : prenons le cas du lecteur qui aime qu’on le laisse se dépatouiller avec une histoire… D’accord, mais pour ma part, celle-ci m’a quand même finalement semblée très typique et convenue… Qu’on fasse des efforts pour s’irriguer jusqu’à la moelle d’un prodige d’invention de l’auteur, je veux bien, mais alors, que le dépaysement soit conséquent… Pourquoi prendre un ton prophétique et se parer d’emphases allégoriques pour se contenter de raconter une histoire dont le déroulement semble déjà tout tracé dès la première page ? Serait-ce justement pour tenter de dissimuler cette faiblesse ?




La Gröcha fait partie de ces ouvrages esthétiques et vaguement poétiques auxquels il est finalement bien difficile de trouver des défauts qui sautent aux yeux. Le travail au dessin est achevé et peaufiné, les atmosphères et les ambiances –en plus d’être romantiques- se veulent chargées d’une émotion qui donnerait de la densité à l’ouvrage… Dans ces conditions, ce serait presque hérétique d’avouer que la lecture n’a procuré aucun intérêt… Et pourtant, c’est bel et bien le cas…





Avec tristesse, on referme cette Gröcha qui semblait bien prometteuse mais qui finalement laisse de marbre…

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21 janvier 2013 1 21 /01 /janvier /2013 19:41





Assez des querelles religieuses, politiques ou idéologiques ! Que cherchons-nous à travers tout cela, sinon à donner à l’homme une importance qui n’est pourtant que toute relative ? En tout cas, ce ne sont pas les Singeries de Denis Petit et de Humphrey Vidal qui viendront démentir cette hypothèse, et pour la justifier, comble ultime, on les observe tout d’un coup se lancer dans une énième querelle… biologique cette fois !


Avec l’appui de Guillaume Lecointre, professeur au muséum national d’Histoire naturelle, le dessinateur et le scénariste décident de mettre en scène l’affrontement idéologique qui oppose les partisans de l’Intelligent Design et ceux du darwinisme. D’un côté, de solides mastodontes bestiaux, cachant leurs penchants primaires derrière des panoplies costards/attaché-case, gros cigares et limousines –des commerciaux acharnés convertis au catholicisme par la force du capitalisme. De l’autre, des scientifiques convaincus que l’homme se situe dans la droite lignée du singe, acharnés à mettre la main sur des preuves concrètes de cette descendance. Et entre les deux, un pauvre érudit déçu par l’humanité qui, pour en finir avec la vie, décide de se suicider par une overdose de mots… Surprise ! le suicide échoue… la métamorphose opère… Le vorace ès lettres devient Franky Stein ! Suivront d’autres références littéraires de pacotille dont notre érudit, transformé en homme-singe, semblera se repaître d’autant plus qu’il se rapproche du primate, comme s’il jouissait davantage du schisme provoqué par cet assemblage de bestialité et de culture, que des mots en eux-mêmes, instrumentalisés et faits objets de démonstration au profit d’une histoire dont on aura du mal à cerner l’intérêt…





Que cherchent à nous dire ces Singeries ? Outre le fait que les théories concernant l’origine de l’homme doivent être approchées avec un esprit critique, visant à ne jamais faire perdre de vue que des intérêts économiques et le pouvoir motivent avant tout l’Eglise, l’Etat et la Science, le personnage de Franky Stein vient introduire une autre problématique : qu’est-ce qui distingue l’homme du singe ? Si l’homme aime se gargariser de grands mots, peut-on toutefois se contenter de cette particularité pour affirmer sa supériorité ? Les questions sont légitimes, bien qu’elles décèlent un fond de tartufferie… Dommage en revanche que leur représentation soit aussi grossière… comme si, pour convaincre le lecteur de la place relative de l’homme sur l’échelle de l’évolution, il était nécessaire de lui donner un grand coup de coude dans les côtes et de le faire choir tout en bas de l’échelle, aux côtés des vers et des amides.





Franky Stein, citant des vers de Rimbaud et s’inspirant de la prose de Rabelais –pour ne pas faire trop original- promène son corps d’homme-singe érudit au milieu d’un monde rempli d’hommes avides bien incapables de balbutier le moindre début d’alexandrin. Le voici épanoui, rebondissant comme sur des ressorts et traçant sa voie entre méchants humains, gentils humains, et humains menteurs, alors que son passé d’érudit cultivé n’avait été qu’un triste chemin… Alors qu’on croyait avoir affaire à un album « raisonnable », dans le sens où il commence par exacerber la vanité des prétendants à la vérité intellectuelle, on finit par se retrouver avec un remake du mythe du « bon sauvage » -ou plutôt devrait-on dire du « bon ancêtre ». Citons, pour couronner le tout, cette question que se pose Guillaume Lecointre dans la préface : « Qui est prêt à accepter cette idée que nous sommes des singes ? », et nous comprendrons alors que les Singeries, en voulant se donner les atours du scepticisme intellectuel, ne cherchait en réalité qu’à véhiculer une thèse réduite en une image simpliste. Voici ce qui distingue l’homme du singe : l’art de jouer la bête lorsqu’il n’arrive pas à être autre chose qu’un homme.


Citation:
- Alors mettez-moi un Gargantua, s’il vous plaît, sans couverture.
- A gauche, troisième rangée.
- Et un Rimbaud, « Une saison en enfer », en pur fil.
- … Et avec ça ?
- Un café, l’addition !
- On dirait que t’as faim d’apprendre ! A l’occase, viens partager un tome ou deux, c’est moi qui régale !


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19 janvier 2013 6 19 /01 /janvier /2013 18:38






S’il y a des Profs qui n’ont plus de secrets pour moi, ce sont bien ceux de Pica et d’Erroc… Je me souviens avoir fait leur connaissance dans le Journal de Mickey, alors que je n’étais qu’une pauvre élève de l’école primaire qui, à ce titre, n’avait pas encore le privilège de pouvoir parler de « professeurs », se contentant d’un seul et unique « instituteur » avec tous les risques que ce monopole de l’instruction comportait. Je découvrais alors les aventures des Profs à raison d’une planche par semaine, et leur univers accessible mais imprévisible me fascinait. Pica et Erroc savent instiller un humour joyeux mais toujours relevé d’une pointe de méchanceté bon enfant, auxquels viennent parfois se mêler les stéréotypes de la culture scolaire de base : Socrate, Napoléon, Jules César…


Chacun des Profs se distingue par son caractère particulier, sans qu’il ne devienne forcément une caricatures de lui-même. Ainsi, même si on trouve des extrêmes tels que le professeur de chimie qui rêve de tout faire péter à base de cocktails Molotov, les autres professeurs ont des personnalités plus nuancées. Aussi banals que vous et moi en situation de vie courante, ils commencent seulement à révéler certaines de leurs caractéristiques lorsque les conditions l’exigent.


En relisant ce premier volume de la série, tous les souvenirs qui y étaient liés me sont réapparus –preuve qu’ils avaient laissé une trace tenace dans cette partie de mon cerveau consacrée aux lectures ! But du jeu : relire les deux premières cases de chaque planche pour laisser réapparaître la suite et la chute de l’histoire, et vérifier ensuite que ma mémoire n’est pas défectueuse. Surtout, redécouvrir de vieilles histoires aimées, même si elles ont aujourd’hui perdu du charme que j’y attachais lorsque j’étais plus jeune. Car évidement, même si maintenant je ne peux m’empêcher de voir certains défauts ou tartufferies dans cet album, reste le plus important : j’aime ces Profs car ils ont été parmi les premiers que j’ai décidé d’intégrer à mon monde imaginaire –et pour cela, ils devaient quand même bien avoir quelques qualités…

Citation:

- A POIL VIEILLE PEAU ! Je rentre dans la classe et qu’est-ce que je vois écris sur le tableau ?
- A poil vieille peau ?
- Parfaitement ! C’est scandaleux ! Cette génération de S.D.F. ne respecte plus rien, ni personne !
- Pourtant comme disait Socrate, c’est dans les vieilles peaux qu’on fait les meilleures soupes !





Blagueur avec les élèves...






...mais aussi avec les collègues :

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17 janvier 2013 4 17 /01 /janvier /2013 19:18






Les extra-terrestres ne mènent pas une vie facile… Sitôt on les évoque et hop ! une silhouette verte filiforme se dessine, sur laquelle se dresse une tête hydrocéphale dotée de deux yeux de mouche… Symbolique ultime, imagination nullissime. Mais au moins, on sait à quoi s’attendre.

Ainsi, lorsque l’on ouvre Personne ne me fera de mal, dont la couverture représente un de ces extravagants énergumènes spatial, on s’étonne tout d’abord de ne voir figurer que de piètres et banals êtres humains, ceci d’autant plus que l’humanité, telle que la conçoit Giacomo Monti, est bien triste. Moche au dessin, moche dans la conversation, moche dans les ambitions, et même moche dans son incapacité à se rendre compte de sa laideur, toute persuadée qu’il y a là une sorte de grâce à se nourrir de fange et à se maculer de sperme avarié.





Giacomo Monti s’amuse à représenter des existences désastreuses avec la haine puérile et impulsive d’un adolescent qu’on entend déjà dire : « Vous êtes tous des nazes, y a que moi qui suis bien ! » Lorsque de vieux célibataires se lamentent sur leur vie solitaire et égoïste, c’est à cause des bonnes femmes qui, tout le monde le sait bien, ne sont que des salopes dont la valeur est proportionnelle à la taille du bonnet. C’est bête et méchant. On sent que Giacomo Monti ne cherche rien d’autre qu’à susciter un semblant d’indignation chez son lecteur mais ses tentatives échouent à chaque fois et tombent complètement à côté de la plaque. Il suffirait que ses personnages retournent entre les bras de leur mère se prendre une bonne tétée de lait chaud pour qu’ils fondent à nouveau comme des guimauves, et que leur haine factice se transforme en amour halluciné à la Bisounours. D’ailleurs, on soupçonne Giacomo Monti de bien connaître l’univers de Winnie l’Ourson et consorts… Ses histoires sont aussi pathétiques et lorsque près de dix pages viennent nous raconter le désastre quasi-apocalyptique qu’a provoqué la découverte d’un petit chat mort sur un parking, on repense à nos propres émois d’enfants, quand, alors que nous n’avions que cinq ans, cet évènement nous semblait être le plus déchirant qui puisse nous arriver.







Personne ne me fera de mal ? A voir… En tant que lecteur, ce n’est pas l’envie de violenter ce vilain petit ouvrage qui manque… Mais voilà que dans les dernières pages de l’album, les extraterrestres font enfin leur apparition… On ne comprend rien à leurs manifestations, on ne sait même pas s’ils sont vraiment là ou non, à se dandiner comme s’ils en avaient toujours eu l’habitude sur la surface terrestre… Bon, leur arrivée ne change pas grand-chose. La vie des hommes est toujours aussi naze, aussi petite et aussi mesquine. Les extra-terrestres finissent par se casser. Ils ont bien raison. Ce sera peut-être le seul évènement qu’on approuvera dans cet album, parce que le seul auquel on s’identifiera spontanément, avec toute la superbe que provoque le sentiment de l’évidence.





Citation:
Un chat mort ! C’est moche !




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