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30 novembre 2012 5 30 /11 /novembre /2012 18:50






Les 500 anecdotes historiques de ce livre ne sont pas destinées à l’amour de l’histoire mais plutôt à l’amour de la connaissance -considérée comme une discipline soumise à des obligations de rentabilité, d’efficacité et de longévité. Ainsi, on découvrira avec surprise que l’ouvrage est réalisé par des « auteurs plus pédagogues qu’experts » (bien que « des spécialistes apportent toutefois leur caution scientifique au contenu ») afin que le lecteur médiocre puisse « mémoriser les notions de culture générale pour corriger ses lacunes ». Ou comment faire de ces anecdotes historiques un moyen pour l’individu d’augmenter sa capacité à se vendre sur le marché social et culturel… La connaissance n’est plus considérée comme un plaisir mais entrevue sous l’angle de la compétitivité (« Redonner à ses neurones une autonomie et de vraies capacités de mémorisation »), de la concision (« les bases nécessaires ») et de la culpabilisation (« Décomplexer le lecteur de ses lacunes »). Il est important de préciser tout ceci car on nous indique encore que la structure du livre a été élaborée afin de permettre au lecteur une assimilation optimale des anecdotes historiques dont il va se faire le « consommateur ».


Sans être originale, la présentation des informations est en effet claire, aérée et organisée. L’Histoire, comme toujours, est découpée en grandes périodes. Chacune d’entre elles est introduite par un quizz court de trois questions permettant de situer les prérequis du lecteur, suivi par un rappel des grands faits historiques qui la caractérisent, puis par un florilège de quelques grandes phrases prononcées par ses personnages marquants ou de citations relevées dans les textes les plus célèbres ou représentatifs de l’époque.
Avez-vous bien tout compris ? Avez-vous retenu quelque chose ou n’êtes-vous qu’une vieille outre percée ? La fin de chaque chapitre propose à nouveau un petit questionnaire de connaissances afin de permettre au lecteur d’évaluer ses acquisitions. Et ainsi de suite, on file de millénaires en siècles, puis de siècles en années –car le livre ne dépare pas au défaut majeur de la plupart des ouvrages de vulgarisation historique : le chronocentrisme. Ainsi, si la période de l’Antiquité, qui s’étend sur plusieurs dizaines de siècles, est résumée en seize pages, la période s’étendant de la Renaissance (16e siècle) à nos jours représente les trois quarts de l’ouvrage. On ne risque donc pas d’apprendre plus que ce que l’on ne savait déjà sur les périodes antiques et médiévales de l’histoire, mais on a de grandes chances de se voir rappeler ce que l’on savait déjà sur l’histoire de notre civilisation du siècle passé –car, bien sûr, on ne sortira pas non plus d’une vision occidentale de l’Histoire.


Puisqu’l s’agit, avant tout, de détenir des connaissances utiles, les 500 anecdotes historiques de cet ouvrage sembleront souvent remâchées. Parmi les phrases les plus connues, on retrouvera le fameux « Un petit pas pour l’homme, un grand pas pour l’humanité », des répliques de film (« Téléphone, maison »), des slogans utilisés à toutes les sauces (« Sous les pavés la plage ») ou des extraits de livres connus (« L’enfer, c’est les autres »). Chaque citation est replacée dans son contexte, ce qui permet bien souvent à des phrases aujourd’hui vidées de leur sens de se doter à nouveau d’un semblant d’âme. Même si la plupart de ces anecdotes apparaîtront davantage comme des rappels que comme de véritables découvertes, parmi le vaste florilège proposé des 500 anecdotes, il y aura forcément un peu de place pour l’étonnement et les joutes verbales de qualité :



« Un marchand du nom de maître Jean, fréquemment invité à la table du Roi Louis XI, lui demande un jour des lettres de noblesse que ce dernier lui accorde. Mais une fois anobli, Louis XI ne lui porte plus aucune attention. A maître Jean qui s’en étonne, le Roi répondit : « Monsieur le gentilhomme, quand je vous faisais manger avec moi, je vous regardais comme le premier de votre condition ; aujourd’hui que vous en êtes le dernier, je ferais injure aux autres si je vous honorais de la même faveur. » »




Ainsi, même si l’ouvrage n’a pas été élaboré dans l’intention première d’apprendre de nouvelles choses à son lecteur, il lui permettra quand même de faire une balade culturelle agréable à travers l’Histoire, reliant chaque période différente par cette caractéristique commune : l’importance du langage et de l’héritage culturel sur la façon dont l’homme façonne son monde.


Anecdote sur l'origine du terme de "lapalissade" :

Citation:

Lors du siège de Pavie en Italie par François Ier, le Seigneur Jacques de la Palice trouve la mort. En hommage, ses soldats lui dédient une chanson où figurent ces vers :
« Hélas, La Palice est mort. Est mort devant Pavie ; Hélas, s’il n’était pas mort, il ferait encore envie. »

La phrase a progressivement été déformée par : « Un quart d’heure avant sa mort, il était encore en vie » qui a donné naissance au terme des lapalissades.




Et les bonnes paroles de Mac-Mahon :

Citation:
On attribue au troisième Président de la République Française [Mac-Mahon] de nombreux bons mots.

« Je vous suis les yeux fermés ! » dit-il à une hôtesse qui l’accueille pour inaugurer une exposition de peinture.

« La fièvre typhoïde est une maladie terrible. Ou on en meurt ou en reste idiot. Et je sais de quoi je parle, je l’ai eue. »

En 1875, deux ans après son élection à la présidence de la République, la Garonne connaît une crue historique. Arrivé aux alentours de Toulouse et découvrant l’ampleur de l’inondation, Mac-Mahon a cette belle envolée :

« Que d’eau, que d’eau ! »



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29 novembre 2012 4 29 /11 /novembre /2012 18:28






Si le titre plaît, alors, le reste de l’ouvrage plaira. Il faut déjà se sentir profondément contradictoire pour se reconnaître dans la dénomination de ce recueil d’aphorismes, publié par Emil Cioran en 1973 à l’âge déjà bien avancé de 62 ans. Aura-t-il eu l’intuition sur le tard que sa naissance représentait un inconvénient majeur ? Ou possédait-il déjà cette intuition depuis longtemps, sans réussir à résoudre le paradoxe apparent qui découlait malgré tout de la poursuite de la vie ?


Pour peu que l’on se reconnaisse dans cette pensée, on sera gré à Emil Cioran d’avoir supporté l’inconvénient d’être né et d’avoir pris le temps d’affirmer la possibilité de vivre dans cette contradiction : être dégoûté d’une existence désavantageuse en tout point, mais ne pas trouver la motivation nécessaire pour l’interrompre. C’est dans la continuité du mouvement absurde qu’Emil Cioran s’affirme -non pas en mettant en scène des personnages livrés à leurs contradictions, comme le firent les dramaturges du théâtre de l’absurde, Ionesco et Beckett en tête- mais en se mettant en scène lui-même et en livrant l’intégralité de ses pensées sous forme d’aphorismes. On croirait presque un journal intime délivré sous une forme laconique et qui résumerait l’écoulement d’une journée à une sensation –souvent liée au dégoût, au désespoir ou à l’ironie- sans justification de fait.


« Le même sentiment d’inappartenance, de jeu inutile, où que j’aille : je feins de m’intéresser à ce qui ne m’importe guère, je me trémousse par automatisme ou par charité, sans jamais être dans le coup, sans jamais être quelque part. Ce qui m’attire est ailleurs, et cet ailleurs je ne sais ce qu’il est. »



Emil Cioran se crée donc un personnage et s’incarne dans le prototype de l’homme absurde qui a conscience de la vacuité de son existence. Hélas pour lui, malgré toute sa lucidité, malgré le malheur que lui inflige cette position ambivalente, l’homme absurde est un homme faible, au moins aussi ridiculement insignifiant que son existence, et pour cette raison même il n’arrive pas à quitter cette vie qu’il traîne comme un fardeau. Pire : le Cioran-absurde semble presque finir par tirer un plaisir indubitable de cette situation tragique, et il se livre à l’ultime paradoxe en écrivant ! L’homme persuadé de l’absurdité de tout acte ne trouve rien de mieux à faire, pour conjurer le mauvais sort, que de se livrer à l’acte le plus infécond qui soit : écrire ! Et ça le fait rire…


Ainsi, il est quand même une preuve qu’Emil Cioran a su tirer profit de sa conviction qu’il ne lui sert à rien de vivre : son détachement total vis-à-vis du sérieux qu’exigeraient habituellement les évènements fondateurs de l’existence. Puisqu’il sait qu’il n’est rien, Emil Cioran ne cherche pas à valoriser l’image qu’il renvoit à son lecteur. Il n’avance aucune certitude, préfère se laisser couler doucement dans un amalgame brouillon de sensations et de pensées qui interfèrent sans cesse pour se contredire. A l’égard d’un Nietzsche, il semblerait que la pensée d’Emil Cioran soit le résultat d’une mise à l’écoute d’un corps en souffrance –et donc d’une symbiose du physique et du psychique. Quoiqu’il en soit, le recul d’Emil Cioran se traduit par un rejet de la conception d’identité qui s’exprime sous la forme d’une ironie –cruelle en première apparence, en réalité salvatrice pour l’individu qui ne jure plus de rien. A condition d’accepter cette position et d’admettre que nous-mêmes, à l’égard de l’auteur, ne constituons pas des sujets dignes d’être pris au sérieux, les salves incessantes vouées à l’autodestruction prendrons la forme d’invitation à se livrer à une orgie de suicides organisés.


« Plus on vit, moins il semble utile d’avoir vécu. »



Au-delà même de l’individu qui, pris à part, ne rime à rien, Emil Cioran n’oublie pas de s’attaquer également à la civilisation. Revenant sur les débuts de l’Histoire, sur les courants philosophiques et religieux qui l’ont traversée, il s’acharne également à démontrer le vide qui sous-tend toute conception et met à jour la superficialité et la bassesse latentes de systèmes qui ont voulu se donner de grands noms.


Il serait dommage qu’en raison de la virulence d’Emil Cioran, on se détourne radicalement de L’inconvénient d’être né. Un homme qui s’amuse à tout détruire parce qu’il a conscience de représenter le néant doit-il être pris au sérieux ? Emil Cioran indique entre les lignes qu’il ne le croit pas, et s’il s’investit autant dans la cruauté, c’est pour donner une ultime leçon à ceux qui auraient encore pu être persuadés de l’importance de leur existence sur Terre. Lui-même ne croit sans doute qu’à moitié à ses admonestations au suicide et à l’autodestruction, mais il croit intégralement à la sensation de plaisir qui accompagne l’écriture de ces salves virulentes. Je pense qu’il faut lire Emil Cioran au second degré et s’amuser avec lui des idées perverses et dégénérées qui naissent dans l’esprit de l’homme-absurde. Peut-être, Emil Cioran s’exprimera-t-il véritablement en son nom –et non plus au nom de son « personnage » destiné à la provocation- dans l’avant-dernier aphorisme qui clôt son ouvrage :


« Nul plus que moi n’a aimé ce monde, et cependant me l’aurait-on offert sur un plateau, même enfant je me serais écrié : « Trop tard, trop tard ! » »



On suppose ainsi l’intentionnalité véritable d’un homme –déçu peut-être par les apprentissages qu’il aura tirés de l’existence ?- et qui n’aura su exprimer son attachement à la vie autrement qu’en la rejetant violemment.


Il faudrait citer tout le livre... Mais un florilège des pensées les plus absurdes -et les plus pertinentes !

Citation:

Depuis des années, sans café, sans alcool, sans tabac ! Par bonheur, l’anxiété est là, qui remplace utilement les excitants les plus forts.



Citation:
J’ai tous les défauts des autres et cependant tout ce qu’ils font me paraît inconcevable.



Citation:
Si l’on pouvait se voir avec les yeux des autres, on disparaîtrait sur-le-champ.




Sur l'influence du physique sur la pensée de Cioran, ces phrases ont attiré mon attention :

Citation:
La santé est un bien assurément ; mais à ceux qui la possèdent a été refusée la chance de s’en apercevoir, une santé consciente d’elle-même étant une santé compromise ou sur le point de l’être. Comme nul ne jouit de son absence d’infirmités, on peut parler sans exagération aucune d’une punition juste des bien-portants.



Citation:
« Il a souffert, donc il a compris. » C’est tout ce qu’on peut dire d’une victime de la maladie, de l’injustice ou de n’importe quelle variété d’infortune. La souffrance n’améliore personne (sauf ceux qui étaient déjà bons), elle est oubliée comme sont oubliées toutes choses, elle n’entre pas dans le « patrimoine de l’humanité », ni ne se conserve d’aucune manière, mais se perd comme tout se perd. Encore une fois, elle ne sert qu’à ouvrir les yeux.



Citation:
La conscience aiguë d’avoir un corps, c’est cela l’absence de santé.




Des ressemblances frappantes avec le théâtre de l'absurde :

Citation:
Nous n’avions rien à nous dire, et, tandis que je proférais des paroles oiseuses, je sentais que la terre coulait dans l’espace et que je dégringolais avec elle à une vitesse qui me donnait le tournis.



Citation:
Quand on revoit quelqu’un après de longues années, il faudrait s’asseoir l’un en face de l’autre et ne rien dire pendant des heures, afin qu’à la faveur du silence la consternation puisse se savourer d’elle-même.




« Ma vision de l’avenir est si précise que, si j’avais des enfants, je les étranglerais sur l’heure. »
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28 novembre 2012 3 28 /11 /novembre /2012 18:57







En matière d’additifs, il n’est pas de vérifications ou de confirmations superflues que l’on ne puisse exiger. Aucun ouvrage ne peut absolument faire référence en la matière, tant la législation, les expériences scientifiques et les controverses existant au sujet de ces substances sont variées. Pour se rapprocher au plus près d’une certaine forme de réalité, l’idéal est encore de cumuler les informations auprès de différentes sources… C’est la raison pour laquelle, après avoir lu le pourtant très satisfaisant « Guide des additifs alimentaires » de Lannoye et Denil, j’ai eu envie d’ouvrir cet ouvrage publié plus récemment, en 2008.


La première partie de ce guide est claire et indique de manière concise la législation dans le domaine. Encore une fois, on n’échappera pas au relevé des incohérences et des absurdités du système –passage obligatoire pour tout auteur et lecteur qui chercherait à exercer sa propre critique. Cependant, pour quiconque s’intéresse déjà au milieu, rien de neuf sous le soleil… Les additifs cherchent à dissimuler la piètre qualité des produits industriels et sont un atout de plus dans l’arsenal de séduction déployé par les grandes marques alimentaires.


S’ensuit l’inévitable liste des additifs alimentaires… La présentation est simple et offre en peu de lignes le maximum d’informations : nom courant de la substance, code législatif, dose journalière admissible, famille, liste d’utilisation… En outre, on nous indique si la substance est d’origine naturelle ou synthétique, si elle est autorisée dans l’agriculture biologique et si elle convient aux régimes musulmans, juifs et végétariens. Autre précision intéressante, l’auteure nous signale si la substance est interdite dans d’autres pays, et elle n’oublie pas, en contrepartie, de lister les additifs parfois autorisés à l’internationale mais que la France a préféré bannir.


L’ouvrage apporte également un éclairage intéressant sur les additifs employés dans l’industrie cosmétique –domaine souvent délaissé alors qu’il entre dans la vie quotidienne de manière aussi importante que l’alimentation. Ici encore, les substances employées pour emballer les produits d’usage courant ou pour fabriquer les produits vestimentaires, d’hygiène, de cosmétique ou d’entretien sont loin d’être à l’égard de tout soupçon… On relèvera toujours de belles surprises aptes à renouveler le regard las et ennuyé que nous aurions pu porter sur les éléments de notre vie quotidienne. Ainsi en sera-t-il pour le dentifrice :


« Le fluoride

C’est un dérivé du fluor. Il est soupçonné d’être cancérigène. Le Dr Epstein affirme que dans plusieurs études on a incriminé le fluoride dans le cancer des os. Le danger est multiplié si la saccharine est associée, ce qui est souvent le cas dans les dentifrices. »


Encore une fois, difficile pour le consommateur de vouloir se prémunir de tous les dangers potentiels signalés relevés dans ce livre, mais on s’éclairera peut-être sur certains faits croissants relevés au cours des décennies passées dans le domaine nosocomial. Cet ouvrage d’Hélène Barbier du Vimont constitue un bon guide qui s’applique à la fois aux domaines alimentaires et cosmétologiques pour une vision globale de notre dépendance aux additifs.


Le nombre d’additifs actuellement autorisés est très variable d’un pays à l’autre. Il en existe près de 3000 aux Etats-Unis ( !), 827 en Europe et 354 en France.



Le "naturel" ne veut pas dire grand-chose...

Citation:

Le qualificatif « naturel » recouvre une réalité plus rassurante et sympathique : il vaut mieux un extrait naturel de vanille que la vanilline synthétique, dont on sait qu’elle présente des risques. Mais ce n’est pas un critère valable à cent pour cent. Le colorant extrait de la cochenille, par exemple, est aujourd’hui l’objet de certaines critiques. Par ailleurs, un additif issu de produits naturels peut l’être à l’aide d’un solvant toxique. Enfin, les végétaux ou les produits animaux peuvent être génétiquement modifiés.




Et les produits frais ne sont plus exempts de suspicion non plus :

Citation:


[…] même les produits frais, naturels en eux-mêmes, matières premières de l’alimentation comme les fruits et légumes que l’on trouve notamment dans la grande distribution, ont perdu leur intégrité de départ. Sélectionnés et calibrés (quand ils ne sont pas aussi génétiquement modifiés), ils subissent divers ajouts parfois discutables : traitements de surface pour la conservation, colorants pour renforcer l’aspect, etc.




Une étude sur le lien entre additifs et hyperactivité chez l'enfant (les colorants de synthèse sont les premiers à être mis en cause) :

Citation:
Diverses études montrent que l’emploi d’additifs et de colorants alimentaires pourrait favoriser les comportements hyperactifs chez les enfants. Ainsi cette étude publiée dans les colonnes de la revue médicale The Lancet. Une équipe menée par Jim Stevenson (Université de Southamptom) a étudié les effets de ces additifs sur le comportement des enfants dans le cadre d’une étude en double aveugle avec contrôle placebo. Plus de 150 enfants de trois ans et 144 enfants de 8/9 ans ont participé à l’étude et ont consommé des boissons contenant soit du benzoate de sodium et un ou deux mélanges (A et B) d’additifs/colorants alimentaires, soit un placebo. Le comportement « hyperactif » était évalué d’après un score global calculé à partir des observations des enseignants et parents ainsi que par un test d’attention pratiqué chez les 8/9 ans […]

Si l’on considère les enfants qui avaient consommé plus de 85% des boissons et pour lesquels il n’existait pas de données manquantes, les scores « d’hyperactivité » étaient ainsi significativement plus élevés pour la boisson A que pour le placebo chez les enfants. Un résultat similaire était retrouvé pour la boisson A et B chez les 8/9 ans, détaillent les auteurs de l’étude. Ils soulignent aussi l’hétérogénéité des réponses individuelles aux additifs.
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25 novembre 2012 7 25 /11 /novembre /2012 15:35






Le Monsieur est un vieil homme solitaire… Il évolue à l’intérieur d’une sphère réduite à son plus strict minimum : sa domestique Louise le seconde dans les tâches de la vie courante ; il échange parfois quelques mots avec son voisin le Pâtissier, qu’il croise en sortant de l’immeuble ; enfin, il reçoit parfois la visite de son frère, ce qui constitue pour lui les rares occasions où il accepte de pointer son nez à l’extérieur de son appartement.


« […] la solitude a du bon et du mauvais, mais quand personne n’exige plus rien de vous, on a sa liberté. La liberté d’aller et venir, de penser et d’agir, de manger, de dormir à sa guise. »


Toutefois, le Monsieur n’est pas aussi esseulé qu’il veut bien le laisser croire… Même, il a beau affirmer chérir sa solitude, comme pour se persuader de l’impossible : en réalité, il ne la supporte pas. Tout seul devant son plateau de jeu d’échecs, il appelle véhément et réclame un partenaire de jeu : Louise, le pâtissier, son frère… n’importe qui fera l’affaire. C’est que le Monsieur est resté seul trop longtemps, dans une longue période qui a succédé à des années de bonheur avec sa femme, Gerda, et leur petite fille. Orage nous apprendra peu à peu les raisons qui ont interrompu ces belles années. Les comportements des personnages, à l’issue de ce premier drame rapporté, seront l’occasion de dresser un premier portrait peu flatteur de l’humanité. Mais ce ne sera pas le dernier…


La solitude du Monsieur ressort peut-être encore plus cruellement depuis que ses voisins de l’étage supérieur sont morts et que leur a succédé une famille mystérieuse qui ne s’éveille qu’à la tombée de la nuit pour s’emporter dans des ballets tapageurs –joyeux ou tragiques ? La vie intense qui semble animer ces nouveaux voisins impose un contraste cruel à la routine calme –sereine ou ennuyeuse ?- qui caractérise le quotidien du vieux Monsieur. Cette agitation, qui se traduit chez lui en un bruit de fond incessant, rappelle les premiers roulements de tonnerre de l’orage…


Cette pièce courte ne constitue sans doute pas le texte idéal par lequel aborder l’œuvre d’August Strindberg. Elle cumule de grandes qualités –profondeur psychologique des personnages, intérêt dramatique, qualité des personnages secondaires- mais elle est extrêmement brève et se termine si rapidement qu’elle laisse le lecteur dans un sentiment de frustration peu agréable… Mais il ne s’agit là, bien sûr, que d’un signe du talent que nous laisse apercevoir August Strindberg, et nous donne envie de nous précipiter bientôt sur un texte plus consistant de son œuvre…


Citation:
LE MONSIEUR. – Il y a bien longtemps que vous n’êtes pas venu dans cet appartement, monsieur Starck ?
LE PÂTISSIER. – Oui, il y a juste dix ans !
LE MONSIEUR. – Vous nous aviez apporté le gâteau de mariage… Rien de changé ?
LE PÂTISSIER. – Absolument rien… Le palmier a poussé, bien sûr, mais à part ça, rien de changé…
LE MONSIEUR. – Et rien ne changera, jusqu’à ce que vous apportiez le gâteau de l’enterrement. A partir d’un certain âge, plus rien ne change, tout se fige, on n’avance plus que comme un traîneau sur une pente…
LE PÂTISSIER. – C’est vrai !
LE MONSIEUR. – Et comme ça, on est bien tranquille… Pas d’amour, pas d’amis, un peu de compagnie seulement pour distraire la solitude ; et alors les hommes ne sont plus que des hommes, ils n’ont plus aucun droit, ni à vos sentiments ni à vos sympathies ; on se détache tout doucement, comme une vieille dent, et on tombe, sans douleurs, sans regrets.
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24 novembre 2012 6 24 /11 /novembre /2012 19:07






Dominique Loreau se coule dans la tendance de redécouverte de la sagesse extrême-orientale pour nous proposer ce livre, résultat d’une expérience de dépouillement matériel. Objectif : éliminer tous les objets de la vie courante qui nous « encombrent » pour ne conserver plus que ceux jugés nécessaires et suffisants –on peut toutefois se demander si les deux termes désignent des qualités similaires.
La deuxième partie du contrat représente déjà un arrangement avec la pure philosophie zen vantée en préface, et une introduction des privilèges de confort occidental ; après tout, quitte à louer le dépouillement des bonzes, pourquoi ne pas se débarrasser de toute possession ? Aucun objet n’est nécessaire (ni suffisant, aimerait-on dire, mais dans ce cas ça ne colle plus, preuve que les deux termes ne désignent pas la même qualité !).


D’ailleurs, si Dominique Loreau justifie son choix du nombre 99 comme symbolique d’un accessible raisonnable, d’autres nombres auraient pu satisfaire à cette exigence, surtout lorsque l’on voit avec quelle facilité l’auteure se détourne de cette limite. L’air de rien, elle affirme en toute innocence qu’un set de vaisselle japonaise, composé de bols, de ramequins, de plats et de baguettes, ne constitue qu’un seul objet, au même titre que la très astucieuse « pochette de sous-vêtements » ou que le très rusé « set chapeau, gant, écharpe ».


Toutes ces petites libertés prises avec l’enjeu annoncé en couverture de livre ne m’auraient pas vraiment dérangée si elles ne trahissaient pas une hypocrisie plus flagrante qui se confirme à la lecture de l’ouvrage –passé le seuil de la préface. Page après page, on découvre les objets sélectionnés et la justification du choix effectué par Dominique Loreau. On comprend que ce qui était au départ un postulat intéressant né de l’admiration pour la simplicité orientale n’est peut-être, finalement, qu’un argument marketing qui se pare de l’innocence que lui confère sa source d’inspiration. 99 objets nécessaires et suffisants apparaît peu à peu comme un catalogue publicitaire qui ne se contente même plus de vanter les mérites d’un produit de telle ou telle marque, mais qui louerait l’Objet élevé au rang de concept. On aboutit ainsi à ce paradoxe ironique : du postulat que l’on peut se contenter de 99 objets parce que rien de matériel ne nous est indispensable, on aboutit à l’affirmation que personne ne saurait vivre à la manière d’un être humain sans la possession de ces 99 objets.


Si la promesse de dépouillement matériel n’est pas respectée, en revanche, le dépouillement spirituel –qui lui, pourtant, n’était pas revendiqué- sera complètement honoré. Non seulement les 99 objets sélectionnés ne brillent pas par leur fantaisie –toutefois cela se comprend facilement- mais en plus les textes qui justifient leur sélection rivalisent d’insignifiance et d’ennui. Et encore… s’ils s’étaient contentés d’être insignifiants, ils auraient éventuellement pu convenir aux ambitions d’un manuel voué au minimalisme… mais non, ils sont pires que ça : ils sont racoleurs ! De page en page, on découvre, horrifié, une litanie de considérations creuses, propos de comptoirs de ménagères satisfaites et sûres d’elles, affirmés comme autant d’éclairs de génie qui avoisinent la grâce de l’illumination –alors qu’on frôle pourtant le ras-du-sol en matière d’argumentation et d’originalité.
Le dérivé de philosophie zen devient bientôt manuel de mode, et on se voit asséné des conseils vestimentaires dont on se serait bien passés : « Plus vous le voulez habillé, plus vous devez choisir votre chemisier dans un tissu fin comme le coton égyptien ou le coton des mers d’Islande ». Ces banalités pètent plus haut que leur cul et cherchent parfois à se donner des atours de méditations spirituelles : « […] toujours porter sur soi, que ce soit un mouchoir, un col ou des chaussettes, quelque chose d’impeccablement blanc afin de ne jamais oublier l’importance de la propreté, celle des apparences comme celle du cœur ». Les femmes, bien sûr, sont les premières concernées –tout le monde le sait, ces vilaines ont la fâcheuse manie de prendre un peu trop leurs aises dans la salle de bain, ainsi que nous le rappelle agréablement Dominique Loireau : « Chaque femme devrait avoir son propre vanity, surtout si elle ne vit pas seule : en plus d’être son jardin secret, il lui permet de ne pas « squatter » la salle de bain pendant des heures » ; mais elles ont aussi leurs petites habitudes charmantes : « J’ai toujours adoré, comme beaucoup de femmes, la jolie vaisselle »… Transparaissent parfois de vrais élans de sincérité, qui nous font en revanche douter de l’intégrité de l’engagement de l’auteure dans sa propre démarche : « Ce n’est pas au nom du minimalisme qu’il faut se priver de tout, surtout de ce qui rend, en échange de si peu d’espace, tant de services » (à propos d’un robot de cuisine).





Finalement, l’expérience des 99 objets nécessaires et suffisants n’aura pas permis à Dominique Loireau de s’éloigner du paradigme occidental. Bien au contraire, elle semble y rester fermement ligotée. De l’abondance matérielle, elle passe aux affres de l’engouement incontrôlable –à la manière de la fièvre acheteuse mais dans son mouvement opposé- et se conclut dans un bel étalage très bavard et prétentieux. Il s’agit là d’une réinterprétation de la simplicité zen toute personnelle et réduite à son aspect le plus matérialiste des choses.

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23 novembre 2012 5 23 /11 /novembre /2012 13:05





Il suffit parfois de sortir le nez de chez soi pour se retrouver empêtré dans des aventures qui dépassent le commun des mortels…C’est ce qui s’est produit pour le narrateur de la Carte au trésor. Interpellé par une de ses anciennes connaissances, un prénommé Make, le cours de sa journée est interrompu par la demande pressante de ce dernier de lui offrir un déjeuner et de le partager en sa compagnie. La raison invoquée pour justifier cette demande déplacée est simple : Make est sans le sous tandis que notre narrateur a réussi à se forger une position confortable au sein de la société. De plus, tous deux se connaissent de longue date ; issus d’une même souche paysanne, Make détient des informations qui pourraient compromettre l’honneur d’un ancien « paysan moyen-pauvre ». Ce qui pourrait ici apparaître comme menaces proférées par un individu malveillant prennent dans le livre la forme de réparties cinglantes et joyeuses, proférées par un individu qui aime jouer avec les mots et les légendes, et qui ne se laisse pas duper par les masques de la civilisation et de la dignité bourgeoises. D’ailleurs, notre narrateur veut se donner les apparences d’un homme occupé et pressé : pourtant, il suffit de quelques imprécations pour qu’il accepte finalement d’offrir un repas à son ancien ami. Le temps passant au cours du déjeuner, son intérêt pour les évènements se formant autour de lui ira croissant tandis que son attachement aux exigences immédiates de la vie quotidienne suivra le mouvement inverse, comme pour signifier la vacuité essentielle d’une vie de citadin affairé.


Pas difficile de comprendre ce déplacement des priorités du narrateur… Agacé comme lui au début par les sollicitations pressantes de Make, on s’avance également à reculons jusqu’au restaurant de raviolis dans lequel ils choisissent finalement de déjeuner. On s’installe là, dans une ambiance peu accueillante, un peu à contrecœur… Il semble que rien d’intéressant ne va se passer, on a presque hâte d’en finir et de sortir de ce boui-boui malfamé… Et puis, finalement, on se laisse prendre au jeu…


Make est un gouailleur incessant mais derrière les piques qu’il lance à tout va, se dessine peu à peu un esprit détaché de toute convention, libre malgré l’apparente dépendance matérielle qu’il est obligée de lier avec notre narrateur. Une certaine richesse finit même par apparaître –richesse essentiellement culturelle et historique-, qui relie Make à un passé fait de légendes et de personnages multiples, dont l’existence sera corroborée ou élargie par les propriétaires du restaurant de raviolis, deux vieux dont la somme des âges avoisine le chiffre de 300. S’il fallait résumer l’état d’esprit qui caractérise Make, on pourrait utiliser le terme de « hutu » tel qu’il l’emploie en référence à Zheng Banqiuao : « N’est pas hutu qui veut. Il est difficile d’être intelligent, plus difficile d’être hutu, plus difficile encore de passer d’intelligent à hutu. Lâcher prise, se retirer, immédiatement apporte paix et plénitude, et cela bien mieux que les louanges et les distinctions. »


Alors que dans la situation initiale, le narrateur détenait la place de l’offrant, on comprend peu à peu que les rôles s’inversent et que Make échange, contre le prix d’un plat de raviolis, un voyage vers les racines essentielles que le narrateur a abandonnées pour se fondre dans la masse bourgeoise de la vie citadine. La conversation des deux personnages s’entrecoupe d’anecdotes distillées par Make à la manière de contes ou de légendes fantastiques, jamais dénuées de sens, aux morales toujours surprenantes et pas forcément décentes.


« Vois-tu, depuis toutes ces années il y a seulement un type de la province du Shandong qui ait réussi à obtenir cette moustache de tigre […]. Ce type du Shadong comme il s’en retournait chez lui l’avait pour la transporter enfermée dans une bouteille de verre. Arrivé devant la porte il al fit glisser hors de la bouteille, se la colla entre les lèvres et rentra dans la cour où il vit un vieux clébard en train de laper une casserole, c’est à cela qu’il sut que sa mère était la transmutation d’une chienne. Ensuite il vit s’avancer un cheval avec une pioche sur le dos, dans lequel il reconnut son père. Il avait suffi d’un instant et il avait percé à jour les vanités de ce monde, il cracha la moustache et déclara, mère, tu n’es qu’une chienne, père, tu n’es qu’un cheval ; les parents prirent la mouche. Le couple courut à la ville dénoncer le manque de piété filiale dont faisait preuve le fils. Quand les gendarmes de la préfecture vinrent le chercher pour l’emmener et le soumettre à un interrogatoire, ils le trouvèrent mort, pendu à une poutre. Avant de mourir, il avait laissé ce poème : « Mère est un vieux chien, vieux père un cheval, chacals loups mâtins tiennent le tribunal. En suçant ce rien, la moustache follette, j’ai compris enfin comme le monde est bête. » »


En utilisant le comique et la dérision, d’apparence bien inoffensives, en se faisant passer pour le « hutu » de service, Make et ses contes infligent au narrateur une leçon d’humilité qui le conduira jusqu’à la perspective de cette fameuse Carte au trésor qui donne son nom au livre. On termine cette lecture de peu de pages (à peine plus d’une centaine) avec étonnement et plaisir -avec l’impression, également, d’avoir reçu une belle leçon de la part de Mo Yan. Comme le narrateur de son histoire, on a pu s’engager dans la lecture de la Carte au trésor avec un peu de réticence, les pensées encore toutes engourdies de nos préoccupations quotidiennes…mais de contes en merveilles, on se laisse toucher par la grâce d’une certaine sagesse désaliéante. Il ne nous reste plus qu’une envie : devenir au moins aussi hutu que Make.


Pas dupe le Make :

Citation:
« Vous les gens de la ville tous autant que vous êtes, vous êtes des petits habiles, c’est-à-dire que vous êtes adroits mais sans intelligence, vous êtes intelligents mais sans clairvoyance, vous êtes clairvoyants mais sans sagesse, vous êtes sages mais votre pensée n’a pas d’altitude, votre pensée saurait prendre de l’altitude que vous ne sauriez toujours pas faire les imbéciles, alors que nous, nous qui comprenons les choses, savons faire les imbéciles. »




Pour le bon goût !

Citation:
« Les raviolis à la viande de renard eux sentent légèrement la pisse, mais il y a des gens qui aiment ça, le goût de déjection, comme par exemple dans notre bonne ville cette secrétaire du parti qui aimait tant le gros intestin de porc, au début pour lui plaire ces lèche-culs ont lavé la chose trois fois à l’ammoniac puis trois fois à l’eau salée avant de la rincer trois fois dans de l’eau de source de sorte que l’odeur de cul avait complètement disparu et que la secrétaire du parti brisa le plat de rage en les traitant de tous les noms : bande d’abrutis, fils de chienne, où est passée mon odeur de cul ? »


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21 novembre 2012 3 21 /11 /novembre /2012 19:15






En littérature, les voyages dans l’espace permettent parfois d’agréables dépaysements… Lorsque ceux-ci se conjuguent au voyage dans le temps, l’exotisme devient absolu…


Floire et Blanchefleur est un conte écrit par un clerc du XIIe siècle. Considéré comme un des récits fondateurs de la fiction sentimentale, il a connu, au Moyen Âge, un succès qui s’est peu à peu tari au fil des siècles. Il ne tient qu’au lecteur contemporain de le redécouvrir avec plaisir… Peut-être avec un brin de tendresse condescendante au début ? Il faut dire que l’histoire s’ouvre de manière très conventionnelle et donne l’impression de lire un conte pour enfants. On retrouve tous les éléments typiques de ce type de fiction avec retour sur la généalogie des personnages principaux, description de leur enfance, de leur croissance et de leur environnement familial. Cela semble très (trop ?) classique, mais seulement parce que la trame narrative -sans doute du fait de son efficacité-, a été réutilisée à outrance par la suite. Deux pages plus tard, les a priori se dissipent déjà… Derrière une apparence de classicisme qui ne saurait plus étonner les lecteurs endurcis que nous sommes, les premières impressions d’un charme baroque apparaissent. Si les descriptions peuvent paraître manichéennes, avec d’un côté les méchants et leur cruauté exacerbée, et de l’autre les gentils et leur bonté hors du commun, les situations qui leur sont attribuées le sont tout autant : d’un côté on tranche des têtes à tout va et pour le moindre propos, de l’autre on se pâme dans des jardins luxuriants qui s’apparentent en tout point, dans leur faune et leur flore foisonnante, au paradis perdu d’un monde innocent.


« Le jardin est toujours en fleurs, toujours y retentit le concert des oiseaux. Il n’est au monde d’essence précieuse, ébène, platane ou alisier, ni d’arbre greffé, doux figuier, pêcher ou poirier, ni noyer ni aucun autre arbre fruitier dont ce parc ne soit abondamment pourvu. On y trouve du poivre, de la cannelle, du galanga, de l’encens, du girofle, de la zédoaire, et bien d’autres épices aux très douces senteurs. Il n’y en a pas tant, que je sache, dans l’Orient et l’Occident réunis ! Celui qui, dans ce jardin, respire le parfum des épices et des fleurs et entend le ramage des oiseaux et le chant modulé des cigales, il doit, dans ce concert harmonieux, se croire au Paradis. »



Le voyage dans le temps se fera non seulement par rapport à la chronologie, mais aussi par rapport à la nouveauté émerveillée que semble connaître l’amour qui lie Floire et Blanchefleur. La passion y est décrite simplement et ses seuls obstacles sont extérieurs. Le motif est classique : une discordance des conditions sociales empêchera les deux enfants amoureux de s’épouser, et pour éviter que Floire ne soit trop malheureux, on envoie Blanchefleur dans les pays lointains, espérant que l’éloignement lui permettra de l’oublier. Mais ce n’est pas le cas et Floire s’engage dans une aventure qui devra le conduire à retrouver sa dulcinée. Cette quête sera l’occasion de découvertes surprenantes. On mise peu sur la psychologie des personnages, mais davantage sur la trame dramatique et la succession des rebondissements.





Finalement, Floire et Blanchefleur s’avère beaucoup plus dépaysant que prévu… La lecture le sera encore plus si on jette un coup d’œil au texte original, représenté en miroir à la traduction en français moderne. Les annotations des traducteurs permettent de s’approprier certaines subtilités de traduction et de découvrir les variantes d’un même extrait. La publication de ce texte aux éditions Champion Classique présente donc un intérêt indéniable pour les curieux de langue ancienne qui trouveront, autour du conte, de nombreuses explications, un glossaire des termes médiévaux et une liste des références employées dans le texte. Doté de tous ces outils supplémentaires, la valise du voyageur temporel est fin prête pour embarquer vers des contrées littéraires anciennes et baroques.


Le Moyen Âge n'est pas seulement généreux avec Rabelais. Ici aussi, les festins sont copieux et ravissants :
Citation:


« Ce fut là un grand et joyeux festin ! Le service y fut parfait. Les sommeliers apportèrent du vin aux aromates, tous les hanaps étaient d’or pur : dans de précieuses coupes d’or fin ciselés, on servait à profusion à travers le palais vin et clairet. Tous les valets s’enivrent. Vous ne sauriez imaginer un plat que vous n’auriez pu voir servir en cette occasion : grues, oies sauvages, hérons, outardes, cygnes et paons, feuilletés, oublies, ragoûts de gibier et pâtés fourrés de petits oiseaux vivants : quand on brisait les pâtés, les oiseaux se dispersaient en voletant ; alors vous auriez vu faucons, autours et émerillons, et de nuées d’émouchets se mettre à poursuivre les petits oiseaux ! Vous auriez pu entendre les instruments, les airs de vielle et les chœurs ! A ce festin, la plupart des convives s’amusaient comme des fous. »



Citation:
« Les hôtes, Daire et Licoris, ont fait asseoir Floire entre eux. Ils se font servir somptueusement, dans de belles coupes d’or et d’argent, du vin pur, des boissons aux aromates et aux épices et toute sorte de décoctions et de liqueurs.
On leur apporte à profusion de bons plats de volailles et de gibier, et ils peuvent se régaler à loisir des meilleurs morceaux de cerf et de sanglier, de grues, d’oies sauvages, de hérons, de perdrix, d’outardes et de plongeons. Il y en a eu plus qu’assez pour tout le monde
Une fois qu’ils furent rassasiés, Daire fit alors apporter en musique les fruits, grenades, figues et poires –comme la boisson allait bien avec !-, pêches, quantité de châtaignes, car ils en ont en abondance dans ce pays. Ils mangent de ces fruits succulents, ils boivent de ces délicieux breuvages et se laissent gagner par l’euphorie et par la joie. »
 
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20 novembre 2012 2 20 /11 /novembre /2012 19:04






Notre alimentation quotidienne devrait être une source d’émerveillement sans cesse renouvelée… Prenez un repas de cantine ordinaire : carottes râpées et vinaigrette, steak haché, pommes de terre, yaourt aux fruits et tarte aux pommes. D’aucuns considéreront là qu’il n’y a rien d’exceptionnel, et pourtant, à partir du moment où on décide de se pencher plus attentivement sur la composition intégrale de chacun des mets de ce plat, tout un univers inconnu jusqu’alors apparaît au grand jour. Ces ressources insoupçonnées sont celles des additifs alimentaires.


Les normes et réglementations en vigueur dans ce domaine changent très souvent. Cette deuxième édition du Guide des additifs alimentaires, publiée en 2004, comporte sans doute quelques obsolescences mais dans l’ensemble, le constat n’a pas changé : aucun aliment que nous n’ingurgitons n’est épargné par les additifs alimentaires. Alimentation traditionnelle ou alimentation biologique, seule la longueur de la liste des additifs autorisés change, mais dans l’une comme dans l’autre, leur emploi semble nécessaire. Aucun aliment n’est également épargné : des matières premières brutes -stimulées aux antibiotiques ou préservées grâce aux insecticides et pesticides-, aux produits élaborés –embellis à l’aide de colorants, sucrés à l’aide d’édulcorants, liés à l’aide d’émulsifiants et préservés à l’aide de conservateurs-, les aliments qui seraient miraculeusement préservés de l’adjonction d’additifs alimentaires (en reste-t-il encore ?) feraient figure d’exception.


Pas de catastrophisme : tous les additifs alimentaires ne sont pas nocifs ni néfastes. Certains sont même indispensables et garantissent au consommateur sécurité alimentaire et plaisir de la consommation. Après tout, le sucre qu’on ajoute au yaourt nature ne constitue-t-il pas, lui aussi, une certaine forme d’additif alimentaire ? Là où il est important de veiller, c’est lorsque la liste d’ingrédients d’un produit finit par se transformer en une longue énumération de « E » pas forcément indispensables… Le Guide des additifs alimentaires nous permettra de discerner le bon grain de l’ivraie. Classant les additifs en différentes catégories –colorants, édulcorants et autres additifs, additifs destinés à l’alimentation des animaux de consommation-, il livre, pour chacun d’entre eux, son emploi dans l’alimentation, les conséquences éventuelles de leur absorption observées lors d’essais en laboratoire, et le type d’aliments ou de produits dans lesquels on le retrouve le plus souvent. Ainsi, si certains additifs n’éveillent pas le doute, d’autres méritent un peu plus de vigilance lorsqu’ils ne devraient tout simplement pas être bannis de l’alimentation. Pour représenter ces différents niveaux d’attention du consommateur, le Guide utilise une nomenclature claire représentée par trois niveaux de vigilance : vert pour les additifs sans danger, orange pour les additifs dont il faut se méfier, et rouge pour les additifs dont l’utilisation devrait être interdite. Et c’est l’emploi de ce dernier verbe au conditionnel qui symbolise toute l’incohérence du système de réglementation en vigueur…


Le gouvernement, les entreprises et les laboratoires savent que certains additifs sont dangereux pour l’organisme, mais plutôt que d’en interdire l’utilisation, on continue à les employer dans des produits de consommation courante. Les informations circulent : le consommateur est censé être prévenu, et ceci partant, on juge qu’il relève de sa responsabilité de faire les choix adéquats. S’il est légitime d’accorder la présomption d’innocence aux êtres humains, il l’est beaucoup moins d’accorder la même grâce aux additifs alimentaires : on manque de recul pour un grand nombre d’entre eux, mais plutôt que de s’abstenir de les utiliser, on continue à les incorporer couramment dans l’alimentation humaine et animale. Un autre abus découle de la concision de l’étiquetage des produits :


« […] lorsque la présence d’un additif dans l’aliment provient de son utilisation dans un des ingrédients entrant dans la composition de cet aliment, cet additif ne doit pas être repris sur l’emballage. Ainsi, la substance utilisée pour conserver une huile entrant dans la composition d’une pizza ne devra pas figurer sur l’emballage de celle-ci, alors que l’additif ajouté pour conserver la pizza devra être mentionné. »



Avec d’autres exemples, le Guide des additifs élémentaires nous permettra de porter un regard critique sur la législation en vigueur. Il permet également au consommateur de s’exercer à analyser certains produits de consommation courante en fournissant, en dernière partie de l’ouvrage, des exemples d’étiquetage. Devant les rayons surchargés des magasins, comment effectuer son choix entre plusieurs marques de yaourts, de crèmes glacées, de conserves de poissons ou de sodas ? Avec un peu de vigilance, il est possible de faire les choix les moins risqués en fonction de la tolérance au risque que chaque consommateur acceptera de se fixer.





En attendant de disposer d’une édition plus récente concernant les additifs alimentaires, ce Guide me semble très utile. Outre son rôle informatif, on peut également lui attribuer un rôle socialisant (voyez quelle liesse déclenchera la lecture de cet ouvrage à table au moment du repas) et un rôle distrayant indubitable –ainsi, certaines perles d’absurdités, relevées au gré de la lecture, vous fourniront votre dose de dépaysement pour la journée. Un exemple pour terminer en beauté ?


« E491 Monostéarate de sorbitane
E492 Tristéarate de sorbitane
E493 Monolaurate de sorbitane
E494 Monooléate de sorbitane
E 495 Monopalmitate de sorbitane
[…]
Lors d’essais sur animaux, à forte dose (à partir de 25% dans l’alimentation) des lésions d’organes, diarrhées et pierres à la vessie ont été constatées. La dose journalière admissible peut être dépassée par la consommation de 150g de pâtisserie fine ou de 300g de desserts ou confiseries.
Autorisés pour de nombreux aliments. »




D'autres limites relevées par les auteurs de ce guide :

Citation:

En consultant la liste des additifs qui suit, vous constaterez que très peu d’additifs sont autorisés pour les aliments destinés aux nourrissons (enfants de moins de 12 mois) et enfants en bas âge (enfants âgés de 1 à 3 ans). Or, la majorité des enfants en bas âge mangent comme « tout le monde » et absorbent donc régulièrement des additifs autres que ceux autorisés pour leur catégorie d’âge. Leur innocuité pour les enfants n’est, par conséquent, pas établie !




Concernant l'utilisation des additifs dans l'alimentation des animaux d'élevage (notamment les antibiotiques) :


Citation:
Cependant, un autre facteur intervient dans cette pratique : c’est la propriété des antibiotiques, utilisés à faible dose, d’améliorer la conversion alimentaire et donc d’accélérer la croissance. Ainsi, un poulet de chair « industriel » peut-il atteindre en 7 semaines, essentiellement grâce au dopage médicamenteux, un poids de 2,3kg, devenant ainsi « propre » à la consommation. Son congénère « naturel » dépasse péniblement le kg au bout de la même période ; ce n’est qu’après 12 semaines qu’il atteindra 2,2kg…




Et des "perles", entre absurdité et horreur :

Citation:
E280 Acide propionique
[…]
Additif très mal perçu en Allemagne (où il était interdit depuis 1988 pour être autorisé à nouveau en 1996 en raison de l’harmonisation des législations européennes) étant donné que, selon certaines sources, il provoquerait, chez le rat, des modifications du pré-estomac ressemblant à des modifications cancéreuses. On ignore cependant ce que cela signifie pour l’homme étant donné qu’il ne possède pas de pré-estomac. Dans la littérature originaire d’autres pays européens, cette substance est considérée comme inoffensive.
Autorisé pour le pain en tranches et la pâtisserie préemballés, le pain partiellement cuit et le traitement en surface des fromages et succédanés de fromage.




Citation:
E907 Poly-1-Décène-Hydrogéné
Agent d’enrobage d’origine pétrochimique.
Les études scientifiques ont conclu à l’innocuité de cette substance. On peut cependant s’interroger sur la pertinence de l’introduction de substances d’origine pétrochimique dans l’alimentation humaine.
Autorisé comme agent d’enrobage pour les confiseries et les fruits séchés.




Il y en aurait encore bien d'autres...
Et un récapitulatif de poche :


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19 novembre 2012 1 19 /11 /novembre /2012 20:08






Un voyage extravagant ? Oui, un peu, mais il ne le serait peut-être pas si le personnage qui l’effectuait n’était pas le jeune et prodigieux T. S. Spivet…


Issu de la région montagneuse et sauvage du Montana, à l’Ouest des Etats-Unis, T. S. Spivet, à peine âgé de douze ans, décide d’entreprendre la traversée du territoire pour rejoindre Washington D.C. Son voyage n’est pas motivé par l’envie de découvrir du pays –l’environnement du Montana suffit amplement à l’émerveiller- ou à se forger une expérience au contact d’évènements imprévus et déroutants –il n’a pas besoin d’autant pour s’étonner de ce qui constitue sa vie quotidienne- ; mais, convoqué par les organisateurs du prestigieux prix Baird pour tenir un discours sur des notions scientifiques qui le passionnent, il espère entrer en contact avec d’éminentes personnalités du milieu et se forger un nom dans son domaine de prédilection. Espère-t-il ainsi suivre la voie ouverte par sa mère, le Dr Clair ? Elle-même femme de science à tendances misanthropes, observatrice assidue d’insectes, elle s’inscrit dans une lignée de femmes intellectuelles qui feront l’objet d’un récit entrepris par T. S. Spivet dans le wagon de train qui l’entraînera jusqu’à Washington D.C.


Le reste de la famille mérite également le détour : entre une sœur passionnée d’émissions de télé-réalité, un frère avec qui les hostilités amicales ont été ouvertes depuis longtemps et un père grinche à l’accent et aux mœurs typiques du cow-boy dégénéré, les sources d’inspiration cartographiques de T. S. Spivet ne manquent pas. Autour de la progression du récit principal –le voyage menant notre scientifique en herbe jusqu’à la capitale des Etats-Unis- on se régale des anecdotes familiales et des extraits de dialogues qui emplissent les marges.






Là se situe une des particularités typographiques de L’extravagant voyage : non content de nous ébouriffer par l’évocation de son parcours des Etats-Unis en tant que jeune hobo, T. S. Spivet multiplie les renvois dans les marges de son récit. Une phrase déclenche en lui un souvenir ou une réflexion, qu’il illustre ou qu’il fait partager au lecteur dans des développements parallèles. Loin de briser la construction du récit, ces annotations renforcent au contraire la narration. Elles rapprochent T. S. Spivet du lecteur et le font paraître plus réel. Elles renforcent surtout le portrait d’un enfant à l’esprit bouillonnant dont les neurones semblent ne jamais pouvoir entrer en repos. D’ailleurs, s’il pouvait cesser de dormir, quel gain de temps cela lui procurerait-il !


« Dormir avec un œil ouvert ? Quelle idée de génie ! Je continuais à penser que les dauphins étaient plus intelligents que nous et attendaient simplement que nous nous soyons autodétruits pour prendre le contrôle du monde. »


T. S. Spivet est prodigieux, et son voyage est extravagant car l’auteur de son récit, Reif Larsen, est tout aussi prodigieux et extravagant que son œuvre. Il semble s’être investi à l’élaboration de son récit jusque dans les détails les plus précis des anecdotes scientifiques --abondantes et passionnantes- qu’il délivre à son lecteur, avec un engouement à l’égal de celui du jeune T. S. Spivet lorsqu’il réalise ses cartes –manière de s’approprier un monde impressionnant et parfois hostile. Les voyages, l’un réel et les autres imaginaires, s’entrecroisent et se combinent dans la création d’un univers détonnant. On pourrait essayer de cartographier ce livre, mais cela prendrait sans doute énormément de temps !


Pour une cartographie de la solitude :


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17 novembre 2012 6 17 /11 /novembre /2012 18:34






Alors, fiction ou délire complet ? Un peu des deux, peut-être ? Pour Philip Roth, pas de doute qui tienne : son Grand Roman Américain décrit avec rigueur la véritable histoire des Etats-Unis au cours de la deuxième partie du 20e siècle. Mais Philip Roth est un gouailleur à l’esprit enjoué ; lequel de ses lecteurs ne le saurait pas ? Difficile de savoir quelle part de sincérité il investit dans ses propos lorsqu’il jure avoir retracé dans son livre les évènements qui ont fait des Etats-Unis ce qu’ils sont aujourd’hui. Les existences qu’il décrit à travers ses joueurs de base-ball et les autres individus qui participent de près ou de loin au maintien de cette sphère paraissent toutes crédibles, bien qu’elles frôlent souvent les limites du vraisemblable. Mais lorsque Philip Roth nous présente, à la fin de son roman, les conséquences générées au niveau international de l’entrecoupement de ces différentes existences, on ne peut que rester sceptique…Mais reprenons depuis le début.


Le Grand roman Américain dresse une fresque de quelques années décisives vécues par une équipe professionnelle de base-ball au cours de la Seconde Guerre Mondiale. Philip Roth s’acharne comme jamais dans le détail, qu’il s’agisse soit de décrire une partie de base-ball, soit de revenir sur l’existence de chaque membre de l’équipe. Si vous maîtrisez déjà les règles du jeu de ce sport typiquement américain, peut-être apprécierez-vous les descriptions (trop) nombreuses que Philip Roth semble avoir pris grand plaisir à décrire… Sinon, vous lirez ces passages comme des archives de comptabilité : sans rien y comprendre, mais sans que cela ne nuise à la compréhension du reste. La description des membres de l’équipe est tout aussi rigoureuse et passe à travers une mécanique qui a dû sembler indispensable à Philip Roth : l’énumération, joueur par joueur, de leurs caractéristiques accompagnées d’une biographie succincte. De quoi nous donner un bref aperçu des idées démentes qui peuvent surgir de l’esprit de Philip Roth, mais pas davantage. C’est ici que la faiblesse du Grand Roman Américain se fait le plus ressentir : son format n’est pas adapté à la fulgurance habituelle de l’auteur qui, davantage que dans la représentation de grandes fresques, se manifeste le mieux lorsqu’il s’attache à décrire les détails les plus intimes d’une existence individuelle. Ici, on passe sans cesse d’un personnage à un autre sans se laisser le temps de l’attention et de l’attachement. On rit de certains passages saugrenus, des répliques de dialogues bien trouvées, mais il est difficile de ne pas rester éloigné des évènements décrits. Si, dans les premières pages, on s’accordait le droit de sauter les passages incompréhensibles des descriptions de partie de base-ball, la lecture avançant, il sera de plus en plus difficile de ne pas appliquer ce même comportement au reste du livre. Malheureux à dire, mais l’impression se confirme au fil des pages : le plaisir n’est pas là.


Rendons grâce tout de même au Prologue et à l’Epilogue du Grand Roman Américain. Ici, Philip Roth s’exprime en son nom. On le retrouve enfin, tel qu’il nous avait habitués à le connaître dans la plupart de ses autres romans. Dans ses propos iconoclastes, illogiques, imaginatifs, imbus, immenses, imprévisibles, incohérents, inimitables, irrationnels –le plaisir des allitérations n’est plus à trouver- on s’écrierait presque de joie : « Enfin ! Te revoilà ! »


Philip Roth a voulu s’essayer à un processus d’écriture qui lui ressemble peu, en prenant du recul et en décrivant une situation globale plutôt qu’en prenant appui dans la conscience d’un seul personnage. Il a eu raison de prendre le risque de se lancer ce défi, mais qu’il prenne mesure du résultat : décevant. Là où son humour noir et son esprit critique s’emparent habituellement des moindres détails, Le Grand Roman se fait avare, traversé parfois de quelques truculences, mais bien maigres par rapport à ce dont Philip Roth peut être capable.


Il n’empêche… Vrai ou faux ? Caricature ou réalité ? Même s’il ne parvient pas à subjuguer, Philip Roth détient toutefois assez de talent pour mettre en doute son lecteur. La conclusion à laquelle il parvient est hénaurme, mais après nous avoir infligé une démonstration implacable de l’imbriquement du base-ball avec la vie de n’importe quel américain lambda, elle ne semble pas si invraisemblable que ça…


Si la raison est séduite par Le Grand Roman Américain, le cœur l’est, malheureusement, beaucoup moins…


Dans le prologue, un développement sublime sur l'engouement simple et innocent des enfants pour le pet :

Citation:

« Les gosses adorent les pets, n’est-ce pas ? Même aujourd’hui, avec toute cette drogue, ce sexe et cette violence dont parle la télé, ils s’amusent encore, comme nous autrefois, d’un pet. Peut-être bien que le monde n’a pas tellement changé après tout. Ce serait bien de penser qu’il existe encore quelques vérités éternelles. »




Dans le livre, une explication convaincante de la pertinence du choix du base-ball comme représentatif des moeurs des habitants des Etats-Unis :

Citation:
« Qu’est-ce qui soude cette nation, Roland ? La bannière étoilée ? Est-ce d’elle que parlent les hommes en buvant une bière, de leur amour pour leur glorieux drapeau ? Dans les trams, dans les trains, dans les bus, que dit un Américain à un autre Américain pour lier conversation ? « O say can you see by the dawn’s early light ? » Non ! Il dit : “Hé, comment ont été les Tycoons aujourd’hui ?” Ou encore : “Hé, Mazda s’est-il offert un nouveau home run?” Maintenant, Roland, comprends-tu ce qui lie comme des frères des millions et des millions d’Américains, qui rapproche des rivaux, qui fait d’étrangers des voisins, qui rend amis les ennemis, ne serait-ce que pendant la durée d’un match ? Le base-ball ! »



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