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6 décembre 2012 4 06 /12 /décembre /2012 17:51





Une technique à maîtriser, et c’est la porte ouverte à quarante recettes toutes plus attrayantes les unes que les autres… Magie de la créativité et des combinaisons.


Pour nous initier à la technique de la pâte à choux, Christophe Felder – « prince de la pâtisserie »- expose la technique en ouverture. Sur quatre pages détaillées et illustrées, les étapes sont représentées minutieusement pour garantir la meilleure élaboration possible. Ensuite, on se lance sur le champ de nos envies… Plutôt choux sucrés ou salés ? Même si ces derniers sont moins représentés, on trouvera quand même des gougères au jambon ou au saumon, des gougères tandoori et des choussini. Pour les becs sucrés, le choix sera plus vaste. Etes-vous plutôt classique ? Les crèmes pâtissières de base –au café, à la vanille, au rhum- n’éveilleront pas la surprise mais sont des valeurs sûres. Il semblerait toutefois que Christophe Felder ait l’âme d’un explorateur et la majorité des recettes qu’il propose dans son ouvrage sont étonnantes. Attendez-vous à découvrir des choux aux saveurs fruitées (à la fraise, à la framboise, au citron, aux oranges, à l’ananas, à la mangue, à la noix de coco, au yuzu…), des choux très gourmands (à la pistache, au caramel, à la cacahuète, au chocolat, au pain d’épices) et des choux expérimentaux faisant la place belle à des ingrédients insolites (à la fraise Tagada, au thé, aux Fjord, au mojito ou à la fève tonka…). Mais le cœur du chou ne fait pas tout… Christophe Felder accorde un soin important à favoriser une présentation originale de ses pâtisseries et nous apprendra comment réaliser des choux en forme de cygnes, de champignons ou d’œufs…
Le tout est présenté de façon claire et concise, et s’accompagne de photographies très alléchantes.


Attendez-vous à devoir utiliser une quantité impressionnante de poches à douille dans les jours à venir…


Choux caramel-cacahuètes :





Choux chocolat-noisettes :




Choux vanille-kirsch :




Des présentations marrantes :




Et le grand classique qui impressionne :





La recette de la pâte à choux en photos :

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5 décembre 2012 3 05 /12 /décembre /2012 14:43






On pourrait se contenter de la vision du lait réduit à la brique Tetra Pak qu’on ouvre le matin au petit-déjeuner pour verser sur les céréales et remballer au réfrigérateur pour toute la journée, jusqu’au lendemain matin. Mais se serait sous-estimer l’importance que cet aliment prend dans la plupart des cultures et des civilisations de la planète, bien souvent sans que nous n’en ayons conscience. Parce qu’un aliment n’est pas constitué uniquement de ses propriétés nutritionnelles ou de ses utilisations dans le domaine culinaire, la collection Autrement propose dans cet ouvrage collectif de s’attarder sur des aspects mésestimés du lait.


D’où nous vient la symbolique d’abondance et de prodigalité souvent liée à cet aliment ? La réponse pourrait se trouver dans les premiers textes religieux qui n’hésitent pas à manier la métaphore laiteuse à outrance. La richesse n’y est pas seulement nutritive, elle est aussi spirituelle :


« L’ésotérisme islamique a fait du lait le symbole de l’initiation à la vie spirituelle : un hadith, rapporté par Ibn Omar, assure que le Prophète aurait déclaré que celui qui rêve de lait rêve de la Connaissance absolue. »


Et ceci ne concerne pas uniquement les cultures principales constituées par le christianisme ou l’islam : d’autres contributions du livre nous permettent de découvrir le lait comme principe sacrificiel de l’hindouisme et comme monnaie d’échange économique parmi les peuples éleveurs d’Afrique. Ce sera l’occasion de considérer le lait sous des angles différents, ainsi que nous le montre cette conception de semence divine que s’en fait l’hindouisme :


« Sa semence devint le lait qui est dans la vache ; c’est pourquoi le lait est cuit bien que la vache soit crue : il n’est autre en effet que la semence d’Agni. Et, donc, que la vache soit noire ou rousse, il est blanc comme le feu, étant la semence d’Agni. C’est pourquoi le lait fraîchement trait est chaud, étant la semence d’Agni. »

Shatapatha Brâhmana


Est-ce l’origine longtemps demeurée mystérieuse du lait qui a développé un tel foisonnement de considérations, toutes plus originales et imaginatives les unes que les autres ? Si, pour nous, sa nature et son origine ne font plus l’objet d’aucun doute, il faut nous remettre dans le contexte de cultures moins savantes que nous à ce sujet. Le lait sort des pis, mais dans quelle partie de l’animal est-il engendré ? Pourquoi ne concerne-t-il que certains organismes ? D’autres interrogations se sont peut-être également formées autour des modifications qui altèrent le lait très rapidement, sitôt extrait du pis. Mal préservé, il tourne rapidement et ses qualités de prodigalité peuvent virer à l’empoisonnement microbien.
Si nous ne nous rapportons désormais plus qu’à notre civilisation européenne occidentale, cette difficulté de la conservation du lait explique les variations de sa consommation au fil des siècles. Ce qui est inaccessible est souvent vilipendé, et le lait résume parfaitement ce concept. Disponible uniquement pour les éleveurs, qui pouvaient consommer le lait immédiatement après traite, les autres catégories de population n’hésitaient pas à rejeter cet aliment, et on pourra être surpris de découvrir la somme des fantasmes noirs qui s’élaborent autour du lait –ainsi que le prouve de manière éloquente cet article de L’Encyclopédie :


« Le lait fournit à des nations entières, principalement aux habitants des montagnes, la nourriture ordinaire, journalière, fondamentale. Les hommes de ces contrées sont gras, lourds, stupides ou du moins graves, sérieux, pensifs, sombres. Il n’est pas douteux que l’usage habituel du lait ne soit une des causes de cette constitution populaire. La gaîté, l’air leste, la légèreté, les mouvements aisés, vifs et vigoureux des peuples qui boivent habituellement du vin en est le contraste le plus frappant. »



Mais il suffit parfois de peu de choses pour ébranler des convictions… On apprendra par exemple que, dans le domaine religieux, le passage des produits laitiers de la catégorie des « aliments gras » aux « aliments maigres » -consommables lors des jours maigres qui constituent alors le tiers d’une année- permettra de faire naître un engouement plus certain, allant même jusqu’à expliquer la montée de la Réforme protestante dans certaines régions où le changement de catégorie n’avait pas été effectué. Les découvertes culinaires modifieront peu à peu les goûts de la population et le passage du Moyen Âge aux Temps Modernes s’accompagnera d’une prédominance des goûts pour l’aigre à une affinité croissante pour l’onctueux et le crémeux.
Sautant des siècles, nous entrons dans la période contemporaine marquée par l’industrialisation. Prégnante dans tous les domaines, elle n’épargne pas le lait et ses dérivés et explique la dernière phase –la plus importante- d’habilitation du produit dans le quotidien des populations occidentales. Petit à petit, le lait a été rendu disponible pour les habitants des villes : d’abord grâce aux progrès des transports, puis grâce aux procédés de pasteurisation, de stérilisation et enfin grâce à la technique UHT. En ces temps de sciences et de techniques, on pourrait croire que le lait perdrait ses caractéristiques symboliques. Pas du tout. Si elles ont changé de nature, elles sont tout aussi puissantes et jouent désormais sur l’opposition nature/technique. Autour du lait cru et du lait UHT s’opposent des visions du monde différentes qui extrapolent souvent à des domaines bien plus vastes que le lait en lui-même…




Mais en disant tout cela, nous n’avons encore rien dit. Qu’en est-il des qualités nutritionnelles de ce lait moderne ? Les adjonctions de minéraux et de vitamines, le retrait des graisses, le « lait de croissance » et autres « laits sans lactose », produits de l’industrie agro-alimentaire, sont-ils des laits dégénérés ou disposent-ils de vertus qu’il faudrait considérer sans a priori ?


Les autres contributions de cet ouvrage n’oublient pas de considérer le lait dans ses aspects économiques, étudiant le déséquilibre qui caractérise les « pays du Nord » et les « pays du Sud » en termes de consommation et de production. A la clé, quelques chiffres éloquents :


« Dans le monde, le contraste entre le Nord, ensemble de pays développés, et le Sud, ensemble des pays en développement, est bien illustré par la situation des ressources en 1991, en kilo de lait par habitant et par an : 294 kg, dont 289 kg de lait de vache, au nord, contre 38 kg, dont 25 kg de lait de vache, au sud. Ce, autour d’une moyenne mondiale de 98 kg, dont 86 kg de lait de vache.
Au nord, concernant le lait de vache (qui fournit 88% du total), 23% de la population mondiale détiennent 78% de la ressource. La disparité est légèrement atténuée pour le lait total du fait que le Nord ne produit que 10% du lait mondial des autres espèces de mammifères soumises régulièrement à la traite (bufflonne, brebis, chèvre). »



Et puisque le lait est, avant tout, une substance naturellement produite par les mammifères femelles (on tendrait presque à l’oublier), Mémoires lactées évoque les rapports des femmes avec l’allaitement et le rapport des femmes allaitantes avec le reste du monde.


Cette lecture est enrichissante à tous les niveaux, tant à celui des apprentissages qu’elle génère sur le lait en lui-même qu’à celui de l’influence de la symbolique que nous subissons depuis toujours, sans en être véritablement conscients. Si nous devions effectuer une psychanalyse de la civilisation mondiale, le lait en constituerait un symbole fort, chargé de conceptions nombreuses et variées qui influent inconsciemment sur la plupart des comportements dans l’histoire. Dans la marche globale de la civilisation, on comprend que tout est lié : niveau de développement de la technique, connaissances médicales, empreinte des comportements religieux, place de la femme dans la société, environnement culturel, préoccupations hygiéniques, disponibilité économique, vision du corps… Dans une boucle autorégulée, chacun de ces domaines s’influence mutuellement et, de l’influence qu’il produit, il est à son tour influencé dans une ronde qui se matérialise autour d’un symbole –ici le lait.


« Manger, comme boire, c’est répondre à des besoins de fonctionnement et de réparation signalés par la faim et la soif mais c’est également satisfaire au désir, à l’anticipation du plaisir, à l’imaginaire, à l’abstrait. Motivations complexes, différentes et simultanées, biochimiques, psycho-sensorielles et symboliques. »



Avec cet ouvrage, et en choisissant de s’attarder sur des faits de société ou des éléments apparemment anodins de notre quotidien, la collection Autrement permet de prendre conscience de la richesse symbolique dans laquelle nous vivons.

Le lait et les expressions du langage :

Citation:
« Et la Voie lactée, notre galaxie ? (de gala, lait en grec, comme chacun sait). Et les laits de beauté, la laitance des mâles, les champignons lactaires et autres choses laiteuses ? Ne seraient-ils que détails face aux dents de lait, parentés de lait, cochons de lait et à ces pauvres vaches à lait (pas les laitières, mais les contribuables surtaxés) ? Et que dire de tous ces laits qui n’en sont pas : lait d’amande, lait de poule… jusqu’au lait vierge des alchimistes. Il y a dans ces quelques mots et expressions « galactophiles » de quoi boire du petit-lait pour ceux qui furent « nourris au lait sacré des antiques doctrines » (André Chénier), comme pour ceux qui, très soupe au lait, doivent être surveillés comme lait sur le feu… Au vrai, que de laits enfermés dans nos mots, que d’aphorismes où ils se libèrent, que de tributs payés à la langue, par ces captifs si riches et si puissants ! »




Considérations sur les qualités nutritives du lait :

Citation:

« Le lait de consommation contient, à quantité égale, environ quatre fois plus de calcium que le chou, les amandes, les oranges ou les poissons gras comme le saumon, les harengs et les sardines ; l’emmental en contient trente fois plus. Mais il ne suffit pas d’ingérer du calcium, encore faut-il qu’il soit utilisable par les tissus et notamment par l’os. Tous phénomènes conjugués, les chercheurs parlent de « biodisponibilité ». Or, si certains nutritionnistes pensent que le calcium du lait n’est pas plus disponible qu’un autre, Léon Guegen, directeur du laboratoire de nutrition et de sécurité alimentaire de l’INRA, écrit que le calcium des produits laitiers est mieux absorbé dans l’intestin que celui de la plupart des aliments d’origine végétale (céréales, haricots, soja, amandes, épinards), à l’exclusion du chou, riche en fibres mais pauvre en phytates et oxalates. »



Une autre symbolique : le lait comme "mère nourricière" :

Citation:

« […] on ne comprendrait pas clairement le symbolisme du lait si on ne le rapprochait pas de celui de la mère : non pas tant de la mère personnelle telle que peut la définir la psychanalyse freudienne que de la figure archétypale, présente dans un très grand nombre de systèmes religieux. Il s’agit donc de la mère considérée non plus dans sa seule fonction génitrice mais aussi comme nourricière de l’être auquel elle a donné le jour et qu’elle nourrit avec son propre lait, en lui transmettant sa vie, son énergie et le meilleur d’elle-même. »



Allaitement et féminisme : difficile de choisir son camp (les deux sont-ils inconciliables ?)


Citation:
« On a beaucoup dit que, pour les féministes d’avant-guerre, biberon rimait avec libération. C’était vrai jusqu’aux années 50, avec l’intermède de la guerre où seul le lait de femme se procurait sans ticket. Ensuite, je n’ai pas trouvé trace en France d’une pensée théorique féministe concernant l’allaitement. La revendication du partage du travail domestique gratuit et des soins aux enfants surgit de la condamnation de l’exploitation patriarcale sans qu’il soit fait mention de notre spécificité de mammifères. Les plus radicales des militantes, ou les plus blessées, ont refusé la maternité. Les autres ont accommodé leur vie privée en regard du politique en s’interdisant dans des proportions variables la fusion avec l’enfant. Puis, dans la mouvance Peace and Love des années 60, la catégorie féminine « cultivée, urbaine, exerçant un métier » a redécouvert l’allaitement comme communication privilégiée à cheval entre nature et contre-culture du plaisir. Alors que le déclin amorcé au début du siècle n’avait pas encore atteint sn étiage dans la France profonde, le mouvement inverse s’amorçait déjà dans les milieux aisés. C’est dans ces eaux favorisées que croisaient les féministes, mes amies aux USA, nos sœurs prolife (adversaires de la liberté d’avorter), revendiquant l’allaitement dans le cadre le plus général de la nurturance, qu’elles veulent altruiste, désintéressée, contestataire face à un monde d’hommes égoïste, dominateur, soumis aux lois du marché. Et nous, les prochoice (favorables à la liberté du choix d’avorter), elles nous considéraient comme des espèces d’hommes. »



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4 décembre 2012 2 04 /12 /décembre /2012 14:31






Il faudrait avoir sacrément confiance aux ouvrages de poche Larousse pour se laisser persuader qu’à l’issue des quelques deux cents questions contenues dans ce livre, on pourra se situer sur l’échelle de la connaissance dans le domaine artistique. Mais pour un passe-temps amusant et sans prétention, on trouvera son compte.

Les questions proposées au lecteur révèlent une volonté de diversité : elles abordent aussi bien les périodes antiques que modernes et les cultures occidentales qu’orientales ou tribales. On s’aventure à l’intérieur des plus grands musées, mais aussi sur le parvis de sites historiques ou dans l’univers moins concret des opinions et des bons mots.

La variété des domaines artistiques concernée par les questions de cet ouvrage montrera rapidement à l’amateur qu’il est loin d’avoir fait le tour de ses connaissances et lui donnera peut-être envie d’en savoir plus sur les artistes, œuvres ou mouvements découverts au détour d’une question… Des illustrations parsèment les pages et donnent souvent envie d’en découvrir davantage…

De quoi passer un bon petit quart d’heure de distraction pour se rappeler qu’il nous reste encore de nombreux domaines à explorer pour notre plaisir personnel…

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3 décembre 2012 1 03 /12 /décembre /2012 14:29






Du marron pour l’Australie, du noir pour New-York. C’est au milieu de ces nuances très sombres qu’évolue l’amitié épistolaire de Mary et de Max –d’abord figurines de pâte à modeler avant de devenir personnages à part entière.


Dans le style faussement enfantin qui mêle voix de Calimero, accumulation de détails et de manies fantasques ainsi qu’univers de l’entertainment proposé sous son aspect le plus onirique, Mary and Max rappelle immédiatement les films d’animation de Tim Burton. Mais il y a quelque chose de différent… Si Tim Burton convoque le fantastique et la poésie des situations –tout comme Adam Elliot-, les personnages restent souvent des âmes solitaires tournées vers elles-mêmes et elles ne réussissent que très rarement à se nourrir de leur environnement immédiat. Le processus à l’œuvre dans Mary and Max semble opposé : au milieu de situations ternes et déprimantes, les personnages parviennent à survivre –tant bien que mal- grâce à leur aptitude à transcender la réalité en une matière vouée à la rêverie. Tout n’est pas idéal pour autant : si Mary, lorsqu’elle est enfant, parvient à survivre au milieu de l’environnement pathogène dans lequel elle évolue, c’est parce qu’elle se détourne de la réalité par le biais des personnages de son dessins animé préféré –les Noblets-, de son poulet domestique, de ses boîtes de lait concentré sucré et surtout de sa correspondance avec Max. En revanche, sa mère a choisi des remèdes moins salvateurs et s’enivre à outrance au sherry, tandis que son père s’enferme dans une passion macabre pour les oiseaux empaillés.





Le cas de Max est particulier. Atteint par le syndrome d’Asperger, il vit surtout seul avec lui-même et ne semble pas du tout réceptif aux tentatives de communication que lui adressent ses semblables. La communication écrite semble un meilleur moyen pour lui d’accéder à ses émotions. C’est pourquoi la correspondance qu’il établit avec Mary transforme sa manière d’appréhender la vie. Dans l’absolu, cet échange de lettres n’apporte rien d’extraordinaire : des envois de chocolat, de photos, de récits, de questions, la découverte du lait concentré sucré… mais le talent d’Adam Elliot est d’exacerber ces preuves d’amitié et de les transformer en éléments moteurs de l’existence.






Au-delà de l’histoire d’une banale amitié tissée par correspondance, la philosophie de vie singulière d’Adam Elliot s’affirme au fil des minutes… Las du pessimisme facile dans lequel il aurait été presque évident de sombrer, les personnages illustrent au contraire une certaine forme de résilience dont tout à chacun fait preuve au quotidien. Il en résulte un sentiment de justesse de ton et de propos surprenant pour un film d’animation.




Je n’ai pas eu le sentiment de convoler entre rires et larmes mais je suis cependant restée admirative devant l’histoire de Mary and Max qui, bien que cruelle, ne peut empêcher de susciter le respect pour la vie et ses passions humaines.

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2 décembre 2012 7 02 /12 /décembre /2012 17:56






Le Mariage de Figaro nous permet de prendre la mesure du gouffre qui sépare la réception des œuvres aujourd’hui et leur réception deux siècles plus tôt. Cette pièce, censurée ? Pour le lecteur contemporain –comme pour Beaumarchais à son époque-, la réaction sera : incompréhension. Pour le lecteur, d’abord, parce que le message de la pièce ne semble pas virulent –seulement moqueur. Pour Beaumarchais, ensuite, parce qu’il pensait qu’en donnant à son commentaire critique des privilèges de la société monarchique la forme de la comédie, il susciterait des enthousiasmes joyeux avant de provoquer la colère et l’animosité des spectateurs :


« Oh ! que j’ai de regrets de n’avoir pas fait de ce sujet moral une tragédie bien sanguinaire ! Mettant un poignard à la main de l’époux outragé, que je n’aurais pas nommé Figaro, dans sa jalouse fureur je lui aurais fait noblement poignarder le puissant vicieux ; et comme il aurait vengé son honneur dans des vers carrés bien ronflants, et que mon jaloux, tout au moins général d’armée, aurait eu pour rival quelque tyran bien horrible et régnant au plus mal sur un peuple désolé ; tout cela, très loin de nos mœurs, n’aurait, je crois, blessé personne ; on eût crié : Bravo ! ouvrage bien moral ! Nous étions sauvés, moi et mon Figaro sauvage. »



Dans sa préface, Beaumarchais dénonce également l’hypocrisie des spectateurs. Il défend ainsi sa pièce de critiques qu’il juge injustifiées en invoquant l’humiliation subie par ceux dont elle vilipende les privilèges et autres mœurs condamnables :


« Il y a souvent très loin du mal que l’on dit d’un ouvrage à celui qu’on en pense. Le trait qui nous poursuit, le mot qui importune reste enseveli dans le cœur, pendant que la bouche se venge en blâmant presque tout le reste. De sorte qu’on peut regarder comme un point établi au théâtre, qu’en fait de reproche à l’auteur, ce qui nous affecte le plus est ce dont on parle le moins. »


Cette préface est indispensable au Mariage de Figaro, sans quoi il serait difficile d’attribuer à la pièce sa véritable valeur –celle dont elle s’est dotée lors de sa première représentation et qui la place comme l’une des explications potentielles à l’avènement de la Révolution française.


Le Mariage de Figaro n’est pas désagréable à lire et doit également être très plaisant à voir au théâtre. Une ribambelle de personnages colorés, excentriques, d’âges et de classes sociales différentes, sont rassemblés sur le lieu du château du Comte. Ils tissent entre eux des intrigues entremêlant mariages, libertinage, apprentissages et guerre, sans oublier d’y mêler travestissements et échanges d’identités. A l’intrigue principale, mettant en scène un Figaro qui veut préserver son aimée Suzanne du droit de cuissage qu’espère exercer sur elle le Comte, des intrigues secondaires se mettent en place et s’entrecroisent sans répit pour le lecteur. Les répliques sont souvent cinglantes et joueuses et évitent toute forme de monotonie. Malgré tous ces aspects positifs, outre l’intérêt historique de la pièce, il sera difficile de se passionner pour les revendications des personnages. Peut-être, finalement, les critiques du Mariage de Figaro n’avaient-ils pas tort ? Le trop grand foisonnement des intrigues finit par constituer un rideau opaque qui amoindrit la charge critique des propos des personnages. Face à la liesse éperdue que semble constituer leur quotidien, on finit presque par douter de leurs revendications au changement.





La lecture n’est peut-être pas le biais idéal pour prendre connaissance du Mariage de Figaro, et la représentation théâtrale m’aurait peut-être davantage convaincue du talent de Beaumarchais à représenter, dans l’agitation enjouée de ses personnages, le couvert d’une plus violente mais tout aussi agitée remise en question des principes de la monarchie...
Citation:


FIGARO. - […] Avec God-dam, en Angleterre, on ne manque de rien, nulle part. –Voulez-vous tâter d’un bon poulet gras : entrez dans une taverne, et faites seulement ce geste au garçon (il tourne la broche), God-dam ! on vous apporte un pied de bœuf salé, sans pain. C’est admirable ! Aimez-vous à boire un coup d’excellent bourgogne ou de clairet, rien que celui-ci (il débouche une bouteille) : God-dam ! on vous sert un pot de bière, en bel étain, la mousse aux bords. Quelle satisfaction ! Rencontrez-vous une de ces jolies personnes qui vont trottant menu, les yeux baissés, coudes en arrière, et tortillant un peu des hanches : mettez mignardement tous les doigts unis sur la bouche. Ah ! God-dam ! elle vous sangle un soufflet de crocheteur : preuve qu’elle entend. Les Anglais, à la vérité, ajoutent par-ci par-là quelques autres mots en conversant ; mais il est bien aisé de voir que God-dam est le fond de la langue […].






"Qu’au seul nom de Figaro,
J’entende crier : Bravo !
Et que tout ce coq-à-l’âne,
Son procès et sa Suzanne
Causent un bruit général
C’est mal
Très mal.
Mais cela m’est bien égal,
Je pense comme mon grand-père :
J’aime mieux Molière."


Chanson attribuée à M. de Champcenetz
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1 décembre 2012 6 01 /12 /décembre /2012 16:17






Du rose dégoulinant de partout… corps en bikini sur la couverture… on soupçonne Mon gras et moi d’être une bande dessinée girly -féminité et préoccupations pour le corps en tête. C’est vrai, mais pas que… Si, dans l’imagerie populaire, le rose est l’identificateur de la jeune femme, il est aussi le marqueur du gras et des cellules adipeuses. D’ailleurs, la deuxième couleur dominante de cet album est le noir, représentatif cette fois de la négativité. Qu’on ne s’y trompe pas : derrière ses airs bons enfants, Mon gras et moi n’est pas si jovial qu’il ne le semble de premier abord.


Gally est une dessinatrice qui a fait ses premières armes dans la blogosphère. Ses anecdotes de la « Vie d’une grosse » ont d’abord été publiées sur Internet avant de faire l’objet d’une édition papier. Cette dernière regroupe-t-elle des planches inédites ou découlent-elles d’une sélection de ses dessins virtuels ? L’ouvrage ne le précise pas… Quoiqu’il en soit, cette adaptation peut être considérée comme un premier critère de qualité car elle signifie que le travail de Gally a été apprécié par un suffisamment grand nombre d’internautes pour que les éditions « Diantre » aient jugé intéressant d’y jeter leur dévolu. Et on comprend cet intérêt : en quelques cases, Gally parvient à évoquer son quotidien de « grosse » d’une manière à la fois sincère et originale, sans oublier d’inclure le minimum de distanciation critique qui rend le résultat drôle et parfois cruel. En se contentant de se représenter uniquement dans son univers quotidien, elle n’exacerbe pas une personnalité tranchée qui risquerait de nuire à la proximité qu’elle crée de la sorte avec son lecteur. Un petit ami, des amis, papa, maman et le regard des autres : il n’en faut pas plus pour que puisse se mettre en place le jeu des regards –crucial en ce qui concerne les troubles du comportement alimentaire.






Les dessins sont ronds et sirupeux –à la manière des formes généreuses de leur auteure- et entraînent souvent une amplification du trait parfois presque bon enfant. Pour sa part, le ton se veut léger et tente souvent de dédramatiser des situations pourtant douloureuses –ainsi lorsque Gally ne peut s’empêcher de dévaliser le frigo la nuit ou lorsqu’elle est confrontée au regard des clients de la boulangerie dans laquelle elle va acheter des croissants pour sa famille. Malgré ces apparences de détachement et de frivolité, l’ambivalence de la position de Gally à l’égard de son surpoids (obésité ?) ne tarde pas à se manifester… sa détresse apparaît d’autant plus puissante qu’elle s’échine pourtant à la refouler, hélas sans y parvenir.





La sincérité qui entre dans la démarche de réalisation de Mon gras et moi fait de cet album un objet d’intérêt bien plus profond que la couverture n’aurait pu le laisser croire. En usant d’un humour à toute épreuve, Gally fait partager à son lecteur les difficultés parfois insoupçonnées d’une « vie de grosse » et ne nous permet plus de douter de la force psychologique nécessaire pour endurer cette condition –et pour trouver la volonté de la surpasser, le cas échéant.


Citation:

Quand j’étais petite, maman souffrait d’obésité. Déjà dans son ventre les mauvaises habitudes avaient dû se transmettre. Petit à petit, le germe de la gourmandise s’est insinué en moi. Tout comme il a dû s’insinuer en elle par sa mère, qui devait trop aimer les pâtisseries au miel. Et ainsi de suite, en remontant le fil biologique… Pour arriver à elle qui boulottait sans doute des cuisses de mammouth en douce ! Donc… Si je mange ce 5e bout de fromage… On peut dire que je ne suis pas totalement responsable…







Le lien vers le "Blog d'une grosse" (aujourd'hui fermé) : ICI
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30 novembre 2012 5 30 /11 /novembre /2012 18:50






Les 500 anecdotes historiques de ce livre ne sont pas destinées à l’amour de l’histoire mais plutôt à l’amour de la connaissance -considérée comme une discipline soumise à des obligations de rentabilité, d’efficacité et de longévité. Ainsi, on découvrira avec surprise que l’ouvrage est réalisé par des « auteurs plus pédagogues qu’experts » (bien que « des spécialistes apportent toutefois leur caution scientifique au contenu ») afin que le lecteur médiocre puisse « mémoriser les notions de culture générale pour corriger ses lacunes ». Ou comment faire de ces anecdotes historiques un moyen pour l’individu d’augmenter sa capacité à se vendre sur le marché social et culturel… La connaissance n’est plus considérée comme un plaisir mais entrevue sous l’angle de la compétitivité (« Redonner à ses neurones une autonomie et de vraies capacités de mémorisation »), de la concision (« les bases nécessaires ») et de la culpabilisation (« Décomplexer le lecteur de ses lacunes »). Il est important de préciser tout ceci car on nous indique encore que la structure du livre a été élaborée afin de permettre au lecteur une assimilation optimale des anecdotes historiques dont il va se faire le « consommateur ».


Sans être originale, la présentation des informations est en effet claire, aérée et organisée. L’Histoire, comme toujours, est découpée en grandes périodes. Chacune d’entre elles est introduite par un quizz court de trois questions permettant de situer les prérequis du lecteur, suivi par un rappel des grands faits historiques qui la caractérisent, puis par un florilège de quelques grandes phrases prononcées par ses personnages marquants ou de citations relevées dans les textes les plus célèbres ou représentatifs de l’époque.
Avez-vous bien tout compris ? Avez-vous retenu quelque chose ou n’êtes-vous qu’une vieille outre percée ? La fin de chaque chapitre propose à nouveau un petit questionnaire de connaissances afin de permettre au lecteur d’évaluer ses acquisitions. Et ainsi de suite, on file de millénaires en siècles, puis de siècles en années –car le livre ne dépare pas au défaut majeur de la plupart des ouvrages de vulgarisation historique : le chronocentrisme. Ainsi, si la période de l’Antiquité, qui s’étend sur plusieurs dizaines de siècles, est résumée en seize pages, la période s’étendant de la Renaissance (16e siècle) à nos jours représente les trois quarts de l’ouvrage. On ne risque donc pas d’apprendre plus que ce que l’on ne savait déjà sur les périodes antiques et médiévales de l’histoire, mais on a de grandes chances de se voir rappeler ce que l’on savait déjà sur l’histoire de notre civilisation du siècle passé –car, bien sûr, on ne sortira pas non plus d’une vision occidentale de l’Histoire.


Puisqu’l s’agit, avant tout, de détenir des connaissances utiles, les 500 anecdotes historiques de cet ouvrage sembleront souvent remâchées. Parmi les phrases les plus connues, on retrouvera le fameux « Un petit pas pour l’homme, un grand pas pour l’humanité », des répliques de film (« Téléphone, maison »), des slogans utilisés à toutes les sauces (« Sous les pavés la plage ») ou des extraits de livres connus (« L’enfer, c’est les autres »). Chaque citation est replacée dans son contexte, ce qui permet bien souvent à des phrases aujourd’hui vidées de leur sens de se doter à nouveau d’un semblant d’âme. Même si la plupart de ces anecdotes apparaîtront davantage comme des rappels que comme de véritables découvertes, parmi le vaste florilège proposé des 500 anecdotes, il y aura forcément un peu de place pour l’étonnement et les joutes verbales de qualité :



« Un marchand du nom de maître Jean, fréquemment invité à la table du Roi Louis XI, lui demande un jour des lettres de noblesse que ce dernier lui accorde. Mais une fois anobli, Louis XI ne lui porte plus aucune attention. A maître Jean qui s’en étonne, le Roi répondit : « Monsieur le gentilhomme, quand je vous faisais manger avec moi, je vous regardais comme le premier de votre condition ; aujourd’hui que vous en êtes le dernier, je ferais injure aux autres si je vous honorais de la même faveur. » »




Ainsi, même si l’ouvrage n’a pas été élaboré dans l’intention première d’apprendre de nouvelles choses à son lecteur, il lui permettra quand même de faire une balade culturelle agréable à travers l’Histoire, reliant chaque période différente par cette caractéristique commune : l’importance du langage et de l’héritage culturel sur la façon dont l’homme façonne son monde.


Anecdote sur l'origine du terme de "lapalissade" :

Citation:

Lors du siège de Pavie en Italie par François Ier, le Seigneur Jacques de la Palice trouve la mort. En hommage, ses soldats lui dédient une chanson où figurent ces vers :
« Hélas, La Palice est mort. Est mort devant Pavie ; Hélas, s’il n’était pas mort, il ferait encore envie. »

La phrase a progressivement été déformée par : « Un quart d’heure avant sa mort, il était encore en vie » qui a donné naissance au terme des lapalissades.




Et les bonnes paroles de Mac-Mahon :

Citation:
On attribue au troisième Président de la République Française [Mac-Mahon] de nombreux bons mots.

« Je vous suis les yeux fermés ! » dit-il à une hôtesse qui l’accueille pour inaugurer une exposition de peinture.

« La fièvre typhoïde est une maladie terrible. Ou on en meurt ou en reste idiot. Et je sais de quoi je parle, je l’ai eue. »

En 1875, deux ans après son élection à la présidence de la République, la Garonne connaît une crue historique. Arrivé aux alentours de Toulouse et découvrant l’ampleur de l’inondation, Mac-Mahon a cette belle envolée :

« Que d’eau, que d’eau ! »



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29 novembre 2012 4 29 /11 /novembre /2012 18:28






Si le titre plaît, alors, le reste de l’ouvrage plaira. Il faut déjà se sentir profondément contradictoire pour se reconnaître dans la dénomination de ce recueil d’aphorismes, publié par Emil Cioran en 1973 à l’âge déjà bien avancé de 62 ans. Aura-t-il eu l’intuition sur le tard que sa naissance représentait un inconvénient majeur ? Ou possédait-il déjà cette intuition depuis longtemps, sans réussir à résoudre le paradoxe apparent qui découlait malgré tout de la poursuite de la vie ?


Pour peu que l’on se reconnaisse dans cette pensée, on sera gré à Emil Cioran d’avoir supporté l’inconvénient d’être né et d’avoir pris le temps d’affirmer la possibilité de vivre dans cette contradiction : être dégoûté d’une existence désavantageuse en tout point, mais ne pas trouver la motivation nécessaire pour l’interrompre. C’est dans la continuité du mouvement absurde qu’Emil Cioran s’affirme -non pas en mettant en scène des personnages livrés à leurs contradictions, comme le firent les dramaturges du théâtre de l’absurde, Ionesco et Beckett en tête- mais en se mettant en scène lui-même et en livrant l’intégralité de ses pensées sous forme d’aphorismes. On croirait presque un journal intime délivré sous une forme laconique et qui résumerait l’écoulement d’une journée à une sensation –souvent liée au dégoût, au désespoir ou à l’ironie- sans justification de fait.


« Le même sentiment d’inappartenance, de jeu inutile, où que j’aille : je feins de m’intéresser à ce qui ne m’importe guère, je me trémousse par automatisme ou par charité, sans jamais être dans le coup, sans jamais être quelque part. Ce qui m’attire est ailleurs, et cet ailleurs je ne sais ce qu’il est. »



Emil Cioran se crée donc un personnage et s’incarne dans le prototype de l’homme absurde qui a conscience de la vacuité de son existence. Hélas pour lui, malgré toute sa lucidité, malgré le malheur que lui inflige cette position ambivalente, l’homme absurde est un homme faible, au moins aussi ridiculement insignifiant que son existence, et pour cette raison même il n’arrive pas à quitter cette vie qu’il traîne comme un fardeau. Pire : le Cioran-absurde semble presque finir par tirer un plaisir indubitable de cette situation tragique, et il se livre à l’ultime paradoxe en écrivant ! L’homme persuadé de l’absurdité de tout acte ne trouve rien de mieux à faire, pour conjurer le mauvais sort, que de se livrer à l’acte le plus infécond qui soit : écrire ! Et ça le fait rire…


Ainsi, il est quand même une preuve qu’Emil Cioran a su tirer profit de sa conviction qu’il ne lui sert à rien de vivre : son détachement total vis-à-vis du sérieux qu’exigeraient habituellement les évènements fondateurs de l’existence. Puisqu’il sait qu’il n’est rien, Emil Cioran ne cherche pas à valoriser l’image qu’il renvoit à son lecteur. Il n’avance aucune certitude, préfère se laisser couler doucement dans un amalgame brouillon de sensations et de pensées qui interfèrent sans cesse pour se contredire. A l’égard d’un Nietzsche, il semblerait que la pensée d’Emil Cioran soit le résultat d’une mise à l’écoute d’un corps en souffrance –et donc d’une symbiose du physique et du psychique. Quoiqu’il en soit, le recul d’Emil Cioran se traduit par un rejet de la conception d’identité qui s’exprime sous la forme d’une ironie –cruelle en première apparence, en réalité salvatrice pour l’individu qui ne jure plus de rien. A condition d’accepter cette position et d’admettre que nous-mêmes, à l’égard de l’auteur, ne constituons pas des sujets dignes d’être pris au sérieux, les salves incessantes vouées à l’autodestruction prendrons la forme d’invitation à se livrer à une orgie de suicides organisés.


« Plus on vit, moins il semble utile d’avoir vécu. »



Au-delà même de l’individu qui, pris à part, ne rime à rien, Emil Cioran n’oublie pas de s’attaquer également à la civilisation. Revenant sur les débuts de l’Histoire, sur les courants philosophiques et religieux qui l’ont traversée, il s’acharne également à démontrer le vide qui sous-tend toute conception et met à jour la superficialité et la bassesse latentes de systèmes qui ont voulu se donner de grands noms.


Il serait dommage qu’en raison de la virulence d’Emil Cioran, on se détourne radicalement de L’inconvénient d’être né. Un homme qui s’amuse à tout détruire parce qu’il a conscience de représenter le néant doit-il être pris au sérieux ? Emil Cioran indique entre les lignes qu’il ne le croit pas, et s’il s’investit autant dans la cruauté, c’est pour donner une ultime leçon à ceux qui auraient encore pu être persuadés de l’importance de leur existence sur Terre. Lui-même ne croit sans doute qu’à moitié à ses admonestations au suicide et à l’autodestruction, mais il croit intégralement à la sensation de plaisir qui accompagne l’écriture de ces salves virulentes. Je pense qu’il faut lire Emil Cioran au second degré et s’amuser avec lui des idées perverses et dégénérées qui naissent dans l’esprit de l’homme-absurde. Peut-être, Emil Cioran s’exprimera-t-il véritablement en son nom –et non plus au nom de son « personnage » destiné à la provocation- dans l’avant-dernier aphorisme qui clôt son ouvrage :


« Nul plus que moi n’a aimé ce monde, et cependant me l’aurait-on offert sur un plateau, même enfant je me serais écrié : « Trop tard, trop tard ! » »



On suppose ainsi l’intentionnalité véritable d’un homme –déçu peut-être par les apprentissages qu’il aura tirés de l’existence ?- et qui n’aura su exprimer son attachement à la vie autrement qu’en la rejetant violemment.


Il faudrait citer tout le livre... Mais un florilège des pensées les plus absurdes -et les plus pertinentes !

Citation:

Depuis des années, sans café, sans alcool, sans tabac ! Par bonheur, l’anxiété est là, qui remplace utilement les excitants les plus forts.



Citation:
J’ai tous les défauts des autres et cependant tout ce qu’ils font me paraît inconcevable.



Citation:
Si l’on pouvait se voir avec les yeux des autres, on disparaîtrait sur-le-champ.




Sur l'influence du physique sur la pensée de Cioran, ces phrases ont attiré mon attention :

Citation:
La santé est un bien assurément ; mais à ceux qui la possèdent a été refusée la chance de s’en apercevoir, une santé consciente d’elle-même étant une santé compromise ou sur le point de l’être. Comme nul ne jouit de son absence d’infirmités, on peut parler sans exagération aucune d’une punition juste des bien-portants.



Citation:
« Il a souffert, donc il a compris. » C’est tout ce qu’on peut dire d’une victime de la maladie, de l’injustice ou de n’importe quelle variété d’infortune. La souffrance n’améliore personne (sauf ceux qui étaient déjà bons), elle est oubliée comme sont oubliées toutes choses, elle n’entre pas dans le « patrimoine de l’humanité », ni ne se conserve d’aucune manière, mais se perd comme tout se perd. Encore une fois, elle ne sert qu’à ouvrir les yeux.



Citation:
La conscience aiguë d’avoir un corps, c’est cela l’absence de santé.




Des ressemblances frappantes avec le théâtre de l'absurde :

Citation:
Nous n’avions rien à nous dire, et, tandis que je proférais des paroles oiseuses, je sentais que la terre coulait dans l’espace et que je dégringolais avec elle à une vitesse qui me donnait le tournis.



Citation:
Quand on revoit quelqu’un après de longues années, il faudrait s’asseoir l’un en face de l’autre et ne rien dire pendant des heures, afin qu’à la faveur du silence la consternation puisse se savourer d’elle-même.




« Ma vision de l’avenir est si précise que, si j’avais des enfants, je les étranglerais sur l’heure. »
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28 novembre 2012 3 28 /11 /novembre /2012 18:57







En matière d’additifs, il n’est pas de vérifications ou de confirmations superflues que l’on ne puisse exiger. Aucun ouvrage ne peut absolument faire référence en la matière, tant la législation, les expériences scientifiques et les controverses existant au sujet de ces substances sont variées. Pour se rapprocher au plus près d’une certaine forme de réalité, l’idéal est encore de cumuler les informations auprès de différentes sources… C’est la raison pour laquelle, après avoir lu le pourtant très satisfaisant « Guide des additifs alimentaires » de Lannoye et Denil, j’ai eu envie d’ouvrir cet ouvrage publié plus récemment, en 2008.


La première partie de ce guide est claire et indique de manière concise la législation dans le domaine. Encore une fois, on n’échappera pas au relevé des incohérences et des absurdités du système –passage obligatoire pour tout auteur et lecteur qui chercherait à exercer sa propre critique. Cependant, pour quiconque s’intéresse déjà au milieu, rien de neuf sous le soleil… Les additifs cherchent à dissimuler la piètre qualité des produits industriels et sont un atout de plus dans l’arsenal de séduction déployé par les grandes marques alimentaires.


S’ensuit l’inévitable liste des additifs alimentaires… La présentation est simple et offre en peu de lignes le maximum d’informations : nom courant de la substance, code législatif, dose journalière admissible, famille, liste d’utilisation… En outre, on nous indique si la substance est d’origine naturelle ou synthétique, si elle est autorisée dans l’agriculture biologique et si elle convient aux régimes musulmans, juifs et végétariens. Autre précision intéressante, l’auteure nous signale si la substance est interdite dans d’autres pays, et elle n’oublie pas, en contrepartie, de lister les additifs parfois autorisés à l’internationale mais que la France a préféré bannir.


L’ouvrage apporte également un éclairage intéressant sur les additifs employés dans l’industrie cosmétique –domaine souvent délaissé alors qu’il entre dans la vie quotidienne de manière aussi importante que l’alimentation. Ici encore, les substances employées pour emballer les produits d’usage courant ou pour fabriquer les produits vestimentaires, d’hygiène, de cosmétique ou d’entretien sont loin d’être à l’égard de tout soupçon… On relèvera toujours de belles surprises aptes à renouveler le regard las et ennuyé que nous aurions pu porter sur les éléments de notre vie quotidienne. Ainsi en sera-t-il pour le dentifrice :


« Le fluoride

C’est un dérivé du fluor. Il est soupçonné d’être cancérigène. Le Dr Epstein affirme que dans plusieurs études on a incriminé le fluoride dans le cancer des os. Le danger est multiplié si la saccharine est associée, ce qui est souvent le cas dans les dentifrices. »


Encore une fois, difficile pour le consommateur de vouloir se prémunir de tous les dangers potentiels signalés relevés dans ce livre, mais on s’éclairera peut-être sur certains faits croissants relevés au cours des décennies passées dans le domaine nosocomial. Cet ouvrage d’Hélène Barbier du Vimont constitue un bon guide qui s’applique à la fois aux domaines alimentaires et cosmétologiques pour une vision globale de notre dépendance aux additifs.


Le nombre d’additifs actuellement autorisés est très variable d’un pays à l’autre. Il en existe près de 3000 aux Etats-Unis ( !), 827 en Europe et 354 en France.



Le "naturel" ne veut pas dire grand-chose...

Citation:

Le qualificatif « naturel » recouvre une réalité plus rassurante et sympathique : il vaut mieux un extrait naturel de vanille que la vanilline synthétique, dont on sait qu’elle présente des risques. Mais ce n’est pas un critère valable à cent pour cent. Le colorant extrait de la cochenille, par exemple, est aujourd’hui l’objet de certaines critiques. Par ailleurs, un additif issu de produits naturels peut l’être à l’aide d’un solvant toxique. Enfin, les végétaux ou les produits animaux peuvent être génétiquement modifiés.




Et les produits frais ne sont plus exempts de suspicion non plus :

Citation:


[…] même les produits frais, naturels en eux-mêmes, matières premières de l’alimentation comme les fruits et légumes que l’on trouve notamment dans la grande distribution, ont perdu leur intégrité de départ. Sélectionnés et calibrés (quand ils ne sont pas aussi génétiquement modifiés), ils subissent divers ajouts parfois discutables : traitements de surface pour la conservation, colorants pour renforcer l’aspect, etc.




Une étude sur le lien entre additifs et hyperactivité chez l'enfant (les colorants de synthèse sont les premiers à être mis en cause) :

Citation:
Diverses études montrent que l’emploi d’additifs et de colorants alimentaires pourrait favoriser les comportements hyperactifs chez les enfants. Ainsi cette étude publiée dans les colonnes de la revue médicale The Lancet. Une équipe menée par Jim Stevenson (Université de Southamptom) a étudié les effets de ces additifs sur le comportement des enfants dans le cadre d’une étude en double aveugle avec contrôle placebo. Plus de 150 enfants de trois ans et 144 enfants de 8/9 ans ont participé à l’étude et ont consommé des boissons contenant soit du benzoate de sodium et un ou deux mélanges (A et B) d’additifs/colorants alimentaires, soit un placebo. Le comportement « hyperactif » était évalué d’après un score global calculé à partir des observations des enseignants et parents ainsi que par un test d’attention pratiqué chez les 8/9 ans […]

Si l’on considère les enfants qui avaient consommé plus de 85% des boissons et pour lesquels il n’existait pas de données manquantes, les scores « d’hyperactivité » étaient ainsi significativement plus élevés pour la boisson A que pour le placebo chez les enfants. Un résultat similaire était retrouvé pour la boisson A et B chez les 8/9 ans, détaillent les auteurs de l’étude. Ils soulignent aussi l’hétérogénéité des réponses individuelles aux additifs.
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27 novembre 2012 2 27 /11 /novembre /2012 19:21
The Duchess (2008) de Saul Dibb





Je n’ai pas eu le courage de visionner ce film jusqu’à la fin… Ne manquait plus qu’une demi-heure, mais une demi-heure que j’ai préféré utiliser autrement. The Duchess fait partie de ces films pour lesquels on pressent qu’il n’en restera rien.





Toutefois, il faut reconnaître que The Duchess est un film à la perfection technique maîtrisée. Les décors, les costumes et les personnages sont superbes. Lorsqu’on mélange le tout pour constituer des scènes, on se dit que le 18e siècle dans le milieu nobiliaire devait avoir du bon. Aucune difficulté non plus à comprendre le ressort de l’intrigue : Georgiana est devenue Duchesse du Devonshire au prix d’un mariage malheureux. Autour de ses engagements politiques, sa vie amoureuse connaît de nombreux rebondissements qui expliquent certainement pourquoi Saul Dibb a jeté son dévolu sur le personnage pour réaliser son film. On suit l’évolution de la Duchesse du Devonshire de façon très linéaire et posée, sans grande surprise.





La réalisation s’empare des caractéristiques d’un milieu –retenue et pudeur- pour les appliquer à elle-même. On sent une volonté sous-jacente de critiquer l’hypocrisie et les conventions de la noblesse à travers l’exposition de cette figure féminine bridée par son époux. Toutefois, le personnage subit le même rabaissement que l’originale et finit par n’être résumée plus que par les intrigues amoureuses qui émaillent son existence. Rien de nouveau sous le soleil de l’amour : dans la noblesse comme ailleurs, on commence à s’éprendre, plein d’espoir, puis on est jaloux et déçu, parfois on se réveille à d’autres figures, on espère à nouveau, on s’adapte et on apprend… Parce que The Duchess me donnait le sentiment que je ne pourrais pas être surprise, j’ai préféré laisser Georgiana à son destin qui, s’il était exceptionnel par son titre social, ne m’a pas donné l’impression d’être plus particulier qu’un autre dans son intimité.

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