Résumé :
Alors que Zlabya s'ennuie au côté de son époux, le rabbin reçoit une caisse contenant un peintre russe voulant parcourir l'Afrique pour retrouver la douzième tribu d'Israël.
Cinquième tome du best-seller de Joann Sfar, Jérusalem d'Afrique est un éblouissant voyage dans une Afrique sublimée, croisement improbable sur plus de 80 pages entre Tintin au Congo et les
chefs-d'oeuvre d'Albert Cohen. Et en plus le chat reparle.
Dans ce nouvel album, comme de coutume, le Rabbin et son chat nous ferons voyager, s’enfonçant cette fois au cœur de l’Afrique noire.
Les premières pages nous montrent la vie ralentie du village. Le mariage de Zlabya bat de l’aile, et comme les femmes ne rêvent que d’amour dans la série de Sfar (c’est le seul reproche qu’on
peut lui adresser), cette situation devient de plus en plus insoutenable.
Heureusement, l’imprévu ne tarde pas à surgir, et il s’extirpe cette fois d’une caisse commandée par le mari de Zlabya. Celle-ci, censée être remplie de livre, abrite en réalité un étrange russe
sorti de nulle part. Pas déboussolé le moins du monde, celui-ci s’intègre à la troupe du rabbin, après avoir trouvé en la personne d’un russe du village le traducteur qui lui faisait défaut. Son
but ? Retrouver la douzième tribu d’Israël. Mais il ne sait pas exactement où elle se situe…
Tout cela n’est que prétexte à une nouvelle aventure qui se concentrera essentiellement sur le rabbin, son chat et le nouvel intrigant russe, et autour desquels graviteront de nombreux
personnages secondaires tels Monsieur Vastenov, le cheikh Mohammed Sfar, une serveuse et même… Tintin (que Joann Sfar ne semble d’ailleurs pas particulièrement porter dans son cœur)
Au-delà de l’intérêt dramatique des histoires de chacun des albums du Chatd u rabbin, c’est bien sûr le message de Joann Sfar qui m’intéresse. Ici, la réflexion tourne
principalement autour de la notion de peuples, mobilisant les cultures, les religions et les concepts qui les animent pour les confronter parfois avec violence. Difficultés à communiquer, envie
d’imposer ses croyances, sentiment de supériorité… Les hommes, lorsqu’ils ne vivent qu’à travers leur peuple, ne s’attirent pas la sympathie de Sfar, mais comme son jugement n’est jamais
définitivement tranché, certains d’entre eux arrivent à s’extirper du carcan duquel ils sont issus pour transmettre leur propre parole aux étrangers qu’ils croisent sur leur chemin.
Les textes, toujours relevés par l’humour du chat du Rabbin, sont aussi délicieux que dans les albums précédents. D’autant plus qu’après de nombreux tomes de mutisme, notre chat retrouve enfin la
parole ! Et il se fait le meilleur médiateur qu’il soit possible d’inventer entre les différents peuples, entre les hommes d’un langage différent.
Le monde décrit par Sfar dans Le chat du rabbin est loin d’être un monde parfait aux courbes lisses. Les failles surgissent de partout, mais le chat rebondit allègrement pour les
éviter. Il dégaine ses réparties comme des perches tendues aux hommes qui auraient chuté. D’un optimisme réconfortant, il prouve encore une fois qu’il a lune force et une vigueur à toutes
épreuves.
« Je me frotte contre des paires de bas, profitant des privilèges dus à ma race. Un ongle joliment teint me gratte l’oreille. Merveille que cette sensualité universelle qui nous permet de nous aimer entre espèces différentes. Un chat, des orteils : l’amour. »
« Au contraire de l’amitié entre les hommes, l’amitié entre les peuples n’existe pas. D’ailleurs les peuples sont des inventions de sorciers, de gourous et de menteurs de charme : ils
prétendent que les hommes sont les enfants d’une terre, alors qu’il suffit d’ouvrir les yeux pour voir qu’ils poussent dans ders ventres nomades. Les peuples ne sont que des lignes entre les
hommes, afin qu’on puisse y cultiver la haine de part et d’autre. »
Philippe Val
- Ca te fait quoi, quand tu peins ?
- Comme toi si tu croques une proie. Tu trouves qu’elle était plus jolie quand elle courait dans le paysage mais c’est plus fort que toi : tu ne peux pas t’empêcher d’y planter les crocs.