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4 août 2013 7 04 /08 /août /2013 18:24



A défaut de savoir concevoir des titres qui sonnent bien et font envie, Comment ça va bien –autrement dit Brigitte Bulard-Cordeau-, connaît deux ou trois petites choses intéressantes pour se faciliter la vie. Et lorsqu’on parle de se simplifier l’existence, il va sans dire que nous parlons économies et débrouille.


La partie la plus intéressante des Bons plans est celle qui s’inscrit dans le développement d’une nouvelle économie de partage, de dons et de trocs. On découvrira ainsi comment se dénicher une chambre d’hôtes ou une maison de vacances gratuite en échange de services ou de son propre logement ; on apprendra qu’il est possible de louer ou de mettre en location pour de courtes durées une guitare, un appareil photo ou une tenue de mariage ; on se nourrira de manière alternative en commandant un panier de l’Amap ou en achetant les plats en rabais proposés par des internautes sur le site SuperMarmite. Nouveau modèle économique intéressant qui, non content de nous faire économiser de l’argent, favorise le lien social, met en valeur ce fameux « travail fantôme » dont parlait Ivan Illich et développe les compétences de chacun. Et pour la débrouille, Comment ça va bien nous livre les recettes des meilleurs remèdes naturels, qu’il soit question d’hygiène, de cosmétique ou de santé. Finis les produits ménagers qui brûlent, qui puent et qui coûtent cher lorsque du citron, du vinaigre et du savon noir permettent de décrasser une porcherie. Finis les traitements antibiotiques et les cosmétiques irritants lorsque les huiles essentielles, soigneusement choisies et méticuleusement dosées, permettent par exemple de soigner l’acné, d’éradiquer les verrues ou de traiter les premiers symptômes du rhume. Rien de forcément innovant, mais il fallait s’en souvenir et le livre de Brigitte Bulard-Cordeau a le mérite de regrouper en un seul volume ces petites astuces qu’on a plutôt l’habitude d’éparpiller et de perdre en cours de route.


A côté de ces bons plans vraiment utiles, Comment ça va bien sait aussi s’emmerder comme personne et dans ces moments-là, son livre ressemble étrangement au contenu d’un magazine féminin prêt à rivaliser avec le plus costaud des Maxi -pour ne citer qu’un titre parmi tant d’autres. Le lecteur de base (surtout si on l’imagine masculin) risque de se sentir exclu lorsque, après avoir eu la surprise de tomber sur une double page lui expliquant comment se muscler pour éviter d’avoir les bras flasques, il réalisera qu’on lui apprend aussi, quelques pages plus loin, à se galber les cuisses, à désenfler son ventre, à mettre en valeur son décolleté ou à choisir la coupe de jean qui correspond le mieux à sa morphologie. Parité oblige, quitte à parler de ce qui complexe, pourquoi n’inclut-on pas ces messieurs dans la ronde des sujets qui fâchent en les conseillant sur le meilleur calfouette à porter pour mettre en valeur leur virilité ? Le bon plan de Brigitte Bulard-Cordeau était peut-être le suivant : faire gonfler inutilement le volume de son livre pour le vendre plus cher en intercalant, entre deux vrais bons plans, un plan foireux qui ne servira à rien d’autre qu’à nous faire perdre le temps intelligemment épargné par ailleurs.


Un bon plan pour le mot de la fin ? Faites le tri !


Quelques bons plans intéressants :


 
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Plus pragmatiques, des remèdes et techniques simples pour les taches de tous les jours :


Citation:
Pour laver le sol, remplissez un seau d’eau tiède : ajoutez une à deux cuillères à café de savon noir pour un carrelage, ou une à deux cuillères à soupe pour un parquet ou un lino. Vous pouvez aussi mettre quelques gouttes de vinaigre blanc. Puis nettoyez et frottez votre sol comme à l’accoutumée. Laissez sécher. Inutile de rincer, ça ne laisse pas de traces ! Voilà un sol nettoyé, dégraissé, mais aussi nourri, protégé et brillant.



Citation:
Placez le jus d’un citron dans une tasse d’eau à l’intérieur du four à micro-ondes et réglez à la puissance maximale pendant une à deux minutes. Passez l’éponge, c’est nickel chrome ! Idem pour les plaques électriques ou le carrelage.



Citation:
La guerre des boutons, une arme naturelle
Dans une cuillère à café, humectez de l’argile verte avec de l’eau de rose. Ajoutez 1 cuillère à café de gel d’aloès (95% pur). Additionnez à ce mélange 2 gouttes d’huile essentielle de tea-tree, 2 gouttes d’huile essentielle de ravensare ou de saro et 2 gouttes d’huile essentielle de laurier noble. Transvasez ans un flacon facile à emporter, que vous pouvez conserver jusqu’à deux semaines. Chaque soir, appliquez votre mixture sur ces maudits boutons. Efficace à coup sûr !



Citation:
Du sent-bon au petit coin ? Naturel, c’est nickel !
Pour remplacer le traditionnel bloc bleu, mettez du vinaigre blanc dans le pot de la brosse à w.-c. Ajoutez quelques gouttes d’huile essentielle de citron ou de géranium. Pour des toilettes au parfum des prés !


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2 août 2013 5 02 /08 /août /2013 14:51






Première visualisation du film : Echec partiel, décrochage en début de route –c’est-à-dire au bout de dix minutes alors que le film en compte environ 170- et seul sursaut de conscience provoqué lors de l’apparition totalement gratuite d’un humanoïde rétréci.


Mais il paraît que le Solaris de Tarkosvski est le 2001, l’Odyssée de l’Espace de Kubrick… Et comme ce dernier figure dans les hauts rangs de mes films cultes, je ne peux m’empêcher de craindre d’avoir été négligente et d’avoir raté une merveille.




Un petit tour par les compléments du film, parmi lesquels figure une interview de l’actrice principale Natalya Bondarchuk, m’apprend que les longueurs inépuisables mais épuisantes du film résultent davantage d’un contexte politique que d’une véritable volonté du réalisateur. Le Tarkovski profond ne s’étale pas dans de longues scènes de conduite sur autoroute –par exemple- mais se dissimule dans de brefs passages, peut-être dans des dialogues qui ne durent jamais très longtemps, sauf lorsqu’il s’agit du procès rébarbatif de début de film.

Deuxième visualisation du film : Rien n’y fait, la solaristique de Tarkovski n’égale pas l’odyssée de Kubrick. Les faux-semblants ont peut-être trop bien réussi à voiler le véritable intérêt d’une histoire qu’il faudrait peut-être mieux lire que regarder… Les interrogations existentielles propres à l’être humain passent au second plan, rabrouées par une histoire d’amour qui dévore tout le reste et qui fait perdre une grande partie de la dimension morale et éthique du film.

On ne peut pas pardonner de telles longueurs lorsqu’en plus d’être ennuyeuses, elles nous ôtent tout espoir d’accéder à des promesses de réflexions qu’on avait imaginées somptueuses et hantées par la mélancolie.

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31 juillet 2013 3 31 /07 /juillet /2013 12:31



Mes amis, je vous écris pour vous dire que je ne vous aime plus, que vous ne m’aimez pas, ou que –si vous m’avez aimé-, je ne vous ai jamais aimés.


« Certains hommes forts ne sont pas seuls dans la solitude, mais moi, qui suis faible, je suis seul quand je n’ai point d’amis »


L’écriture d’Emmanuel Bove est dépouillée mais lancinante. Elle sent la fatigue et nous fait craindre l’abandon d’une lutte désespérée que l’écrivain a menée pour se lier à ses semblables –ne serait-ce qu’avec un seul d’entre eux. Tout est misérable dans ces pages, à commencer par le narrateur. Des descriptions déplorables de sa condition sociale –sans ami, sans famille, sans profession, sans argent- à son apparence physique –pouilleuse, négligée, morbide-, le plaisir sadique de l’autodestruction transperce entre des lignes plaintives. Par impossibilité pécuniaire et par négligence, le narrateur pense qu’il lui est impossible de remédier à cette identité misérable, et sans doute ne veut-il pas s’en débarrasser car il s’y est attaché et parce qu’elle constitue un passe-droit pour atteindre ceux qui lui semblent les plus intéressants –parce qu’ils lui ressemblent ?- les misérables, les malheureux, ceux qui n’ont plus d’espoir mais qui continuent tout de même à traîner leur tristesse sans oser l’abréger trop tôt.


« A peine sorti des draps, je m’assois sur le bord du lit. Mes jambes pendent à partir du genou. Les pores de mes cuisses sont noirs. Les ongles de mes doigts de pied, longs et coupants : un étranger les trouverait laids »


Le comportement du narrateur vis-à-vis des inconnus qu’il essaie d’attirer à lui est malsain. Derrière ses revendications d’amour et d’attention, on se rend compte très rapidement qu’une volonté de provoquer les conventions sociales domine. La quête amicale répond à un véritable besoin de compassion mais s’apparente également à une expérience sociologique dont les résultats ne surprennent jamais le narrateur : la pitié des uns pour les autres est nulle, personne ne se préoccupe d’autrui, sinon pour son intéressement personnel et, partant de cette conclusion, le but du jeu social est de faire miroiter en soi ce que les autres sont en possibilité d’attendre. Mais que peut-on attendre d’un pauvre gueux ? En pleurant au désespoir, en revendiquant l’amitié pure et gratuite, le narrateur brandit un orgueil démesuré ; son apparente faiblesse devient signe de supériorité morale et lui donne la permission de se montrer brutal dans sa revendication d’amitié.


« Pour un peu d’affection, je partagerais ce que je possède : l’argent de ma pension, mon lit. Je serais si délicat avec la personne qui me témoignerait de l’amitié. Jamais je ne la contrarierais. Tous ses désirs seraient les miens. Comme un chien, je la suivrais partout. Elle n’aurait qu’à dire ma plaisanterie, je rirais ; on l’attristerait, je pleurerais.
Ma bonté est infinie. Pourtant, les gens que j’ai connus n’ont pas su l’apprécier. »



Nous rencontrerons quelques-unes de ces personnes dans les différentes nouvelles qui constituent Mes amis. Chacune d’entre elles retrace le parcours du narrateur dans son choix d’une nouvelle proie amicale, dans les techniques de capture mises en œuvre, dans les désillusions réciproques –quoiqu’elles soient presque nulles du côté de « l’ami » qui n’a rien demandé- puis dans la séparation finale, qui se conclut avec une indifférence opposée à la quantité d’espoir investie par le narrateur lors de la rencontre. On se demande sans cesse ce que cherche vraiment celui-ci. Veut-il fuir l’ennui (« Je déjeune à une heure : l’après-midi me semble moins longue ») ? la solitude ? Cherche-t-il réellement l’affection d’autrui ? ou se contenterait-il seulement d’un peu de reconnaissance ?


« Mon imagination me crée des amis parfaits pour l’avenir, mais, en attendant, je me contente de n’importe qui »


Cet étrange roman de la prostitution amicale mettra peut-être en position dérangeante. Emmanuel Bove décrit tous les mécanismes –parfois inconscients- déployés par l’individu pour s’intégrer en société. Peut-être parce que son personnage en est trop conscient et qu’il en use sans aucune parcimonie, ses tentatives répétées de se lier à autrui échouent. Mes amis ne devrait pas être le titre d’un roman consacré à la solitude et pourtant, ne sommes-nous pas aussi contradictoires lorsque nous utilisons abusivement de ce qualificatif pour des personnes qui ont cessé d’être nos amies mais vis-à-vis desquelles nous continuons de feindre l’attachement par habitude ou par sécurité ? Le narrateur ne s’arrête pas à de pareilles craintes et se détache d’autrui sans douleur autre que celle qu’il éprouve pour lui-même et pour la solitude monadique que nous ressentons tous, dans une proportion inverse au nombre d’amis que nous croyons sincèrement pouvoir revendiquer.


« Je m’assois sur une chaise –une chaise de jardin qui se plie- et je pense à l’avenir.
Je veux croire qu’un jour je serai heureux, qu’un jour quelqu’un m’aimera.
Mais il y a déjà si longtemps que je compte sur l’avenir ! »



Sur ces réflexions vagues et incertaines, Emmanuel Bove signe la fin de nouvelles troublantes qui oscillent entre cruauté et abandon. Mieux vaut être seul que mal accompagné… même si tout le monde préfère malgré tout être accompagné.





Citation:
J’avais un mal de tête violent. Je songeai à ma vie triste, sans amis, sans argent. Je ne demandais qu’à aimer, qu’à être comme tout le monde. Ce n’était pourtant pas grand-chose.
Puis, subitement, j’éclatais en sanglots.
Bientôt, je m’aperçus que je me forçais à pleurer.
Je me levai. Les larmes séchèrent sur mes joues.
J’eus la sensation désagréable qu’on éprouve quand on s’est lavé la figure et qu’on ne se l’est pas essuyée.




*peinture de George Grosz

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30 juillet 2013 2 30 /07 /juillet /2013 12:09




Le mythe de Don Juan intrigue. Comment un homme séduisant, attirant à lui toutes les femelles des alentours et répondant visiblement avec plaisir à leurs avances, peut-il ne sembler jamais satisfait de sa situation, et continuer à volager avec une inconstance presque tenace ? A toutes les réponses audacieuses, psychologisantes ou mythologiques possibles, Max Frisch ajoute son hypothèse techniciste : Don Juan aime la géométrie. Pour peu que l’on se souvienne des paroles son homologue dans Homo Faber (« Je ne crois pas à la fatalité ni au destin, en tant que technicien j’ai l’habitude de m’en tenir au calcul des probabilités. […] les mathématiques me suffisent »), on pourrait à nouveau imaginer que le Don Juan de cette pièce de théâtre a largement été inspiré par la personnalité de Max Frisch lui-même.


Sous la forme d’un vaudeville plus comique que tragique –puisque Don Juan souffre peu, au contraire des femelles de sa cour-, qui utilise les masques et les déguisements comme autant de ruses mathématiques permettant d’échapper aux unions définitives pour mieux se rapprocher de la solution de l’indépendance, Don Juan mettra en scène ce que les autres considèreront comme son mariage afin de se retirer loin de Séville et de pouvoir se livrer à sa seule et plus puissante passion : celle de la géométrie.




Au-delà du rapport pathologique qui lie Don Juan aux femmes, on trouvera une confession joliment déguisée de Max Frisch… N’était-ce pas lui qui se plaignait souvent dans ses romans des contraintes que lui imposaient ses relations ? Qu’il s’agisse d’art ou de technique, l’homme passionné est le même (et c’est peut-être cette évidence qui l’irrite et qui lui fait écrire, dans Homo Faber : « […] il m’agaçait comme tous les artistes qui se croient supérieurs ou inférieurs, simplement parce qu’ils ne savent pas ce qu’est l’électricité »), trop éthéré et détaché des nécessités de la vie réelle pour se préoccuper d’autre chose que de lui-même. Les relations sont une contrainte, lorsqu’il l’idéal de l’esprit est une source de plaisir indéniable qu’il faut malheureusement trop souvent sacrifier au caprice des autres. Mais alors que dans Homo Faber, le personnage se complaisait dans cette situation, Don Juan devra se remettre en question lorsqu’il rencontrera la femme qui, en l’attachant à elle, lui rendra sa liberté et lui permettra de consacrer sa vie à la géométrie, sans n’être plus jamais entravé par les broutilles de ses amourettes.


« Pourquoi ne crois-tu pas en une femme, Juan, une fois seulement ? C’est la seule voie qui mène à ta géométrie. »


Cela semble peu romantique ? En réalité, cela l’est terriblement… pour la science. L’amour relève ici du platonisme mathématique. L’autre amour, plus conventionnel, celui qui se fait reconnaître par le mariage, apparaît seulement comme un moyen permettant à chaque membre du nouveau couple ainsi établi d’atteindre sa propre fin. Max Frisch signe ici la fin d’une liaison réussie, et si elle paraît si troublante, c’est peut-être seulement parce qu’elle abolit toute passion amoureuse. Entre mélancolie et soulagement, cette nouvelle version du mythe de Don Juan laisse songeur…


Citation:
DON JUAN : L’as-tu jamais éprouvé, l’étonnement tranquille que procure une connaissance juste ? par exemple : la définition d’un cercle, la précision d’un lieu géométrique ? J’aspire à ce qui est net, sobre et exact, mon ami. Le marécage de nos états d’âme m’épouvante. Jamais encore la vue d’un cercle ou d’un triangle ne m’inspira confusion, ni dégoût. Sais-tu ce que c’est qu’un triangle ? Une chose inévitable comme un destin : des trois éléments que tu possèdes ne peut résulter qu’une figure et une seule et l’espoir, l’apparence de possibilités à l’infini qui si souvent jette le trouble dans notre cœur, se dissipe comme une chimère devant ces trois segments. Une solution et une seule, dit la géométrie. Une solution et non pas la première venue.




Une étude approfondie de cette pièce : ICI


*image de Fritz Kahn

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29 juillet 2013 1 29 /07 /juillet /2013 15:41



Brás de Oliva Domingos est un daytripper : il voyage dans le temps et réalise le fantasme le plus cher de Milan Kundera en empruntant différentes voies qui mènent sur autant de destins différents. O joie de pouvoir mener plusieurs vies ! Oui mais… là où Milan Kundera lui-même ne serait pas d’accord c’est que 1) Brás n’a pas conscience de la pluralité de ses existences ; 2) chacune d’entre elles est marquée par la mort. Volonté scénaristique permettant peut-être de conclure dignement chacune des étapes que Brás aura eu l’occasion de franchir… Vraie obsession également puisque non content de mourir dix fois dans cet ouvrage, Brás écrit pour les nécrologies d’un journal et se laisse hanter par les voix des défunts auxquels il rend hommage.



Chaque chapitre de Daytripper s’ouvre à des moments différents de l’existence du personnage. A 33 ans, à 11 ans, à 21 ans ou à 76 ans, nous retrouvons la même personne mais à des étapes différentes et indépendantes. Le Brás de 33 ans n’est pas celui qui succède logiquement à celui que nous découvrirons à 11 ans, mais l’ensemble reste globalement cohérent, comme si certaines constantes ne pouvaient pas être exclues de l’infinité des univers que nous soupçonnons. Ces constantes restent l’ambition de devenir écrivain, le poids de la famille et l’attachement à certaines amitiés ou à certains amours. Brás de Oliva Domingos devient alors un personnage crédible malgré le fantastique de sa situation. On oublie même que ce qu’il vit est atypique. Sa psychologie fouillée rend ses sentiments limpides et le travail effectué sur l’expression des visages ainsi que sur les atmosphères des lieux nous donnent l’impression d’assister à des scènes d’un réalisme troublant.



On le savait déjà : la bande dessinée n’est pas une technique artistique et narrative de bas niveau. Elle permet même d’éprouver les limites du genre plus noble du roman –ici, il n’aurait pas pu réaliser aussi efficacement le travail de voyage temporel effectué à travers la synergie du dessin et du texte.


Daytripper est une belle œuvre mélancolique qui nous étreint des centaines de pages durant et qui nous laisse hagard. On ressort de cette lecture avec des interrogations nouvelles, meurtris par les fins monadiques mais aussi –et surtout-, impressionnés par les miracles de l’existence.


Citation:
Des gens meurent tous les jours. C’était la pensée la plus réconfortante effleurant Bras pendant que défilaient devant lui toutes les nécrologies qu’il avait écrites pour le journal. Il venait de le comprendre : même lorsqu’il n’écrivait pas, les gens continuaient de mourir.


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28 juillet 2013 7 28 /07 /juillet /2013 19:47




Est-ce l’histoire d’un bégaiement qui ferait se dédoubler une seule et même personne, ou est-ce l’irruption impromptue d’une tierce personne dans ce petit couple bourgeois, qui donne au titre de leurs aventures cette composante triplée là où l’on s’attendrait plus décemment à un romantique Coco et Toto ?


L’œuvre est courte et composée de petits chapitres indépendants. Avec un peu de volonté et d’imagination, on pourrait les lier les uns aux autres et retracer le parcours de la formation de ce couple. L’exercice nécessite un peu de souplesse mais fait également ses preuves.


Après s’être gentiment moqué des employés de l’administration dans Messieurs les ronds-de-cuir, Georges Courteline tourne ici en dérision ce petit couple bourgeois qui se taquine gentiment dans la chaumière… Il est question de choux, de galeries d’art ou d’enfant aux mains palmées. Sur le programme, ces perspectives ont l’air follement appétissantes et on imagine déjà du fantastique bien touillé, dissimulant une subtile critique assénée avec un brin de cynisme. En réalité, comme l’écrira Georges Courteline à propos des dialogues tenus par ses personnages : « c’était assez spirituel, comme vous pouvez voir ! Oh, je ne dis pas que ce fût à se rouler, naturellement !... mais enfin, c’était gentillet, c’était drôlet, quoi ! »


Voici tout résumé le programme des aventures de Coco, Coco et Toto. Leurs noms mignons, leurs petites querelles bouffonnes et leurs échanges de haute volée nous font sourire, prenant parfois le risque de nous lasser avant même d’être achevées, mais échappant de justesse à cette condamnation grâce à la bonhommie de Georges Courteline. Il s’agit ici de virevolter gentiment d’une page à l’autre sans prétention et de se dire que le jour où Coco, Coco et Toto se fâcheront vraiment, ce ne sera pas à cause de Courteline.


Un petit exemple de cet humour cocotoesque :

Citation:
De la pâle ruelle du lit où il s’étirait frileusement en attendant que l’heure sonnât de se lever pour le travail :
- Chou ! cria Monsieur à Madame allongée à son côté, puisque tu as fini de le lire, passe-moi donc le journal, que je voie les nouvelles.
- Non ! répondit sèchement Madame. Les choux ne sont pas faits pour passer les journaux.



Surprised

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24 juillet 2013 3 24 /07 /juillet /2013 16:01



On pourrait décrire ce livre à la façon des 90 livres et des 90 films qu’il passe en revue, et cela donnerait :


« Henrik Lange a vu et lu plein de trucs. Un jour, il se dit que ce serait dommage de ne plus se souvenir de tout ça. Alors il écrit un bouquin pour résumer chaque film et chaque livre culte qu’il a englouti, le tout en quatre cases de bande dessinée. Et non content de spoiler ces œuvres, il se fout en plus de leur gueule ! On aura tout vu… »


Twitter a fait des ravages. Hérésie, quand tu nous tiens ! En passant en revue l’index des œuvres que ce livre vide de leur suc corporel, on frisonne d’horreur. Des livres cultes tels que « 1984 », « L’étranger », « Factotum », « La conjuration des imbéciles », « Dix petits nègres »… sont réduits à peau de chagrin et ridiculisés sans que ça ne sente jamais la provocation gratuite. Henrik Lange accomplit brillamment cet exploit en se contentant de nous prouver qu’il est possible de ramener n’importe quelle réalisation à ce qu’elle est vraiment c’est-à-dire, dans une perspective nihiliste : rien.


Henrik Lange n’utilise pas de ce comique lourd qui lasse au bout de trois pages. Il ne cherche pas à faire rire le lecteur gratuitement mais le prend justement à contre-courant et ne le flatte jamais. Le message sous-jacent serait le suivant : lecteur, voici la preuve que tu as perdu ton temps à lire des bouquins finalement pas très instructifs, souvent débiles, et qui auraient pu se résumer en deux lignes. Il n’empêche… si l’on essaie à notre tour de faire le même travail pour chaque livre que nous avons lu et aimé (c’est bien cela que signifie « livre culte », non ?), on comprendra rapidement que cela n’est pas évident… On appréciera donc d’autant plus les fiches récapitulatives d’Henrik Lange qu’on connaîtra les livres qu’il traite. Et pour les autres… il faudra soit passer son chemin en puriste des chutes, soit prendre le risque de découvrir les fins parfois surprenantes de certaines œuvres pour apprécier jusqu’au bout l’humour ravageur d’Henrik Lange. Pour ma part, le choix n’a pas été difficile à faire…


Voici un livre qui pourrait nous faire regretter nos années collèges. Les 90 livres cultes à l’usage des personnes pressées auraient pu nous servir d’appui pour tous les commentaires et rédactions à rédiger en devoirs à la maison. Mais ce livre et les 90 films cultes à l’usage des personnes pressées sauront également trouver leur utilité dans la vie de tout adulte désireux d’impressionner ses camarades de conversation en faisant briller sa haute culture littéraire et cinématographique… à condition de ne pas entrer dans les détails, et de ne pas prendre au pied de la lettre toutes les interprétations parfois délirantes d’Henrik Lange... et comment savoir ne pas être son dupe, sinon en lisant vraiment les œuvres qu’il répertorie dans son manuel à l’usage des personnes pressées ?


Quelques-uns pour le plaisir...



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23 juillet 2013 2 23 /07 /juillet /2013 12:25





Paulo Monteiro semble avoir tellement galéré à assembler les différentes histoires constitutives de son Amour infini que j’ose à peine évoquer les sentiments que celles-ci m’inspirent.


On commence dans le vif du sujet avec quatre pages consacrées au titre éponyme. Un bouc masqué galope sur quelques cases et se noie de contemplation pour une donzelle aux joues roses. Il s’agit d’en arriver rapidement à la conclusion du titre : ô l’amour infini que j’ai pour toi. Après ça, page blanche. Où est la chute ? Y en a pas. Qu’a-t-on appris ? compris ? Rien… Drôle d’apéritif. On continue.


« Ta guerre est terminée » vient heureusement corriger la mauvaise impression laissée par l’histoire précédente. Comme « Parce que c’est ça mon métier », Paulo Monteiro évoque ici ses relations avec un des membres de sa famille –d’abord son grand-père, ensuite son père. Les détails choisis pour représenter leurs rapports donnent une inflexion sensible à ces histoires et ne sentent pas ce chiqué qui nous fera grimacer des pages plus loin. Pause contemplative. Repos du guerrier-lecteur avant le grand maelström de mauvais goût qui va suivre.


« J’irai voir l’aimée », « La chanson du soldat », « Tes lèvres roses » et « Le pendu » se lisent avec beaucoup de souffrance. Non seulement les textes puent l’eau de rose bon marché (« J’emporte avec moi une étincelle de ton regard et le vague souvenir de ta bouche au goût de grenade », « Elles ignorent que j’ai un rossignol à la place du cœur ») mais les dessins viennent encore alourdir le propos avec un symbolisme usé qui sent le gothique façon années collège. Grand embarras du lecteur devant cet avilissement artistique. Paulo Monteiro a voulu faire genre (genre poétique, genre romantique, genre torturé) mais il ne convainc personne.



Si « Au-delà des collines » apporte un peu d’originalité au recueil et passe ainsi pour l’histoire la plus personnelle, « Je reste avec mes blattes » rend au contraire un hommage raté à la Métamorphose de Kafka –comme s’il s’agissait de remplir des cases de blattes pour égaler l’angoisse véhiculée par le maître praguois. Encore une fois, ce n’est pas le texte –du sous-Houellebecq sans ironie- qui améliorera notre ressenti (« Je suis seul avec mes blattes. La plus grosse vient se coucher à mes côtés et pond ses œufs dans ma bouche. Ça me renvoie à ma condition : un morceau de viande qui pourrit… »). Honte. On a envie de dire à Paulo Monteiro : tu n’étais pas obligé de faire ça pour nous plaire.




Pour conclure cet embêtant recueil, Paulo Monteiro a choisi d’intégrer quelques extraits de son journal de travail. On découvrira que si la lecture fut difficile, l’écriture ne le fut pas moins, et que ni la prose ni le dessin ne coulent avec fluidité de l’inspiration de Monteiro (« J’ai dessiné de 2h00 à 5h00 du matin. Mais sans aucune envie. Quelle lutte ! »). On a parfois l’impression d’assister à une entrevue avec un psychiatre, les heures de travail étant méticuleusement soumises à un décompte pathologique. Mais ici encore, Paulo Monteiro ne peut s’empêcher de se regarder écrire, prenant des poses d’artiste torturé ou de vagabond moderne à moteur (« J’ai quitté la maison à 3h00 du matin et j’ai roulé en voiture sans but, pendant près de 2 heures. Rien à voir avec les 400 ou 500 km que je pouvais faire quelques années en arrière. Sans destination. Rien que la route goudronnée et la nuit noire. J’ai trop pensé au livre et je n’ai pas envie de faire ça. La solution c’est de rouler en voiture sans s’arrêter. Ça me semble pas mal… »). Et puis, on tombe parfois sur quelques craintes confirmées (« J’ai horriblement peur que tout ça ait l’air mièvre et mal fignolé ») et on ne peut s’empêcher d’éprouver l’embarras de devoir confirmer Paulo Monteiro dans ses doutes. Il avait visé juste ! Et plutôt que de se corriger, que lit-on à peine plus loin ? « Il faut que j’en finisse le plus vite possible ! » Voilà comment on en arrive sans doute à publier des ouvrages qui ont non seulement fait souffrir leur auteur, mais qui embarrassent leurs lecteurs. Toute cette souffrance productive inspire de la pitié. Pour un peu, on n’oserait presque plus dire que le boulot de Paulo Monteiro ne vaut pas grand-chose. Sauf s’il nous l’autorise…


Le poseur se dessine en train de prendre la pose...


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22 juillet 2013 1 22 /07 /juillet /2013 13:30



Hommages à Jim Briskin, premier Président noir des Etats-Unis. Encore une fois, Philip K. Dick semble avoir louché avec précision sur l’avenir. Quelques-uns se réjouissent encore de ce qu’ils considèrent être comme un progrès dépassant les ambitions des dernières luttes raciales lorsque d’autres, un peu moins optimistes, ne doutent pas des failles bien plus alarmantes qui menacent un monde en apparence apaisé. Pour qui connait la situation, celle-ci est critique. La planète, menacée de surpopulation, ne survit qu’à l’aide de ses congélateurs dans lesquels sont enfermés dix millions de cryos. L’idéal serait de découvrir une nouvelle planète habitable pour envoyer ce surplus de vie loin de la Terre. En attendant, les cryos servent allègrement de réserves d’organes pour les habitants bien vivants en manque de rein, de foie ou de cœur. Les rumeurs s’ébruitent et prennent peu à peu la forme d’un scandale. Le gouvernement doit réagir rapidement pour régler ce problème, et il ne va pas sans dire qu’une des raisons pour lesquelles Jim Briskin a été élu tient à l’annonce d’une solution radicale : la découverte d’une brèche dans l’espace qui permettrait d’accéder à d’autres mondes.


Comme à son habitude, Philip K. Dick ne nous explique rien et laisse le lecteur comprendre les mécanismes de la planète sur laquelle il a atterri. Les néologismes techniques foisonnent et laissent parfois pantois, dépassé de toutes parts par des éléments critiques qui s’amoncellent pour mieux nous déstabiliser. Est-ce donc ce que ressentent les personnages de Brèche dans l’espace ? Est-ce la raison pour laquelle ils se précipitent sans réfléchir dans les recoins les plus hasardeux de l’univers ? La brèche à travers laquelle ils envoient quelques-uns de leurs techniciens, deux couples cobayes et un mutant à deux têtes, leur révèle de plus en plus d’éléments inquiétants. La colonisation reprend ses droits mais cherche à se donner un autre nom pour n’affoler personne et ne pas faire croire à une régression dans les droits civiques –les droits de l’homme peuvent-ils d’ailleurs s’appliquer aux formes de vie décelées sur d’autres planètes ?


Philip K. Dick introduit les éléments d’une physique imprévisible sur les bases d’une science apparemment irréfutable pour dresser le portrait peu flatteur d’une société qui ne doute plus de ses solutions et qui, par son optimisme forcené et aveugle, frôle les désastres les plus incontrôlables. Pas besoin d’accumulation de faits frappants : Philip K. Dick projette des fulgurances angoissantes. Son livre n’est qu’une autre forme de Brèche dans l’espace permettant de calmer nos ardeurs scientistes.


Citation:
Peut-être pouvons-nous les tuer ? songea-t-il. Leur refiler une maladie par exemple, pour qu’ils tombent comme des mouches.
Il s’en voulait de telles pensées. Mais la chose était claire dans son esprit. Nous avons terriblement besoin de place, se rendit-il compte. Il faut qu’on l’obtienne, et peu importe le reste. Peu importe la manière.


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21 juillet 2013 7 21 /07 /juillet /2013 20:14





“Le grand public envisage souvent l’œuvre de Keith Haring comme ludique et légère. A travers cette exposition, [nous] souhaitons montrer qu’elle est aussi politique, revendicatrice, violente, sexuelle… »


La démonstration sera courte. S’il fallait nous prouver que Keith Haring n’est pas qu’un simple griffonneur qui se paie d’une apparence facile de scribouilleur des métros, ce hors-série de Beaux-Arts Magazine nous le fera comprendre en peu de textes et peu de pages. Le texte pourrait tenir sur quelques pages. Heureusement restent les images…


Les dossiers thématiques choisis pour présenter l’œuvre de Keith Haring méritent toutefois d’être relevés pour leur intérêt. Une fois évoquée la courte biographie de l’artiste et les thèmes majeurs dont est constituée son œuvre –la lutte contre le sida, contre l’exclusion raciale, contre la lobotomie qu’exerce sur ses sujets la société de consommation-, la rédaction se propose de rapprocher Keith Haring de certains de ses prédécesseurs dont l’influence se fait ressentir dans certains détails : Dubuffet, Alechinsky ou Pollock sont les références les plus évidentes. On découvrira également en images le mode d’exécution de ses toiles les plus élaborées –celles réalisées dans le métro ne nécessitant pas davantage d’explication que leur spontanéité. Après cette présentation qui nous aura permis de découvrir une personnalité engagée et contestataire, il serait légitime de se demander comment reprendre le flambeau de la lutte contre la société de consommation à la manière fin du 20e siècle. Keith Haring nous livre une réponse qui sera présentée dans les dernières pages : rien de tel que de la prendre à son propre piège pour l’anéantir. Keith Haring, contre la société de consommation lorsqu’il s’agit pour celle-ci de manipuler ses sujets lambda, s’en empare à son avantage pour malmener l’élite culturelle, celle qui se défend de mêler pratiques et gadgets artistiques. Les immondes mugs, tee-shirts et porte-clés en folie qui envahissent les boutiques des musées ? ils sont entre autres l’œuvre de Haring…



Keith Haring mérite donc plus d’intérêt qu’on ne lui en décerne habituellement et Beaux-Arts Magazine aura su nous convaincre de la pertinence de l’œuvre concernant les luttes politiques et sociales de la fin du 20e siècle ; mais par la brièveté du discours qui l’entoure, deux questions se profilent : le fond est-il si léger qu’il se résume en quelques mots ? à moins que la forme soit si explicite qu’elle ne nécessite pas d’autre média pour signifier… entre ces deux possibilités, reste au spectateur de trancher par la force de sa sensibilité personnelle.

 

 

Société de consommation -cible bien aimée :



 
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Andy mouse - New coke



 
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Cruella de vil, 1984



 
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Untitled, 31 mai 1984

 


Luttes raciales :



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Free south Africa



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Michael Stewart - usa for africa

 


Prévention sexuelle et lutte contre le SIDA



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Safe sex



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Silence = death, 1988

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